Un rapport d'inspection remet en cause l'ingénierie de l'ANCT

Offres en "silo", "redondantes", voire en concurrence avec l’offre locale... Un rapport d’inspections publié le 16 juillet remet en cause l’apport en ingénierie de trois opérateurs de l’État : l’ANCT, l’Ademe et le Cerema. Dans un scénario radical, il propose de prendre "pleinement acte" de la décentralisation et de mettre un terme à l'ingénierie territoriale de l'État.

Un nouveau coup dur pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Après la charge du Sénat (voir notre article du 4 juillet), un rapport d’inspections commandé par le Premier ministre en début d’année enfonce le clou. "L’offre d’ingénierie de l’ANCT (…) fragilise l’ingénierie locale, en entrant en concurrence avec les acteurs publics et privés déjà présents", estiment les quatre inspections (IGF, Igas, Igedd et IGA) qui ont planché sur la "rationalisation des interventions des opérateurs de l’État au profit des collectivités en matière d’ingénierie territoriale". Elles ont centré leur analyse sur les trois principaux opérateurs de l’État en la matière : l’ANCT, le Cerema et l’Ademe. Conclusion : des offres "développées en silo" et "redondantes" avec pas moins de 400 dispositifs souvent superposés. Et seulement 10% des élus considèrent l’offre de l’État "disponible, accessible et pertinente", indique la mission après avoir interrogé l’ensemble des maires et obtenu quelque 7.158 réponses.

Prendre "pleinement acte" de la décentralisaton

Les inspections déplorent des "coûts de gestion" très élevés de ces opérateurs (55 millions d’euros sur les 200 millions d’euros de dépenses d’ingénierie). Un coût qui tient largement à "l’émiettement des aides proposées". Et leur offre répond moins à une politique d’aménagement du territoire qu’à des politiques sectorielles pilotées par différentes administrations centrales. Pour sortir de cet émiettement, la mission propose de confier la gouvernance des trois opérateurs opérateurs à une seule administration relevant des ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, qui "s’appuierait sur les orientations d’une politique nationale d’aménagement du territoire qui reste à préciser". Sachant que l’ancienne ministre Dominique Faure doit remettre avant la fin de l’année ses propositions en vue d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire.

Les inspections proposent trois scénarios de rationalisation : le plus radical prendrait "pleinement acte" de la décentralisation et mettrait un terme à l’ingénierie territoriale de l’État. Les opérateurs recentreraient leurs missions sur de l’expertise nationale. Les services déconcentrés auraient alors un rôle de coordination de l’offre locale. Le gain serait alors de 200 millions d’euros.

Une autre solution consisterait "a minima" à arrêter le marché à bons de commande de l’ANCT, avec une économie de 22 millions d’euros à la clé, voire l’arrêt complet de ses programmes d’ingénierie, pour un montant de 55 millions d’euros. 

"Ligne rouge"

Ce serait une remise en compte de cette agence née en 2020 de la fusion de l’ancien Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), de l’Agence du numérique et de l’Epareca. L’enjeu était alors de tirer les conséquences de la suppression de l’Atesat en 2014 et d’apporter de l’ingénierie dans les territoires sous-dotés. Deux principes devaient guider son intervention : subsidiarité et complémentarité. À cet égard, les conclusions du rapport peuvent surprendre. "Il n’existe pas de territoire dont l’ingénierie territoriale soit absente", peut-on y lire, même si 40 départements n'ont pas la "masse critique". "En n’étant pas ciblée vers les territoires 'sous-dotés', l’offre d’ingénierie nationale, en particulier lorsqu’elle est gratuite (par exemple dans le cadre de l’ingénierie sur mesure proposée par l’ANCT) et fait intervenir un cabinet privé, retenu dans le cadre de marchés nationaux, interfère avec l’offre d’ingénierie locale existante, au risque de déstabiliser l’écosystème de l’ingénierie locale ou, à tout le moins, de le fragiliser", déplorent les rapporteurs. Et les comités locaux de cohésion territoriale ont échoué à structurer "un véritable guichet unique ou partagé entre l’État et les collectivités territoriales".

Le rapport pointe aussi des "effets d’aubaine", notamment de la part de collectivités qui ont pu obtenir des financements de postes de chefs de projets qu’elles auraient pu financer par ailleurs. 

Ce rapport pourrait donner du grain à moudre au Premier ministre qui a encore évoqué, mardi, des suppressions, des réinternalisations ou des fusions chez les agences ou opérateurs de l’État, qui se traduiraient par une économie de "1.000 à 1.500 emplois". Mais supprimer l’ANCT, comme le préconisait le rapport sénatorial début juillet, serait une "ligne rouge", avait alors averti l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

 

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