Politique énergétique : Élisabeth Borne assure le SAV au palais Bourbon

La Première ministre a prononcé le 15 novembre à l’Assemblée la déclaration du gouvernement sur la politique énergétique de la France. Élisabeth Borne s’est employée à démontrer combien l’exécutif avait "anticipé la situation" et multiplié les actions pour à la fois relever le défi de l’approvisionnement et protéger les Français de l’explosion des tarifs de l’énergie. Si elle n’a pas caché des lendemains difficiles, elle a fait part de sa conviction que la transition énergétique nous permettra de "vivre mieux", à condition "d’accompagner et de rassurer" les Français. Pour la favoriser, un "plan Géothermie" et un texte pour favoriser l’hydroélectricité ont notamment été évoqués.

C’est devant un palais Bourbon clairsemé et pas toujours respectueux que la Première ministre a fait ce 15 novembre la déclaration du gouvernement sur la politique énergétique de la France, suivie d’un débat, comme le prévoit l’article 50-1 de la Constitution. Durant l’exercice, Élisabeth Borne s’est d’abord employée à démontrer que l’exécutif était "conscient du défi énergétique depuis longtemps" et "avait anticipé la situation" – comme l’avait fait sa ministre de la Transition énergétique naguère (voir notre article du 2 septembre). Elle a ainsi invoqué à pas moins de trois reprises le "discours de Belfort" que le président de la République a prononcé en février dernier, "avant la guerre en Ukraine" (voir notre article du 11 février). Sans que l’argument porte nécessairement, puisque la flambée des prix de l’énergie était déjà à l’œuvre depuis plusieurs mois (voir notre article du 13 octobre 2021).

Lendemains difficiles, sans panacée

La Première ministre a tout aussi naturellement défendu les actions conduites depuis plusieurs semaines pour répondre aux urgences : "traverser un hiver sans difficulté" et "protéger les Français face à l’explosion des factures". Et de mettre notamment en avant les 2,5 milliards d’euros engagés pour les collectivités territoriales, via "l’amortisseur électricité" et le "filet de sécurité" (voir notre article du 27 octobre). Pour autant, Élisabeth Borne n’a pas caché que les temps qui s’annoncent seront difficiles : "Nous ne reviendrons pas au niveau des prix artificiellement bas du covid" ; "Ne soyons pas naïfs : les années à venir seront difficiles, notamment pour l’approvisionnement en gaz". Autant d’éléments qui plaident pour une accélération de la transition énergétique. Et de prévenir : "Nous n’atteindrons pas la neutralité climatique ni par la peur, ni par la pensée magique. Des changements radicaux nous attendent." Élisabeth Borne n’a pas manqué de renvoyer ainsi dos à dos les partisans du tout-nucléaire et ceux du tout-renouvelable : "J’assume totalement de suivre nos experts pour suivre un choix diversifié. Il n’y a pas de source d’énergie miracle." Et d’arguer que "100% d’énergie renouvelable n’est pas réaliste, ni en termes de capacités, ni en termes d’intermittence", tout en soulignant que "le développement massif de ces énergies est un choix pragmatique – quand il faut quinze ans pour mettre en service un réacteur nucléaire –, écologique, économiquement rationnel […] et de souveraineté".

Sobriété nécessaire mais insuffisante

La Première ministre n’avait pas manqué au préalable d’insister sur la nécessaire sobriété énergétique, qui "n’est pas une mode le temps d’un hiver". Elle ne signifie pas selon elle "la décroissance, qui menacerait notre modèle social et provoquerait le rejet de la transition énergétique". "La sobriété, c’est baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles", a-t-elle défini, la réduisant ainsi à quelques écogestes. Tout en plaidant que "la sobriété, c’est de la responsabilisation, pas de l’infantilisation".

Une sobriété nécessaire, mais néanmoins insuffisante, puisque qu’avec la fin des énergies fossiles, nous "devrons produire jusqu’à 60% d’électricité de plus en 2050", prévient Élisabeth Borne, en invoquant "le rapport éclairant de RTE". Estimant "qu’il n’y a pas de petits apports énergétiques en période de tensions", la cheffe du gouvernement a indiqué, à propos de l’hydroélectricité, qu’elle entendait "trouver un nouveau cadre législatif qui permettra de relancer rapidement des investissements dans les barrages sans nécessiter une remise en concurrence". Un problème qui n’est pas nouveau (voir notre article du 4 avril 2013 ou plus récemment celui du 5 avril 2019). Le projet de loi d’accélération de la production des EnR – dont elle a souligné qu’il avait été "débattu en bonne intelligence au Sénat", avec un "résultat au rendez-vous" (voir notre article du 7 novembre) – aurait peut-être pu constituer le véhicule idoine. De même qu’une récente proposition de loi sénatoriale (voir notre article du 13 avril 2021), restée sans suite à l’Assemblée depuis juillet. Mais il est vrai que le sujet est épineux, comme en témoigne le récent rejet d’une autre proposition de loi sur la question (voir notre article du 15 octobre 2021).

Le biogaz pour développer les territoires ruraux

Outre la sobriété et le développement concomitant des EnR et du nucléaire, la Première ministre a insisté sur la nécessité d’un troisième pilier : "le développement de nouveaux vecteurs d’énergie". À commencer par l’hydrogène décarboné, dont elle entend faire de la France "le leader" (objectif partagé par d’autres – voir notre article du 10 juillet 2020). Ou encore "la géothermie, la biomasse, les biocarburants et le biogaz". S’agissant de la première, la ministre de la Transition énergétique, intervenant à la fin des débats, a déclaré qu’un plan Géothermie serait présenté "dans les prochaines semaines". Élisabeth Borne a pour sa part insisté sur le biogaz : "Soyons lucides. Certaines industries ne pourront pas tout électrifier et l’on aura toujours besoin de gaz. Le biogaz sera alors le meilleur levier pour décarboner", affirme-t-elle. Ce n’est à ses yeux pas le seul de ses atouts, considérant qu’il constitue en outre "une chance pour les agriculteurs qui pourront trouver une source complémentaire de revenus tout en valorisant leurs déchets". Elle y voit encore "une opportunité pour le développement économique de nos territoires ruraux, en créant des emplois locaux et non délocalisables".

Débats "constructifs"

In fine, la Première ministre s’est dite convaincue "que nous allons vivre mieux grâce à la transition énergétique", en insistant toutefois sur la nécessité "d’accompagner et de rassurer" certains citoyens pour qui "les changements rapides qui s’engagent peuvent paraître vertigineux". À l’issue de débats qu’elle a jugés "constructifs" (bien qu’il n’y ait pas eu réellement de débats, et que les interventions des députés aient parfois été peu amènes), même si elle a regretté "quelques postures, des procès d’intention ou des exercices de réécriture du passé", Élisabeth Borne s’est voulue rassembleuse. Elle a insisté sur "les objectifs partagés et les convergences" qu’elle a constatées, comme "la volonté de sortir rapidement des énergies fossiles, de baisser nos consommations, de diminuer les gaz à effet de serre et de reconquérir notre souveraineté". Le travail sur la planification territoriale qu’elle entend conduire avec les députés lors du prochain examen du projet de loi d’accélération de la production des énergies renouvelables sera l’occasion de vérifier la solidité de ces "points structurants".

 

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