PLF 2026 : les députés de la commission des finances rejettent le renforcement du dispositif d'épargne forcée
La commission des finances de l'Assemblée nationale a entamé le 4 novembre l'examen des amendements sur la seconde partie (volet dépenses) du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. En tête des vingt missions du projet de budget figurant à son programme : la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (RCT) et ses articles visant à maîtriser les dépenses des collectivités locales. Les députés n'ont pas fait dans la dentelle, choisissant de supprimer purement et simplement le dispositif d'épargne forcée ("Dilico") et le fonds d'investissement pour les territoires.
© Capture vidéo Assemblée nationale/Commission des finances de l'Assemblée le 4 novembre
Avec son montant doublé (2 milliards d'euros) et ses conditions durcies, la nouvelle mouture du Dilico ("Dilico 2") n'a pas trouvé grâce aux yeux des députés de la commission des finances, qui l'ont rejetée après un long débat dans la soirée de ce 4 novembre. La commission examinait les articles de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT), au sein de laquelle se trouve l'article 76, qui procède à la création de ce mécanisme visant à restreindre les recettes des collectivités dans l'optique de freiner leurs dépenses. La gauche et le groupe Liot avaient déposé des amendements de suppression de la disposition qui fait l'unanimité contre elle du côté des associations d'élus locaux. Les socialistes ont dénoncé "la véritable 'saignée' sur les budgets locaux" qui serait organisée avec le Dilico, les députés Liot déplorant eux une "ponction injuste et mal calibrée".
Les députés ont préféré cette solution radicale à des alternatives offertes par des amendements visant à aménager le dispositif conçu pour 2026. Réduction du montant de la ponction à 1 milliard d'euros, reversements sur trois ans et non cinq, exonération des départements, réduction de l'effort pour les régions, non prise en compte des dépenses d'investissement pour le calcul des reversements… ils avaient un large choix. Mais aucune de ces options n'a été choisie.
Ne pas "mettre en concurrence les territoires"
Les députés ont également voté pour la suppression de l'article 75, qui procède à des ajustements (de nature technique, selon le rapporteur démocrate, Emmanuel Mandon) de la version du Dilico mise en place par la loi de finances pour 2025. Même si l'amendement devait être confirmé en séance, "le Dilico 1 sera reconduit en 2026, en 2027 et en 2028 et à chaque fois à hauteur d'un milliard d'euros", a indiqué le rapporteur. Mais la mesure "enlèvera une certaine solidité" au dispositif, a jugé Élisa Martin (LFI).
La gauche a été vent debout contre la création d'un fonds d’investissement pour les territoires (FIT) par la fusion de trois dotations existantes. Pour LFI, la réforme "ne sert à rien d’autre que masquer [les] économies budgétaires" de 200 millions d'euros sur les dotations à l'investissement local, envisagées dans le PLF pour 2026, tandis que les socialistes dénoncent un projet qui "induira une concurrence entre territoires (…) essentiellement au détriment des territoires ruraux". Enfin, les écologistes ont pointé le "risque de rendre plus opaques les critères d'attribution et de priver les collectivités d'un levier essentiel pour leurs projets". Des arguments entendus par d'autres députés, puisqu'une majorité a voté en faveur de la suppression de l'article 74 qui crée ce FIT. Certains ont relevé que la réforme est rejetée par les associations d'élus du bloc local (Alexandre Dufosset, RN) ou ont estimé qu'elle "mérite d'être travaillée plus" (Emmanuel Mandon).
DGF des régions : feu vert de la commission
Les députés ont adopté l'article 72 qui procède à la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et cela sans modifier les dispositions prévoyant la restauration d'une part de DGF pour les régions. Opposée à cette mesure, la gauche n'a pas convaincu le centre et la droite de la nécessité de maintenir la fraction de TVA créée en 2018 en remplacement de la part régionale de la DGF. Le communiste Nicolas Sansu a soutenu l'amendement, car "les régions n'ont plus de pouvoir de taux" et la DGF "diminue". Si Jean-René Cazeneuve (EPR) s'est abstenu, il n'en a pas été de même du rapporteur spécial, qui a jugé "atypique" au sein des collectivités la situation dans laquelle se trouvent les régions, avec le bénéfice d'une ressource qui a évolué de 28% depuis 2017. Le RN a, lui, présenté les régions comme dispendieuses et jugé qu'elles n'avaient "pas besoin" de moyens supplémentaires.
A l'article 72, la commission a par ailleurs adopté un amendement du rapporteur supprimant le fléchage de l'augmentation de 150 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR) en 2026 à hauteur d'au moins 60% vers sa part péréquation (dont bénéficie plus de 33.000 communes). L'amendement a pour but de "confier davantage de marge d’appréciation au Comité des finances locales (CFL) dans sa répartition de l’augmentation annuelle de la DSR".
Pas de rallonge pour le fonds vert
A l'article 49 ("état B"), Les députés ont repoussé un amendement LFI proposant d'augmenter de 1,85 milliard d'euros en 2026 le fonds vert destiné à soutenir les projets des collectivités dans le domaine de la transition écologique. Les dispositions du fonds vert ne relevant pas de la mission RCT, le rapporteur spécial a émis un avis défavorable à son sujet. "Cet amendement, même s'il est mal placé, doit être soutenu, parce qu'il n'est que le respect de la parole donnée par l'État et un engagement nécessaire et encore insuffisant pour la transition écologique", a plaidé à l'inverse l'écologiste Tristan Lahais. D'autres députés s'y sont opposés, au motif de son coût pour les finances publiques (Matthias Renault, RN), du "principe de réalité" (Jean-René Cazeneuve, EPR) ou parce qu'"on doit tous se responsabiliser" (Jean-Paul Mattei, Les Démocrates).
La commission a également rejeté un amendement écologiste visant à "sécuriser" le financement des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) du fait de leur fragilisation par la forte baisse du produit de la taxe d'aménagement ces dernières années. Une évolution liée notamment aux "dysfonctionnements" de la mise en œuvre de la réforme de la liquidation de la taxe. Les députés n'ont donc pas suivi l'avis de la commission des lois qui s'était prononcée la semaine dernière en faveur d'un amendement identique (voir notre article).
Incertitudes sur le calendrier
L'examen en séance publique des articles de la mission RCT était initialement prévu le 12 novembre. Mais, compte tenu du retard pris dans la discussion sur la première partie du PLF, le débat est repoussé à une date qui n'a pas encore été fixée. Et une incertitude pèse sur la possibilité que celui-ci ait lieu. Cela n'a pas échappé au président de la commission des finances, Éric Coquerel, lequel a souligné à ses collègues en préambule de la réunion de ce 4 novembre : "C'est peut-être ici [en commission] que nous aurons la seule discussion sur cette partie deux du budget de l'État". Dans l'hypothèse où les députés examinaient en séance les articles de la mission RCT, ils partiraient de la version gouvernementale du texte.