Période pré-électorale et communication des collectivités : attention danger

Les collectivités et leurs groupements sont entrés le 1er septembre dans une période où, compte tenu des municipales de mars prochain, ils doivent observer une particulière vigilance vis-à-vis de leurs opérations de communication au sens large. Depuis cette date, la communication institutionnelle mise en œuvre par la collectivité ne doit en aucun cas être confondue avec la communication politique déployée par les candidats. En ce qui concerne les réseaux sociaux, particulièrement sensibles, les communicants publics doivent trouver l'équilibre dans le respect du principe de neutralité et de celui de liberté d'expression.

L'article L52-1 du code électoral est formel : "Aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" des municipales qui se déroulera les 15 et 22 mars 2026. Il en va de la réalité du principe d'égalité entre toutes les listes candidates.

Toute la panoplie des moyens de communication (journaux, flyers, sites internet et lettres sur le web, réseaux sociaux…), ainsi que les événements publics (cérémonies, inaugurations, réunions publiques…) entrent sous le coup de cette restriction qui exige des collectivités qu'elles se cantonnent à une communication informative et neutre.

Les communes, leurs établissements publics (centre communal d'action sociale, caisse des écoles, office public de l'habitat…), les établissements publics de coopération intercommunale, mais aussi les départements et les régions (leurs élus peuvent être candidats à l'élection municipale) doivent prendre en compte ces règles. Tout comme les organismes satellites, qu'il s'agisse des sociétés d'économie mixte, des sociétés publiques locales, ou des associations subventionnées.

Principes à respecter

Y contrevenir peut entraîner de lourdes sanctions : le refus du remboursement des dépenses engagées pour la campagne électorale, l’inéligibilité du candidat, l’annulation du scrutin ou une amende pouvant atteindre 75.000 euros.

Les collectivités peuvent échapper à ces déboires en appliquant à leur communication quatre principes dégagés par la jurisprudence : la neutralité (du contenu et du ton), l'antériorité des opérations de communication (elles existaient avant le 1er septembre, les nouveautés sont à exclure), la régularité (la périodicité des manifestations et publications n'est pas modifiée), ainsi que l'identité (les actions de communication ne doivent changer ni de forme ni d'aspect).

Depuis quelques mois déjà et jusqu'aux élections municipales, les agents territoriaux ont tout intérêt à passer au crible la communication de leur collectivité en ayant à l'esprit ces différentes balises. Ce qui peut les amener à repérer des situations à risques.

Des initiatives à proscrire

L'édition, à quelques semaines des élections, d'un journal municipal "rédigé en des termes mesurés" et "reprenant le format d'éditions antérieures" ne doit pas poser de problème à la collectivité. Il en sera en revanche autrement si la publication intervient après une longue période d'interruption : le juge a considéré qu'un tel bulletin "revêt le caractère d'une campagne de promotion publicitaire prohibée", pointaient les experts de Rural Consult, un service de la Banque des Territoires, lors d'un webinaire consacré le 3 juin à la question.

La période pré-électorale n'est véritablement pas propice aux initiatives en matière de communication. Les exemples sont nombreux. L'envoi par le maire de cartes de vœux à ses administrés en janvier prochain est ainsi à proscrire s'il n'a pas de précédent. De même, mieux vaudra, lors de la cérémonie des vœux du maire qui se tiendra en janvier prochain, que la commune renonce à projeter une vidéo venant en plus ou à la place des traditionnelles photos sur la vie municipale.

Inaugurations non sans risques

Les inaugurations sont, elles, autorisées, à condition qu'elles ne soient pas factices (ce qui peut être le cas si l'équipement en question a été ouvert plusieurs mois avant). Mais elles constituent des moments "compliqués" et "risqués", en particulier si le maire doit prendre la parole, juge-t-on à Rural Consult. S'il est candidat, l'édile doit en effet éviter de mettre en avant son lien avec la réalisation. "Attention à ne pas sortir d'un rôle purement informatif", avertissait Karine Goulet-Nyssen, avocate au Barreau de Paris, lors d'une rencontre organisée sur le sujet, le 1er avril, par l'Association des maires de France (AMF). "Vous ne devez pas dire par exemple que la commune a investi 500.000 euros durant le mandat et qu'elle va doubler au cours du prochain mandat l'enveloppe qui sera consacrée aux événements ou équipements sportifs de la ville", conseillait l'avocate. Elle mettait aussi en garde : "Pensez que vous pouvez être filmé : tout cela pourra être utilisé contre vous." Et si l'inauguration est médiatisée, elle peut être vue par le juge électoral comme "un acte de propagande électorale".

Autre cas qui mérite réflexion : l'organisation pour la première fois d'un marché de Noël en 2025 dans une commune. Cette initiative "pourrait poser un problème" au regard des "critères d'antériorité et de régularité", même s'il y a "une neutralité dans ce qui est dit", considère-t-on à Rural Consult. La tenue pour la deuxième année d'un repas pour les aînés est tout à fait possible quant à elle, mais à condition que ce moment-là soit neutre ("pas d'appel au vote") et reproduise les conditions d'organisation de la première année (par exemple "ne pas doubler le budget alloué au repas").

Réseaux sociaux sans interactivité

"Pendant l’année électorale", une commune ou une intercommunalité peut créer ou moderniser son site internet, à condition que l'outil demeure un "service à la population" fournissant "des informations sur la collectivité", mais ne mettant pas en valeur l'exécutif local, indique l'AMF dans une note sur les règles de la communication en période préélectorale. 

Les réseaux sociaux sont particulièrement sensibles dans la mesure où les publications faites par la collectivité via ces outils, y compris avant la séquence pré-électorale, peuvent susciter des commentaires d'internautes pendant toute cette période. "Le mieux est de supprimer ces publications pour éviter qu'elles ne soient utilisées contre vous", conseille Karine Goulet-Nyssen à l'attention des responsables des collectivités.

De grandes villes - comme Lyon, Nice, Montpellier, Besançon, Dunkerque, Perpignan - et d'autres plus modestes (par exemple Chabeuil, 6.800 habitants) ont fait ce choix, indique le réseau des professionnels de la communication publique Cap'com. Depuis le 1er septembre, ces collectivités ont désactivé tous les commentaires sur leurs réseaux sociaux. 

Liberté d'expression

Une mesure jugée disproportionnée par certains communicants publics, tel que Pierre Renaud, responsable de la communication numérique de la ville et de l'agglomération de Saint-Dizier. Qui pointe sur son compte LinkedIn une décision juridiquement risquée, le juge administratif ayant déjà sanctionné des collectivités pour atteinte excessive à la liberté d’expression.

D’autres collectivités se sont dotées d’une charte de modération en période de réserve électorale. À l'image de la ville de Gardanne (21.000 habitants). Les commentaires des internautes sont maintenus, à condition de ne pas véhiculer un "message de nature politique ou électorale", ou un "contenu visant à faire campagne ou influencer le vote". De tels commentaires sont "masqués ou supprimés sans préavis", a prévenu la mairie le 10 septembre sur son compte Facebook. Cette pratique de modération "raisonnée et transparente" permet d’"écarter uniquement ce qui tombe sous le coup de la loi, sans museler l’ensemble des citoyens", salue Pierre Renaud.

À l'approche du grand rendez-vous démocratique de mars 2026, la communication publique locale est véritablement placée sous le signe de la prudence. Les experts de Rural Consult conseillent aux collectivités d'adopter dans ce contexte un comportement à la fois d'"anticipation" et de "prévention", se traduisant concrètement par la mise en place d'outils de "contrôle en interne". 

Sensibilisation des agents

Un "audit de tous les supports existants", y compris ceux des organismes satellites, permet ainsi d'identifier les "publications sensibles" et les "contenus à risque", expliquaient-ils en juin. Pour chaque support, une "check-list" comportant des points de contrôle peut-être établie. Exemples de vérifications : "Y a-t-il une valorisation explicite ou implicite de l'action municipale ?", "l'élu ou la majorité municipale sont-ils nommés ou mis en avant ?", "le ton est-il neutre, informatif, sans slogan ?", ou encore "des visuels montrent-ils des élus ou des inaugurations ?".

Autres recommandations pertinentes dans les plus grandes collectivités : la mise en place d'un "comité de validation" permettant de croiser les regards (élus, juristes, graphistes…) et la nomination d'un référent en matière de communication pré-électorale, qui est "le garant de la conformité de tous les supports".

La sensibilisation des élus, des prestataires et des agents territoriaux aux règles s'appliquant depuis le 1er septembre s'avère également essentielle. À l'attention des employés de la collectivité, une note de service peut être diffusée, en s'inspirant par exemple d'un modèle mis en ligne par Cap'com. De nombreuses autres ressources pédagogiques existent par ailleurs sur le web, telle qu'une foire aux questions publiée par le centre de gestion du Finistère.

 

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