Règlement BRIDGEforEU : "Le fait d'avoir octroyé beaucoup de souplesse a permis de dissiper certaines inquiétudes"

Initialement promu en 2017 par la présidence Luxembourgeoise, revu suite à l'absence d'accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le texte soumis par la Commission européenne en 2018, le règlement BRIDGEforEU visant à lever les obstacles administratifs et juridiques dans un contexte transfrontalier vient d'être publié au Journal officiel de l'UE. Sandro Gozi, rapporteur du texte au Parlement européen, évoque avec Localtis ce texte tant attendu dans les territoires transfrontaliers.

Localtis - Quel est le principal apport de ce nouveau texte ? 

Sandro Gozi - Ce règlement permet à tous ceux – élus locaux, entreprises, associations, citoyens… – dont les projets transnationaux rencontrent des obstacles juridiques ou bureaucratiques et qui ignorent aujourd'hui vers qui se tourner d'avoir un point de contact – baptisé point de coordination transfrontalière – pour les aider à les lever. Concrètement, le demandeur dépose un dossier au point de coordination de l'un des États membres concernés, qui doit, dans un délai prédéfini, identifier le problème et sa solution ou clore le dossier. Le texte crée par ailleurs un outil de facilitation transfrontalière que le point de coordination peut décider d'appliquer pour tenter de lever l'obstacle déterminé, en prenant contact avec l'autorité responsable de la disposition ou pratique administrative en cause. Lorsque l'obstacle est de nature législative, le point de contact se rapproche de l'autorité compétente pour voir si une modification de la disposition, telle qu'une dérogation, est envisageable. Ce règlement devrait en outre permettre de mieux utiliser les fonds européens, que de nombreux obstacles transfrontaliers empêchent d'exploiter pleinement aujourd'hui.

Ce dispositif a rencontré par le passé de vives oppositions parmi les Vingt-Sept, au point d'avoir été précédemment bloqué. Si une nouvelle mouture a pu cette fois être adoptée, sa mise en œuvre par les États membres n'a rien d'obligatoire. Existe-t-il selon vous un risque que ce texte ne reste en pratique lettre morte ?

Je ne le crois pas. C'est vrai que lorsque nous avons relancé cette initiative, beaucoup doutaient que nous pourrions la mener à bien. Mais désormais une large majorité des États membres soutient ce texte. C'est singulièrement le cas de la France, qui a fortement appuyé cet instrument. Au Parlement européen, tous les groupes parlementaires l'ont voté, c'est sans doute le premier texte de cette mandature à bénéficier d'un tel soutien. Le fait d'avoir octroyé beaucoup de souplesse a permis de dissiper certaines inquiétudes. Celle des pays nordiques par exemple, qui ne voyaient pas l'intérêt d'un nouvel instrument européen alors que la coopération entre eux est déjà excellente. D'autres y voyaient une menace pour leur souveraineté, alors qu'il n'y a aucun risque en la matière. L'Espagne redoutait en particulier un déséquilibre entre l'État et les communautés autonomes, mais nous avons su à chaque fois trouver des solutions pour les rassurer. La Commission a fait un travail remarquable, identifiant 400 projets qui n'avaient pu aboutir du fait d'obstacles bureaucratiques transfrontaliers. Le fait que nous ayons par ailleurs réussi à débloquer une enveloppe de 4 millions d'euros, à la main de la Commission, pour aider à l'installation des premiers points de coordination a également pesé.

Parmi les souplesses évoquées, le texte offre notamment aux États membres la possibilité de mettre en place un ou plusieurs points de coordination transfrontalière, au niveau national ou régional. Quelle est la tendance ?

Tout dépend des États membres. Dans les États fédéraux ou très fortement régionalisés, il y aura sans doute plusieurs points de coordination, à un niveau infranational. En Belgique par exemple, il est ainsi vraisemblable que la Wallonie aura son point de contact. En France, on peut penser qu'il n'y aura qu'un seul point de coordination transfrontalière, mais on pourrait tout à fait imaginer avoir un point de coordination tenu par un conseil régional – le règlement le permet. Comme il permet également à deux – voire plus – États membres voisins de mettre en place un point de coordination commun, compétent pour une ou plusieurs de leurs régions transfrontalières. Autre option ouverte par le texte, celle permettant au(x) point(s) de coordination de s'appuyer sur des organes institués par ailleurs par des traités, comme ceux d'Aix-la-Chapelle, du Quirinal ou de Barcelone.

 

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