Sébastien Lecornu, un Premier ministre qui connaît bien les collectivités

Nommé dès ce 9 septembre par Emmanuel Macron pour succéder à François Bayrou, Sébastien Lecornu, outre son pédigree d'élu local normand, fut notamment pendant deux ans ministre en charge des collectivités dans le gouvernement d'Edouard Philippe, ayant alors porté la loi Engagement et proximité. Ses marges de manoeuvre face à une Assemblée nationale fragmentée restent pour le moins alétatoires.

Le communiqué de l'Elysée est tombé quelques minutes avant 20 heures ce mardi 9 septembre. Disant, in extenso : "Le Président de la République a nommé monsieur Sébastien Lecornu Premier ministre. Il l’a chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois. A la suite de ces discussions, il appartiendra au nouveau Premier ministre de proposer un Gouvernement au Président de la République. L’action du Premier ministre sera guidée par la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays. Le Président de la République est convaincu que sur ces bases une entente entre les forces politiques est possible dans le respect des convictions de chacun".

Le nouveau pensionnaire de Matignon a déjà entamé ses consultations, selon un conseiller de l'exécutif. A 39 ans, l'ex-élu normand, inamovible dans les gouvernements d'Emmanuel Macron depuis 2017, encore ministre des Armées le matin même, devient son septième Premier ministre, et le cinquième depuis le début de son second quinquennat en 2022.

La passation de pouvoir entre François Bayrou et le nouveau Premier ministre doit avoir lieu ce mercredi 10 septembre à midi à Matignon. En pleine journée de mobilisation pour bloquer le pays.

Le chef des Républicains et ministre de l'Intérieur sortant Bruno Retailleau s'est aussitôt dit prêt à "trouver des accords" avec Sebastien Lecornu afin de bâtir une "majorité nationale", à défaut de majorité absolue, signifiant ainsi sa volonté de rester au gouvernement.

Sébastien Lecornu "a les qualités" pour "discuter" et "trouver un accord" avec les autres partis, a de même jugé le premier chef de gouvernement d'Emmanuel Macron, Édouard Philippe… pour lequel Sebastien Lecornu a occupé deux portefeuilles ministériels successifs.

Le Rassemblement national et les Insoumis ont pour leur part dénoncé la proximité entre le président et son nouveau Premier ministre, promettant de continuer à manier la censure faute de changement de cap politique. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé "une triste comédie de mépris du Parlement" et appelé une nouvelle fois au "départ de Macron". Les socialistes, possibles interlocuteurs pour un accord de non-censure après s'être porté candidats pour occuper eux-mêmes Matignon, ont dans l'immédiat jugé que le chef de l'Etat prenait "le risque de la colère sociale" et "du blocage institutionnel".

Le chef de l'Etat s'en remet aujourd'hui à un macroniste pur sucre qui a grimpé les échelons jusqu'à devenir ministre des Armées en 2022. Déjà en décembre dernier, Emmanuel Macron avait voulu le nommer à Matignon, mais son allié historique François Bayrou avait fini par s'imposer à lui.

A Sébastien Lecornu de résoudre désormais le casse-tête d'une Assemblée plus fragmentée que jamais, en suivant la demande du président de "travailler avec les socialistes" pour "élargir" l'assise de la fragile coalition avec la droite. Pour tenir, le futur gouvernement devra quoi qu'il en soit obtenir, a minima, une non-censure du PS, indispensable pour doter la France d'un budget pour 2026, dont la préparation vient de faire tomber le gouvernement sortant qui avait présenté un effort de 44 milliards d'euros (dont au bas mot 5,3 milliards côté collectivités). Le calendrier budgétaire risque déjà de dérailler en raison de cet énième soubresaut de la crise politique, au moins comme lors du retard inédit de l'an dernier.

Contrats de transition écologique, Grand débat, loi Engagement et proximité...

Si Sébastien Lecornu est peu connu du grand public, il l'est en revanche des représentants des collectivités. Et il les connaît plus que bien. Il a d'abord été un élu local. Normand. Maire de Vernon (2015) puis premier vice-président de Seine Normandie Agglomération, président du conseil départemental de l'Eure (alors le plus jeune président de département).

Et puis il y a ses expériences ministérielles sous Edouard Philippe. Secrétaire d'Etat en 2017 du ministre de la Transition écologique qui est alors Nicolas Hulot, il se sera surtout vu confier des dossiers liés à l'énergie. Avec, entre autres, celui de la fermeture de Fessenheim. Ce sera également lui à la manœuvre sur les "contrats de transition écologique".

Surtout, il sera ensuite nommé, en 2018, ministre chargé des collectivités aux côtés de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. Quelques mois plus tard, c'est la crise des Gilets jaunes. Emmanuel Macron le chargera alors, en marge de ce sous-ministère, de coanimer le fameux Grand débat national avec, notamment, toute cette série de réunions avec les maires organisées en région. Réunions auxquelles l'une des réponses apportées par l'exécutif sera la loi Engagement et Proximité portée par Sébastien Lecornu. Un texte présenté en juillet 2019 et finalement publié en décembre de la même année (voir notre article détaillant les disposition de cette loi - y compris celles sont on réentendra ensuite parler concernant la compétence eau et assainissement). Sébastien Lecornu avait d'emblée relativisé l'ambition de ce texte plutôt technique et pragmatique centré sur le bloc local et destiné à être en vigueur pour les municipales de 2020. Et annoncé qu'un autre texte touchant à l'architecture et aux compétences des collectivités serait à prévoir. 

Ce sera effectivement le cas avec la vaste loi 3DS quant à elle portée par Jacqueline Gourault, présentée en 2021 et promulguée début 2022. En sachant qu'entre temps, c'est Jean Castex qui a fait son entrée à Matignon… et que Sébastien Lecornu est désormais ministre des Outre-mer. Un portefeuille qu'il cumulera avec la présidence du département de l'Eure.

En tant que ministre chargé des collectivités, Sébastien Lecornu n'a pas été en première ligne concernant les finances locales. On était à l'heure des contrats de Cahors d'Edouard Philippe. Il a toutefois dû en défendre l'idée. "Je n'ai jamais compris pourquoi ce dispositif avait suscité autant de critiques au début du quinquennat", déclarait-il par exemple au Sénat en 2019, poursuivant : "En 2014 [en tant qu'élu local, sous François Hollande], je n'ai pas eu le choix de contractualiser puisqu'on m'a notifié de manière autoritaire que ma DGF diminuait (…). Entre cette manière de procéder à l'aveugle et un contrat, même imparfait, mieux vaut un contrat !".

Les représentants des collectivités vont probablement faire très vite part au nouveau Premier ministre de leurs exigences, notamment dans l'espoir d'alléger la facture par rapport à celle prévue par François Bayrou en vue du prochain projet de loi de finances. Une association d'élus l'a d'ailleurs fait dès ce mardi soir. En l'occurrence Intercommunalités de France qui, dans un communiqué, a dit souhaiter que "le Premier ministre réunisse rapidement les conditions nécessaires à l’adoption d’une loi de finances pour 2026 équilibrée et respectueuse des collectivités locales". Notamment en tenant compte "du poids des intercommunalités dans la dépense publique afin de corriger le projet initial de François Bayrou, qui leur faisait porter un effort disproportionné".

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis