2006-2024 : comment l'école s'est ouverte aux élèves handicapés
La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale tire un bilan statistique de l'évolution de l'école inclusive depuis 2006. Le nombre d'élèves en situation de handicap pris en charge en milieu ordinaire a considérablement crû et leur parcours scolaire s'est allongé.
© Depp et Adobe stock
À l'Assemblée nationale comme au Sénat, pas une séance de questions au gouvernement ne se passe depuis la rentrée scolaire de septembre 2025 sans qu'un parlementaire n'interpelle le ministre de l'Éducation nationale à propos de la prise en charge des enfants handicapés à l'école. Le 5 novembre, c'était au tour de Marie-Pierre Monier de questionner Édouard Geffray à propos des quelque 50.000 enfants en attente d'un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH). La sénatrice de la Drôme déplorait que 14% des enfants ayant droit à un accompagnement n'en bénéficiaient pas. En réponse, le ministre a rappelé que ces dernières années avait été créé "un véritable service public de l'école inclusive" avant de préciser que le nombre de prescriptions d'AESH augmentait de 10% par an et que par conséquence "nous courons chaque année derrière ce phénomène". C'est dans ce contexte que la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance de l'Éducation nationale) publie ce jeudi 6 novembre 2025 une note d'information intitulée "Évolution de la scolarité en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap entre 2006 et 2024".
Le baccalauréat pour nouvel horizon
Durant ces dix-huit ans, le nombre d'élèves en situation de handicap est passé de 232.400 à 563.400 (+142%). En outre, alors qu'ils représentaient 1,9% du total des élèves en 2006, ils comptent désormais pour 4,7%. Mais le fait le plus marquant de ces dernières années est la formidable progression du nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire, qui a connu une hausse de 220% pour passer de 155.400 en 2006 à 496.800 en 2024. Dans le même temps, la scolarisation dans les établissements hospitaliers et médicosociaux passait de 77.000 à 78.700.
Autre fait notable : le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a plus vite crû dans le second degré (+464%) que dans le premier degré (+122%). Alors qu'en 2006, seuls 28% des élèves scolarisés en milieu ordinaire l'étaient dans le second degré, en 2024, ils représentaient 50% du total. "Ceux qui, hier, étaient laissés sur le bord de la route en fin de primaire, a commenté Édouard Geffray devant le Sénat, vont aujourd'hui, pour nombre d'entre eux, jusqu'au baccalauréat."
Des élèves plus souvent en retard dans leur cursus scolaire
Dans le premier degré, précise encore la Depp, l'augmentation du nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés a lieu essentiellement en classe ordinaire mais concerne aussi les classes Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire), dont les effectifs sont passés de 49.100 en 2006 à 117.000 en 2024, premier et second degrés confondus. Quant aux unités d'enseignement élémentaire autisme (UEEA), créées à la rentrée 2018, elles accueillaient 900 élèves en 2024, contre 511 en 2021.
Cette prise en charge accrue des élèves handicapés en milieu ordinaire ne doit toutefois pas occulter les points noirs qui subsistent dans leurs parcours. En 2024, à l'âge de onze ans, 46,7% d'entre eux étaient en retard dans leur cursus scolaire puisqu'encore scolarisés dans le premier degré, alors que seuls 7,6% de l'ensemble des élèves étaient dans cette situation. On note néanmoins que ce retard est beaucoup moins répandu qu'en 2006, quand il concernait 82,5% des élèves en situation de handicap. La Depp relève par ailleurs que les élèves handicapés sortent plus précocement que les autres élèves du système : une "baisse brutale" des effectifs s'opère en effet entre 14 et 15 ans, soit à l'âge de la fin du collège, alors que les autres élèves sortent massivement en fin de lycée, soit à 17 ans.
Moins d'aides matérielles, plus d'aide humaine
On note encore que les garçons représentent 71% des élèves en situation de handicap scolarisés et que leur nombre a augmenté plus rapidement que celui des filles. Et aussi qu'en 2024, dans le premier comme dans le second degré, les troubles les plus fréquents étaient d'ordre "intellectuel ou cognitif", devant les troubles "du langage et de la parole" et les troubles du spectre de l'autisme.
Enfin, si des aides sous forme de matériel pédagogique adapté ou de transport scolaire spécifique sont proposées, elles sont en diminution, tandis que le recours à l'aide humaine a fortement augmenté. Entre 2013 et 2022, la part des élèves accompagnés est passée de 49% à 67% dans le premier degré et de 26% à 46% dans le second degré. 248.500 élèves étaient ainsi accompagnés en 2022, dont 60% dans le premier degré. Cet accompagnement – de plus en plus souvent mutualisé – a notamment permis de passer d'un taux de scolarisation à temps complet dans le premier degré de 81% en 2006 à 92% en 2024. Parallèlement, les effectifs d'AESH ont également augmenté pour représenter, en 2022, quatre personnels non enseignants sur dix rémunérés par l'Éducation nationale. Malgré tout, et les fréquentes interventions parlementaires en témoignent, cela reste encore insuffisant.