PLF et finances locales : en commission, la bataille d'amendements sur le "volet dépenses" a commencé
Mise en réserve forcée, restauration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des régions, réduction des dotations pour l'investissement local… les députés se mobilisent en commission pour corriger les articles de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 consacrés aux finances des collectivités, jugés par certains inacceptables. Avant que la commission des finances ne se prononce au fond le 4 novembre, la commission des lois était saisie pour avis, le 29 octobre, donnant ainsi le la sur ces dispositions placées sous le signe de la maîtrise des comptes publics.
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Les discussions sur la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (RCT), auxquelles un nombre assez réduit de membres de la commission des lois a pris part le 29 octobre, se sont traduites par le rejet de plusieurs articles emblématiques. À l'instar de l'article 75, qui ajuste le mécanisme d'épargne forcée ("Dilico"), et de l'article 76 qui double son montant tout en durcissant ses conditions de mise en oeuvre. Une majorité des membres de la commission a voté en défaveur de l'aménagement du Dilico tel qu'il s'applique en 2025. Et donc pour la disparition du dispositif. Ces députés n'ont pas suivi la position de la rapporteure pour avis, la démocrate Blandine Brocard, pour qui "il est nécessaire de contenir les dépenses de fonctionnement des collectivités".
Par ailleurs, des amendements similaires visant à rayer d'un trait la nouvelle mouture du Dilico ont été adoptés. Leurs auteurs ont critiqué "un prélèvement injustifié sur [les] recettes" des collectivités (LFI) et une "énième mesure délétère pour nos services publics locaux" (écologistes), qui "porte[nt] manifestement atteinte à la libre administration et à l’autonomie financière et fiscale des collectivités" (socialistes). Ils ont été votés cette fois avec l'"avis de sagesse" de la rapporteure, qui a jugé "contestable" une mesure qui "pénalise les collectivités si elles investissent plus que l'année précédente". "Il y a de très nombreuses questions qui se posent sur ce nouveau mécanisme", a-t-elle ajouté.
Soutien aux départements
De même, la commission n'a pas été convaincue de l'utilité de la création du fonds d'investissement pour les territoires (FIT) par le regroupement de trois sources de financement des investissements locaux : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Elle a voté pour la suppression de la mesure.
La commission des lois a, en revanche, validé l'article 72, qui porte sur la répartition de la DGF, mais en l'amputant de sa disposition visant à restaurer une part allouée aux régions. L'amendement déposé par le groupe socialiste accompagne en fait un autre amendement quant à lui mis en avant dans le cadre de la première partie du PLF, qui vise à maintenir la fraction de TVA régionale créée en 2018. Laquelle a le mérite, pour ses défenseurs, d'avoir été dynamique sur une longue période.
La commission a par ailleurs adopté plusieurs mesures ayant pour but de soutenir les finances des départements, actuellement dans le rouge. Un amendement abonde le fonds de sauvegarde de 160 millions d'euros supplémentaires, alors que le gouvernement prévoit que son montant soit de 300 millions d'euros en 2026. Pour rappel, ce fonds bénéficie aux départements les plus défavorisés.
Au secours des CAUE
Une autre mesure vise à "assurer la compensation intégrale par l’État" (alors qu'elle n'est que de 50% actuellement) des dépenses engagées par les départements, du fait de l’extension de la revalorisation salariale "Ségur" aux personnels des établissements et services sociaux et médicosociaux (ESSMS) privés à but non lucratif (foyers de l’enfance, établissements d’hébergement pour personnes handicapées ou âgées, services d’accompagnement social et éducatif). Coût estimé de la disposition : 85 millions d'euros. Les députés ont aussi voté une rallonge de 270 millions d'euros en faveur des départements et des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Le but : "corriger les effets" de la réforme "mal préparée" de la taxe d’aménagement, qui a occasionné une perte sèche de "300 millions d'euros", obligeant certains CAUE à mettre la clé sous la porte.
Les députés financent ces soutiens financiers par une diminution de certaines dotations ou aides de la mission "RCT". Ils espèrent toutefois que le gouvernement "lèvera le gage", ce qui permettrait de maintenir les enveloppes incluses dans la mission, mais creuserait le déficit public.
Fonds vert "à préserver"
À noter que par un "amendement d'appel", le groupe LFI a ouvert un débat sur la baisse de 500 millions d'euros du fonds vert, destiné à soutenir les projets des collectivités dans le domaine de la transition écologique. L'amendement a dû être retiré, dans la mesure où le fonds vert ne relève pas de la mission RCT. À l'occasion de la discussion, la rapporteure démocrate a soutenu ce dispositif "qu'il faut préserver", car étant "très apprécié de la part de nos élus locaux". Elle n'a toutefois pas dit explicitement si son groupe soutiendrait un amendement revenant sur la réduction du fonds en 2026.
La discussion tenue par la commission des lois donne un avant-goût des débats qui auront lieu lors de la réunion de la commission des finances, le 4 novembre en fin de journée. Nul doute que les députés ne voudront pas laisser inchangée la mission "RCT". Reste à savoir où ils placeront les curseurs. Par exemple, supprimeront-ils purement et simplement la nouvelle version du Dilico, ou remanieront-ils seulement celle-ci par l'adoption des "amendements de repli" proposés par certains ?