Sobriété foncière, ZAC, entrées de ville… aux Assises nationales du logement, l’aménagement urbain à la croisée des chemins
Aux Assises nationales du logement et de la ville, deux débats animés ont mis en lumière le changement de paradigme auquel est confronté l'aménagement du territoire. Face à l'étalement urbain du passé, les acteurs appellent à un urbanisme plus concerté et à de nouveaux outils pour construire la ville de demain, plus sobre, plus dense et plus durable.

© JGPmedia/ Photo du haut: Christophe Rodriguez, Paul-Roger Gontard et Kosta Kastrinidis. Photo du bas: Jean-François Debat et Nicolas Gravit
Les Assises nationales du logement et de la ville (voir notre article d'hier sur la séquence d'ouverture) ont réuni des voix clés du secteur pour des débats variés. Au cœur des discussions, une évidence partagée : l'époque où l'urbanisation progressait sans limites est révolue. "Il n'y a pas de liberté de consommer une ressource sans limite", a réaffirmé Jean-François Debat, président délégué de Villes de France et président de Grand Bourg Agglomération, soulignant que cette vérité s'applique tant à l’espace qu’à l’énergie. La notion de sobriété foncière, bien que déjà mise en œuvre dans certaines métropoles avant la Loi Climat et Résilience, notamment via le travail sur les friches industrielles, a été renforcée par le texte de loi, provoquant initialement un choc chez les aménageurs et les élus, mais absorbé aujourd’hui, selon le maire de Bourg-en-Bresse. Si les édiles n'ont pas reculé face au ZAN, un phénomène d’incompréhension est toutefois constaté du côté de certaines communes rurales, qui craignent pour la viabilité de la construction sur leurs territoires.
Maire aménageur, maire réélu
Les villes-centres sont, elles, déjà engagées dans le renouvellement urbain, privilégiant la réutilisation de friches et la densification des centres-bourgs, le travail sur les dents creuses et les parcelles plus petites. Les aménageurs doivent désormais concevoir des projets en termes d'îlots, d'accès aux équipements et d'anticipation des besoins. Pour réussir cette transition, de nouveaux outils sont essentiels. Les maires réclament par exemple un "droit de préemption non conditionné par un projet" pour maîtriser un foncier plus rare et anticiper les besoins futurs de leur commune sans être obligés d’avoir un plan précis à court terme. Les autres solutions proposées incluent notamment une TVA réduite pour les opérations d'aménagement autour des hubs de mobilité ou sur les friches industrielles complexes.
Selon Nicolas Gravit, président de l’Unam, la révolution de l'aménagement est avant tout "mentale" et repose sur la concertation. "Le maire bâtisseur est un maire souvent battu. Le maire aménageur, qui privilégie la concertation, est, lui, très souvent réélu", estime-t-il.
Vers le renouveau des ZAC et des entrées de ville
Face aux impératifs écologiques et aux mutations économiques, les entrées de ville et les zones d'activités commerciales (ZAC) sont devenues les nouveaux terrains d'expérimentation de l'urbanisme. Souvent perçues comme de simples zones commerciales, elles sont identifiées comme le "gisement le plus prometteur" par l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB). Ces zones couvrent environ 80.000 hectares en France, soit 7 à 8 fois la superficie de Paris (début juin, un baromètre présenté par la Scet donnait également ces chiffres - voir notre article). Une zone commerciale sur trois se situerait en zone tendue, offrant un potentiel immense pour de nouvelles centralités urbaines.
À Avignon, où la concentration de zones commerciales est particulièrement importante, selon Paul-Roger Gontard, adjoint au maire en charge de développement territorial et urbain, la réflexion remonte à 2016, avec l’adoption du nouveau PLU. La ZAC de la Castelette, construite dans les années 70-80, est particulièrement touchée par la concurrence du commerce digital, entraînant un début de vacance commerciale. L'enjeu est donc d'anticiper pour éviter la création de friches. L'approche de la ville ne consiste pas seulement à créer du logement, mais à diversifier et massifier l'activité économique. Il s'agit d'intégrer des services (sanitaires, sociaux), du divertissement, et de compléter par du logement. La clé est la "plurifonctionnalité" de chaque élément urbain, créant des porosités et des liaisons fonctionnelles et écologiques.
Obstacles et solutions
Malgré l'intérêt pour la démarche, la concrétisation de ces projets rencontre des difficultés concrètes. Pour Christophe Rodriguez, directeur général de l’IFPEB, il est nécessaire d’accepter la perte de valeur de certaines zones. Par ailleurs, lorsque la production de logements neufs est centrale, les projets ne deviennent viables qu'au-delà de 4.000 euros/m². Cependant, des logiques de densification pourraient rendre les projets intéressants dès 2.500 euros/m². Enfin, la réduction des délais de développement des projets apparaît cruciale, selon Christophe Rodriguez.
Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Banque des Territoires, a confirmé pour sa part que le temps de portage constitue une difficulté majeure, car il est trop long pour les citoyens (ce qui pose des problèmes d’acceptabilité) et génère un coût économique important. Les opérations d'aménagement urbain nécessitant une collaboration exigeante entre le public et le privé, la Banque des Territoires propose des solutions à chaque étape du projet (ingénierie en amont, investissement dans des sociétés de portage dédiées, financement du logement…). “Il serait criminel de ne pas embarquer le logement social et le logement abordable dans ces projets”, malgré la complexification de l'équation économique, a estimé Kosta Kastrinidis.
La question reste de savoir si ces projets complexes, qui s'étalent sur de longues périodes, peuvent s'inscrire dans le temps politique des mandats électoraux. Mais l'objectif est clair : "faire ville" et non plus seulement des "morceaux de ville", en multipliant les fonctionnalités pour créer un écosystème urbain résilient et désirable.