Un rapport de l'Assemblée s'alarme de la "hausse considérable" de la "facture européenne"
Alors que la Commission européenne devait présenter, ce 16 juillet, sa proposition de budget pluriannuel 2028-2034, un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale s'alarme de la "hausse considérable de la contribution française à l'UE", déjà à l'œuvre et qui devrait encore grossir avec le remboursement à venir du principal du plan de relance européen. Son rapporteur constate au-delà "un manque, sinon une absence de politique intégrée, transeuropéenne" et en conclut que le budget de l'UE ne constitue en définitive qu'"'un budget de transfert".

© Rapport d'information de l'Assemblée nationale et Adobe stock
Une "situation hors de contrôle". "Un véritable mur d'engagements financiers hors bilan et de dettes à honorer". Ce n'est pas la situation budgétaire française qui est ainsi décrite, mais celle de l'Union européenne, dans un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale rédigé par son rapporteur spécial, Jean-Philippe Tanguy (Somme, RN). Ce dernier s'alarme "de la hausse considérable de la contribution française à l'UE" induite, déjà à l'œuvre et qui devrait encore grossir (en partant de l'hypothèse d'un budget de l'UE stable). "Entre le CFP [cadre financier pluriannuel] 2014-2020 et le CFP actuel, la contribution moyenne annuelle de la France à l'UE, qui inclut le prélèvement sur recettes et les droits de douane, aura augmenté de 6,4 milliards d'euros, passant de 21,8 milliards d'euros à 28,2 milliards d'euros", indiquait le député en commission, le 25 juin dernier. Soit peu ou prou ce qui avait été estimé par l'Assemblée en 2020 (lire notre article du 16 novembre 2020). Et "cette contribution augmentera encore de 10,4 milliards d'euros dans les trois prochaines années, passant de 24,2 milliards d'euros en 2024 à 34,6 milliards d'euros en 2027, soit une hausse de plus de 40%", ajoute-t-il*. Non sans relever au passage que la somme inclut un "tribut" annuel moyen d'environ 1,5 milliard d'euros pour financer les rabais accordés à l'Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark, à l'Autriche et à la Suède – rabais qui ne passent toujours pas (lire notre article précité). Et de mettre encore en exergue une contribution nette qui "ne cesse de gonfler", passant de "7,6 milliards d'euros au titre du CFP 2014-2020 à 10,4 milliards d'euros en moyenne au titre des trois premières années du CFP 2021-2027".
NextGenerationEU : l'heure des comptes
La note n'est pas près de baisser, singulièrement en raison de l'emprunt contracté pour le plan de relance post-Covid, NextGenerationEU. Le rapporteur relève que "la charge des intérêts de cet emprunt n'a cessé de gonfler" : alors qu'elle devait atteindre 15 milliards d'euros pour l'ensemble de l'UE sur les années 2021-2027, il souligne que ce montant pourrait finalement presque doubler et atteindre 28,2 milliards d'euros (soit 685 millions d'euros annuels pour la France) – prévision conforme à celle établie par la députée européenne Valérie Hayer en 2023 (lire notre article du 12 mai 2023). Plus encore, à partir de 2028, il atteindrait 11,5 milliards d'euros annuels, selon les estimations de la direction générale du Trésor (1,9 milliard d'euros pour la France).
S'y ajoutera, à compter de 2028, le remboursement du principal, soit entre 25 et 30 milliards d'euros annuels pour l'UE, dont entre 4 et 5 milliards annuels apportés par la France si l'Union ne parvient pas à dégager de nouvelles ressources propres. Soit le double des 2,5 milliards d'euros estimés en 2021, dans un pareil scénario, par Laurent Saint-Martin, alors rapporteur général du budget, lequel concédait que "ce ne serait pas une mince affaire sur le plan budgétaire" (lire notre article du 22 octobre 2021). Jean-Philippe Tanguy observe qu'en pareil cas, "alors que la France doit percevoir 45,7 milliards d'euros" au titre de ce plan, "elle pourrait en rembourser jusqu'à 75 milliards pour le seul principal entre 2028 et 2058". Et de conclure que la contribution française au budget de l'UE (à périmètre constant) devrait donc dépasser les 30 milliards d'euros annuels "de manière structurelle et durable".
Gestion défaillante
Une situation budgétaire également grevée par une gestion – qui n'est pas forcément "européenne" – défaillante des fonds européens. Le rapporteur relève ainsi qu'il "y aura à la fin de l'année 2027, encore 323 milliards d'euros de restes à liquider liés à des programmes non exécutés [incluant ceux du plan de relance], qu'il faudra donc honorer durant le prochain CFP". Une situation déjà dénoncée par la Cour des comptes européennes il y a peu (lire notre article du 6 septembre 2024). En commission, il souligne encore que "nous sommes en train de finaliser l'exécution de certains programmes du CFP 2014-2020 avec cinq ans de retard".
Au-delà, il déplore avoir constaté "un certain nombre de dysfonctionnements" dans cette gestion. Il prend l'exemple de la réserve d'ajustement au Brexit attribuée à la France, en rappelant que sur les 736 millions d'euros que cette dernière devait percevoir à ce titre, plus de 500 millions d'euros "ont été reversés pour financer les dépenses du plan de relance, sans lien direct avec le Brexit" (lire notre article du 19 juin 2023). En commission, il prend encore à témoin les taux de programmation "trop bas" des fonds la politique de cohésion 2021-2027 dans certaines régions et collectivités françaises, citant la Guyane (8,5%), la Corse (10%), la Martinique (16%), alors que "d'autres sont beaucoup plus avancés" (67% en Aura, 73% dans le Grand Est). Il concède toutefois en l'espèce que "la situation s'est objectivement améliorée" et que les dysfonctionnements qui demeurent "sont essentiellement dus, dans le cadre de la décentralisation française, au manque de moyens techniques d'encadrement des régions françaises jusqu'à une période récente". Et d'estimer in fine qu'"aujourd'hui, les dossiers européens sont moins complexes qu'on pourrait le croire et, simultanément, les régions progressent".
Le budget de l'UE, "un budget de transfert"
Plus largement, il constate que sur les 16,5 milliards d'euros de fonds européens investis en France, "près des trois quarts sont gérés au niveau national et abondent les politiques nationales sans véritable stratégie intégrée, ni objectifs communs définis au niveau européen", et "sans que l’intérêt que ce financement soit réalisé par le budget de l’Union ne soit démontré alors même que ce circuit de financement génère au passage d’importants coûts de gestion et des lourdeurs bureaucratiques pour les porteurs de projets". Il en conclut que "l'Union européenne est finalement absente des grands sujets qu'elle prétend gérer" et que "le budget de l'Union n'est qu'un budget de transfert, dans lequel la France perd 10 milliards d'euros". Plus encore, il souligne que "la proposition d'une refonte du budget de l'UE articulée autour de plans nationaux […] atteste que le niveau national serait l'échelon démocratique d'action publique le plus efficace". Une proposition qui devait être présentée, ce 16 juillet, par la Commission, si cette dernière n'a finalement pas reculé devant l'obstacle (lire dernièrement notre article du 9 juillet).
* Dans une analyse publiée en avril, la Cour des comptes fait état d'un prélèvement sur recettes de l'État au profit de l'UE de 22,28 milliards d'euros en 2024. Elle prévoit une "hausse significative dans les trois prochaines années. Dès 2025, celui-ci est attendu à 23,1 milliards d'euros, puis 30,4 milliards d'euros en 2026 et 32,4 milliards d'euros en 2027, soit près de 10 milliards d'euros supplémentaires en trois ans".
› La France obtiendrait un "rabais" pour 2026À la lecture, minutieuse, du rapport sur les plafonds de dépenses du projet de loi de finances pour 2026 publié ce 16 juillet, il ressort que le prélèvement sur recettes pour l’UE devrait atteindre 28,8 milliards d’euros en 2026, soit une augmentation de 5,7 milliards d’euros, et non 30,4 milliards d'euros comme prévu (avec une hausse de 7,3 milliards d’euros). Une moindre revalorisation que le rapport n'explique pas. Elle serait le fruit d'une négociation entre Paris et "l'Union européenne", révèle l'hebdomadaire L'Opinion, qui n'en dit toutefois pas davantage non plus. |