Une mission "Etat efficace" et, déjà, la suppression de plusieurs délégations, dont celle sur le SNU

Sébastien Lecornu a annoncé le 19 septembre la création d'une mission "Etat efficace", confiée à deux hauts fonctionnaires, qui devra se pencher sur les possibles regroupements, fusions voire suppressions d'instances au niveau de l'Etat central. La suppression de sept délégations interministérielles est déjà décidée. Dont celle relative au Service national universel. Lequel, apprend-on au passage, est promis à "extinction".

Après le "Roquelaure de la simplification", le "Matignon de l'efficacité" ? En tout cas, l'idée de supprimer un certain nombre d'instances émise par le gouvernement Bayrou continue de faire son chemin avec Sébastien Lecornu. Le Premier ministre a en effet annoncé vendredi 19 septembre la mise en place d'une nouvelle mission, baptisée "Etat efficace", confiée à deux hauts fonctionnaires, Pierre-Mathieu Duhamel et Denis Morin. L'objectif de cette mission qui sera directement rattachée à Matignon : proposer "en continu des mesures d’efficacité du service public". D'efficacité et de "meilleure organisation". Il n'est ici pas question d'organisation territoriale et donc de complémentarité entre Etat et collectivités – ceci est un autre chantier également lancé par Sébastien Lecornu (voir notre article de ce jour). Pour l'heure en tout cas, le communiqué évoque uniquement l'Etat central et ses opérateurs. 

La mission devra notamment se pencher sur l'opportunité "de regrouper, de fusionner et si besoin est, de supprimer des structures qui font double emploi dans le même champ de politique publique" et ainsi de "renforcer la capacité d’agir de chaque ministre sur l’ensemble des services relevant de ses compétences". Il s'agit aussi de "contribuer, dans un contexte de finances publiques contraintes, à renforcer la performance de la gestion des départements ministériels comme des opérateurs de l’Etat et à responsabiliser les dirigeants publics quant à l’obtention de résultats". L'optique budgétaire est donc bien au premier plan.

Parmi les "décisions rapide et concrètes" attendues : "passer en revue les différentes délégations interministérielles existantes, avec pour consigne que leur suppression soit désormais le principe, et leur maintien une exception". Et pour aller plus vite encore… Sébastien Lecornu a d'ores et déjà décidé de supprimer sept de ces délégations. Ce sera acté par des textes réglementaires à paraître "dans les prochains jours".

Les premières suppressions

Deux instances étaient liées aux Jeux olympiques de l'an dernier. Leur dissolution paraîtra donc assez logique. Il s'agit en l'occurrence de la délégation ministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 du ministère de l’Economie, et du "coordonnateur national des mobilités pour les Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024", qui était rattaché au ministère des Transports. Toujours dans le domaine du sport, il n'y aura plus non plus de "délégation interministérielle en charge des grands évènements sportifs" qui, malgré sa vocation plus large, intégrera la direction des sports du ministère des Sports.

Trois suppressions concernent pour leur part l'environnement et l'énergie. Il y a tout d'abord la "délégation interministérielle en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique". Sauf que l'on pensait cette délégation déjà supprimée et remplacée en juillet 2024 par un "délégué interministériel à la gestion de l'eau en agriculture", institué "pour une durée de trois ans" et certes toujours chargé d’assurer la mise en œuvre et un suivi de la feuille de route issue du Varenne agricole (voir notre article). Exit, également, la délégation ministérielle à la forêt et au bois (rattachée au ministère en charge de la transition écologique). Ainsi que le délégué interministériel à l'accompagnement des territoires en transition énergétique (suppression en fait déjà actée par un décret du 24 juillet).

Côté économie, il n'y aura plus de délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire). Le communiqué indique que ses missions sont renvoyées vers la direction générale des entreprises du ministère de l’Economie. Un avis de vacance d'emploi de fin juillet indiquait toutefois qu'elle devait être remplacée par une mission interministérielle aux restructurations d'entreprises placée sous l'autorité conjointe des ministres chargés de l'Industrie et de l'Emploi. 

Enfin, la suppression qui aura le plus retenu l'attention, en ce qu'elle vient, sans prévenir, signaler une annonce bien plus large, est bien celle de la délégation générale en charge du service national universel (SNU). Ce sera pour le 1er janvier 2026, dans un contexte, glisse laconiquement Matignon, "de mise en extinction du SNU et de création prochaine du service militaire volontaire (SMV)" – voir encadré ci-dessous.

Pierre-Mathieu Duhamel, inspecteur général des finances, a notamment été directeur du Budget (2002-2006), a été membre des cabinets d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé, ainsi qu'élu local. Denis Morin est haut fonctionnaire, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, a été directeur général d’agence régionale de santé, secrétaire général du ministère chargé des Affaires sociales, directeur du Budget, et membre de cabinets.

On rappellera que le projet de loi de simplification de la vie économique, qui attend toujours la fin de son parcours parlementaire, prévoit déjà la suppression de toute une série d'instances.

› "Mise en extinction" du service national universel 

Le Premier ministre semble bel et bien en voie d'enterrer le Service national universel (SNU), un projet cher à Emmanuel Macron qui a connu beaucoup de vicissitudes et pourrait être remplacé par un service militaire "volontaire". Au détour de son communiqué du 19 septembre 2025, Sébastien Lecornu - resté ministre démissionnaire des Armées - a annoncé la suppression de plusieurs structures, dont la délégation générale en charge du SNU le 1er janvier 2026, du fait de la "mise en extinction" du dispositif et de la "création prochaine du service militaire volontaire". Sauf que la suppression du SNU en soi, un dispositif promis par le candidat Emmanuel Macron en 2017, n'a jamais été officiellement annoncée.

Le président de la République avait annoncé en mars "une grande refonte" du SNU et dit en juillet qu'il voulait "donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d'autres modalités, au sein de nos armées", promettant des annonces "à l'automne". Un service militaire volontaire était alors envisagé, sans être acté. La France a suspendu la conscription en 1997.

Destiné aux jeunes âgés de 15 à 17 ans, le SNU comporte une "mission d'intérêt général" et un "séjour de cohésion" comprenant des activités sportives, culturelles et intellectuelles, avec des journées qui débutent par la "levée des couleurs" (drapeau et hymne national) et le port de l'uniforme. Depuis mars 2024, ce dispositif d'engagement citoyen est aussi intégré au temps scolaire, avec un stage de douze jours pour les élèves en classe de seconde, volontaires (notre article du 15 juin 2023).

Le SNU va désormais être transformé en "parcours d'engagement" piloté par la Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), qui dépend du ministère des Sports, a précisé Matignon, sans plus de détails.

La promesse initiale d'Emmanuel Macron était d'instaurer un "service national" obligatoire d'une durée d'un mois pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, encadré par les armées et la gendarmerie nationale. 

Lancé en 2019, avec des crédits depuis rabotés, le SNU n'a jamais trouvé son rythme de croisière (notre article du 2 mars 2023). La piste de sa généralisation pour la rentrée 2026, lancée par le Premier ministre Gabriel Attal (9 janvier - 5 septembre 2024) et qui s'était heurtée à de vives résistances, a été abandonnée. L'objectif était d'attirer 66.000 volontaires en 2025 (après 80.000 en 2024), mais seuls 35.700 jeunes s'étaient inscrits à l'automne 2024. Et les crédits alloués par le gouvernement étaient passés à l'époque de 130 à 80 millions d'euros. Depuis, la dissolution, l'absence de majorité à l'Assemblée nationale et les coups de rabots budgétaires semblent avoir sonné le glas de cette "ambition" promise par le chef de l'État (notre article du 28 octobre et du 31 octobre 2024) .

La Cour des comptes avait dressé en outre, il y a un an, un bilan très sévère du SNU (notre article du 13 septembre 2024). Aux objectifs "incertains", au pilotage institutionnel et budgétaire "peu satisfaisants", au coût "largement sous-estimé", aux "perturbations de l'organisation de la commande publique et des surcoûts", s'ajoutent des "questions opérationnelles majeures (hébergement, encadrement) non résolues", avaient estimé les magistrats financiers. Mais surtout, les crédits prévus dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027 n'étaient "pas compatibles avec une généralisation du SNU aux 850.000 jeunes d'ici à 2027". 

Et pour enfoncer le clou mercredi 17 septembre, la commission des Affaires culturelles et de l'Education de l'Assemblée nationale a examiné un rapport de deux députés de l'opposition (Idir Boumertit et Maxime Michelet) sur les "conditions d'accueil et d'encadrement" des séjours de cohésion du SNU, qui préconise la "suppression" du dispositif. "Cinq années après une mise en place pour le moins chaotique, où la communication ministérielle a primé sur le fond, force est de constater que le SNU (...) demeure un dispositif expérimental, en évolution constante, dont la généralisation reste un leurre", estiment les rapporteurs, qui pointent des objectifs "pas (...) atteints" et un "coût financier significatif".

Virginie Fauvel, avec AFP

 

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