Sénat : 16 propositions pour restaurer l'autonomie fiscale et "les capacités d'action" des collectivités
Consécration d'un principe d'autonomie fiscale, nouvelle instance de dialogue État-collectivités, nouveaux impôts attribués aux départements et régions… Après quatre mois de travaux, la commission d'enquête sénatoriale sur "la libre administration" et le financement des collectivités vient de formuler des recommandations destinées notamment à accélérer les investissements locaux dans la transition écologique.

© Capture Vidéo Sénat/ Thomas Dossus et Olivier Henno
Les "leviers de financement" dont disposent les collectivités territoriales "ne sont pas à la hauteur des enjeux d'avenir" que sont la transition écologique et le maintien des services publics de proximité, s'alarme une commission d'enquête sénatoriale sur "la libre administration" locale dans un rapport publié le 10 juillet.
Les collectivités devront "plus que doubler chaque année leur niveau actuel d’investissements climatiques à horizon 2030" pour respecter la trajectoire que s'est fixé la France en matière environnementale. Or, le système de financement des collectivités est "à bout de souffle", s'inquiète la commission créée à l'initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Ce dernier pointe la responsabilité des réformes de la fiscalité locale intervenues depuis 2017 : suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et son transfert à l'État... La suppression de pans entiers de la fiscalité locale due à ces réformes a eu des conséquences très dommageables, dénonce le rapporteur de la commission, l'écologiste Thomas Dossus : atténuation du "lien" entre le contribuable local et les collectivités, moindre "lisibilité" du paysage fiscal, dégradation de la "prévisibilité" des finances locales et croissance de "la dépendance" des collectivités à des concours financiers qui seront contraints dans les prochaines années.
Cette situation résulte aussi du "rendez-vous manqué" de la révision constitutionnelle de 2003, qui a consacré le principe d'autonomie financière des collectivités dans la Constitution. Car, contrairement aux intentions initiales, la réforme s'est révélée peu protectrice de la fiscalité locale.
De la CSG pour les départements
Pour réellement protéger l'autonomie fiscale locale, la commission propose d'inscrire ce principe dans la Constitution et de définir une part minimale de recettes sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir de taux. Elle préconise aussi la reconnaissance d'une "autonomie en dépense" : les collectivités disposeraient de ressources suffisantes pour couvrir les dépenses obligatoires, tout en possédant une marge de manœuvre pour financer des dépenses propres.
La commission veut par ailleurs "rétablir la confiance entre l'État et les collectivités territoriales", mise à mal par les réformes de la fiscalité, par la mise en place d'une nouvelle "instance de dialogue", dénommée "conseil d'orientation des finances locales". Ce dernier aurait des compétences plus étendues que l'actuel comité des finances locales (CFL), auquel il se substituerait. Il serait notamment chargé de "définir des trajectoires pluriannuelles" et d'"assurer le suivi de l’adéquation des recettes locales à l’évolution des charges des collectivités".
Mais, afin que les collectivités disposent des ressources pour faire face aux défis contemporains, la commission appelle à la mise en place d'"une fiscalité mieux adaptée à leurs compétences". A l'instar du rapport sur la décentralisation, qu'Éric Woerth a remis en mai 2024, elle préconise l'affectation aux départements d'une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) et aux régions d'une fraction de l'impôt sur les sociétés. A noter : la répartition de cette dernière serait territorialisée. Par ailleurs, la commission prône le maintien de la CVAE restante et le transfert de son produit, de l'État vers les régions. S'agissant des communes et de leurs groupements, elle se contente de préconiser la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux d'habitation - faute, selon elle, d'un consensus suffisant entre les acteurs sur les bases d'un nouvel impôt territorial.
"Prioriser" les aides les plus efficaces
Pas opposés à une fusion des dotations de l'État destinées à soutenir l'investissement local – mais à condition de sanctuariser certaines de ces dotations - les sénateurs prônent un meilleur ciblage des crédits concernés, notamment le fonds vert. Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, ils appellent aussi à "prioriser les dispositifs à plus fort rendement", citant l'exemple du fonds chaleur qui présente de très bons résultats en matière de réduction de la pollution au gaz carbonique.
La commission estime par ailleurs qu'"une majorité de collectivités dispose d’une bonne capacité d’autofinancement et de marges supplémentaires pour s’endetter". Elle appelle toutefois à la "vigilance", car "une dette verte reste une dette".
Les réformes préconisées "nécessitent un travail de longue haleine", a estimé le rapporteur de la commission d'enquête, lors d'une conférence de presse, le 10 juillet. A court terme, a poursuivi Thomas Dossus, les sénateurs vont surtout "vérifier [dans le projet de loi de finances pour 2026, lequel sera présenté au début de l'automne] que les compensations promises à l'euro près ne vont pas être rognées une nouvelle fois". Les annonces de François Bayrou ce mardi 15 juillet (voir notre article de ce jour), avec une "contribution" de 5,3 milliards d'euros prévue du côté des collectivités locales incluant une reconduction du "Dilico" et une baisse d'une partie des dotations d'investissement, ne semblent guère aller dans ce sens.