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Restitution de biens culturels : le Sénat critique la méthode et crée un conseil national

Le Sénat a adopté le projet de loi sur la restitution d'œuvres au Sénégal et au Bénin. Le fait que les dérogations au principe d'inaliénabilité des collections publiques – qui nécessitent l'intervention du législateur – continuent de susciter tensions et interrogations. Les sénateurs ont supprimé le terme de "restitution" et ont adopté une disposition créant un Conseil national de réflexion visant à éclairer le processus.

 

Après l'Assemblée nationale (voir notre article du 12 octobre 2020), le Sénat a adopté à son tour en première lecture, le 4 novembre, le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (sur le contenu du texte voir notre article du 27 juillet 2020). Comme à l'Assemblée, ce vote a été acquis à l'unanimité. Mais cette unanimité, tout comme le très faible nombre d'amendements déposés en séance publique (dix, dont trois adoptés), ne doivent pas cacher le fait que les dérogations au principe d'inaliénabilité des collections publiques – qui nécessitent l'intervention du législateur – continuent de susciter tensions et interrogations.

Restitution, retour, repentance

Les quelques amendements adoptés, en commission de la culture comme en séance publique, en sont le reflet. Un amendement de Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques et ses collègues du groupe LR, a ainsi modifié le titre du projet de loi, en remplaçant "restitution de biens culturels" par "retour de biens culturels". Même si l'exposé des motifs ne donne aucune explication, le terme "restitution" est écarté dans la mesure où il entérine l'hypothèse du vol de ces objets (ce qui n'est pas totalement faux en l'espèce) et se trouve donc indirectement associé à la notion de "repentance", le terme de "retour" étant en revanche jugé plus neutre. Tout en se prononçant contre l'amendement, Roselyne Bachelot a d'ailleurs en partie abondé en ce sens, en expliquant que la restitution "n'est pas un acte de repentance, mais un acte d'amitié et de confiance" envers le Bénin et le Sénégal.
De son côté, la commission de la culture avait adopté par amendement un article additionnel, repris en séance publique, créant un "Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d'œuvres d'art extra-européennes". Sa mission serait "de garantir un examen scientifique des demandes de restitution qui pourraient être présentées à l'avenir". Sa création répond à trois objectifs : "contenir à l'avenir le risque de fait du prince en matière de restitution de biens culturels extra-européens", apporter aux pouvoirs publics un éclairage scientifique dans leur prise de décision en la matière et encourager notre pays et, en particulier, le monde muséal, à approfondir sa réflexion sur ces questions qui ont vocation à rebondir dans les années à venir.

Pour la fin d'un pouvoir discrétionnaire du chef de l'État

Le texte prévoit que cette commission rendrait son avis "avant toute réponse officielle de la part des autorités françaises, sur les réclamations de biens culturels présentées par des États étrangers". Elle serait saisie par le ministère des Affaires étrangères, dès le dépôt d'une demande par un État étranger. En pratique, le président de la République n'aurait donc plus la possibilité de décider de façon discrétionnaire de la restitution de biens culturels, comme cela se fait habituellement.
Cette disposition a conduit le gouvernement à présenter un amendement supprimant l'article en question. Roselyne Bachelot a expliqué que "même si l'objectif poursuivi par la commission de la culture se comprend, [cet article] ne se justifie pas car cette instance aurait pour résultat de faire doublon avec les travaux scientifiques des musées et des responsables de collections, conduits en lien avec le ministère de la Culture, et de se superposer ainsi à l'exercice d'une mission qui est fondamentalement du ressort de ces professionnels". Mais le Sénat a rejeté cet amendement et maintenu l'article. L'Assemblée devrait toutefois le supprimer si la commission mixte paritaire ne parvient pas un accord.

Référence : projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2020 et par le Sénat le 4 novembre 2020).
 

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