PLF 2026 – Travail et solidarité : en commission, le gouvernement défend sa copie devant des députés inquiets
La baisse du budget en faveur de l'emploi et de la solidarité traduit un "ajustement" par rapport aux "efforts très importants" concédés ces dernières années dans un contexte de crise, a indiqué le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, le 3 novembre 2025 devant les députés de la commission des affaires sociales. Si les crédits dédiés à l'allocation adultes handicapés, au Pacte des solidarités et à la protection de l'enfance sont en hausse, une baisse est prévue pour la prime d'activité et pour l'ensemble des dispositifs d'insertion. Les députés, en premier lieu de l'ancienne majorité présidentielle, ont clamé leur incompréhension face à cette inflexion par rapport à l'objectif de plein emploi qui était porté ces dernières années. Les amendements de la commission seront examinés le 12 novembre.
© Capture vidéo Assemblée nationale/Audition de Charlotte Parmentier-Lecocq et Stephanie Rist
Après avoir examiné et rejeté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS, voir notre article), les députés de la commission des affaires sociales se sont attelés cette semaine au projet de loi de finances (PLF) pour 2026, en commençant par l'audition des ministres concernés le 3 novembre 2025. Après la présentation des rapports pour avis des rapporteurs, les amendements de la commission seront examinés le 12 novembre.
Les crédits examinés sont ceux des missions "Solidarité, insertion et égalité des chances" (programmes 304 inclusion sociale et protection des personnes, 157 handicap et dépendance et 137 égalité femmes-hommes) et "Travail, emploi et administration des ministères sociaux" (dont le programme 102 accès et retour à l'emploi et le 103 comprenant la formation et l'alternance).
La copie initiale ne prend pas en compte le "dégel" des prestations sociales (et des pensions de retraite), auquel le Premier ministre s'était déclaré favorable le 31 octobre devant l'Assemblée nationale. Un abandon de l'une des mesures phares du plan de redressement des finances publiques qui avait été présenté par l'ancien Premier ministre François Bayrou, et qui concernera donc entre autres l'allocation adultes handicapés (AAH).
Baisse d'1 milliard d'euros pour la solidarité
La mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" représente près de 29,5 milliards d'euros, dont 14,6 milliards pour l'AAH et 9,3 milliards pour la prime d'activité, mais aussi le revenu de solidarité active (RSA) recentralisé pour six départements (recentralisation définitive pour la Guyane, Mayotte et La Réunion et expérimentale pour la Seine-Saint-Denis, les Pyrénées-Orientales et l'Ariège) à hauteur de 1,7 milliard d'euros.
"Pour la première fois depuis 2017, la mission enregistre une baisse d'environ 1 milliard d'euros", a relevé Christine Le Nabour (EPR, Ille-et-Vilaine), rapporteure pour avis de la mission. Cela du fait d'une "stabilisation de la prime d'activité après plusieurs années de forte progression, notamment en réponse à la crise sociale et inflationniste". "À l'inverse", la progression de 1,7% des crédits de l'AAH "[confirme] la priorité donnée au soutien aux personnes en situation de handicap", selon la députée.
Les députés interpellent toutefois le gouvernement sur l'article 79 prévoyant de supprimer la prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité. Selon Christine Le Nabour, la plupart des travailleurs handicapés perdraient le bénéfice de cette prime, ce qui représenterait une perte de revenu de 150 à 170 euros par mois. Considérant que cette perte de revenu est "un problème", la ministre chargée de l'autonomie et des personnes handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, a jugé le système actuel incohérent - "il n'y a pas de reconnaissance au fait de travailler davantage" – et a appelé à "cheminer pour trouver une meilleure articulation de toutes ces aides".
Plus globalement, le gouvernement veut "accélérer" sur le chantier de l'allocation sociale unifiée (ASU), a confirmé Jean-Pierre Farandou, évoquant une possible expérimentation.
Par ailleurs, les crédits du Pacte des solidarités sont en hausse (259 millions d'euros en 2026, soit +2%), la rapporteure saluant notamment "le maintien des crédits dédiés à l'aide alimentaire".
En légère hausse également : le financement de l'État au titre de l'enfance (action 17, 421,6 millions d'euros en 2026). Hors participation à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) dont le nombre est en baisse (pour 44 millions d'euros en 2026), ce budget est en augmentation de 55 millions d'euros, a fait valoir la ministre de la Santé, des Familles, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, Stéphanie Rist. Ce budget comprend notamment 87,4 millions pour l'accompagnement des communes dans la mise en œuvre du service public de la petite enfance (SPPE).
Interpelée sur la situation de la protection de l'enfance, la ministre a souligné que plusieurs suites étaient données dans ce PLF à la commission d'enquête parlementaire ayant rendu ses conclusions au printemps (voir notre article) : l'amélioration du taux d'encadrement dans les pouponnières (35 millions d'euros) et la généralisation du parcours de soins coordonnés. Elle confirme également le projet de loi à venir sur la prévention et le renforcement de l'accueil familial, qui avait été annoncé par l'ancienne ministre Catherine Vautrin.
Travail : "une copie en complète contradiction avec les objectifs de la loi plein emploi"
Côté travail, des députés de tous bords ont fait part de leur incompréhension face au recul de 12% des crédits par rapport à 2025 (voir notre article qui détaille les chiffres sur l'apprentissage et l'insertion par l'activité économique). "Jamais les politiques du travail et de l'emploi n'ont été autant mises à mal par un budget", a ainsi affirmé la socialiste Océane Godard. "Je pense qu'il faut avoir des mesures budgétaires fortes au niveau de l'État global, mais investir en matière d'emploi", a embrayé le démocrate Nicolas Turquois. "Certains n'ont pas de difficultés pour trouver un emploi. Certains ne le peuvent pas, ils sont 6 à 7 millions", a alerté Stéphane Viry (Liot, Vosges), déclarant ne pas comprendre la réduction de "tous les dispositifs qui permettent l'insertion professionnelle".
"Cette copie est en complète contradiction avec les objectifs de la loi plein emploi que j'ai coportée avec mon collègue Paul Christophe", a déploré Christine Le Nabour, qui s'exprimait également au nom de son collègue Didier Le Gac, rapporteur de la mission Emploi. "Les inquiétudes sont fortes", a-t-elle ajouté, estimant notamment que 60.000 personnes pourraient être "privées d'accompagnement dans les structures d'insertion par l'activité économique".
Sur la formation ou encore les missions locales, le ministre du Travail soulève des "sujets de non-qualité" et appelle à "accepter l'idée que certaines [missions locales] sont peut-être excellentes, d'autres méritent d'être un peu ajustées". Sur l'ensemble de la politique dédiée à l'emploi, il souligne la nécessité d'"ajustement par rapport aux efforts très importants qui ont pu être faits ces dernières années" – le budget de l'IAE proposé pour 2026 étant par exemple supérieur de 60% par rapport à celui de 2017.