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Industrie - 35 mesures pour relancer la compétitivité

En dehors des 20 milliards d'euros de crédits d'impôts pour les entreprises en trois ans, le pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté par Jean-Marc Ayrault, le 6 novembre, comprend une batterie de mesures hors coût du travail : meilleur accès au financement, achat public, innovation, délais de paiement, apprentissage... Le pacte prévoit aussi le déploiement de dix "plateformes territoriales d'appui aux mutations" dans les régions en difficulté.

Un "système à bout de souffle", une France coincée dans un "cercle vicieux"… Le Premier ministre a brossé un sombre tableau du "décrochage" économique du pays lors du séminaire gouvernemental du 6 novembre sur la compétitivité, reprenant le constat du rapport Gallois qui lui a été remis la veille : depuis 2000, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée a chuté de 18 à 12,5%, les parts de marché se sont réduites, la balance commerciale s’est inversée... Pour relancer la compétitivité, Jean-Marc Ayrault propose un "nouveau modèle français" reposant sur une "montée en gamme de notre économie". Ce "pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi" comprend 35 mesures qui s’inspirent fortement du rapport de l’ancien président d’EADS et de la SNCF. Avec des nuances toutefois.
La plus symbolique de ces mesures est la réduction de 20 milliards d’euros du coût du travail (contre 30 proposés par Louis Gallois). Là où le commissaire général à l’Investissement tablait sur une réduction des cotisations des entreprises, le gouvernement fait le choix d’un "crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice)" qui sera mis en oeuvre sur trois ans, dont 10 milliards dès 2013. Il portera sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le Smic et représentera une baisse de 6% du coût du travail. En contrepartie, les entreprises devront régulièrement informer les comités d’entreprise de l’utilisation du crédit d’impôt. L’objectif étant de créer des emplois… "des centaines de milliers d’emplois", a assuré le ministre de l’Economie Pierre Moscovici.

Hausses de TVA

Ces réductions seront compensées pour moitié par de nouvelles coupes dans les dépenses publiques (les collectivités seront mises à contribution) et par une augmentation de la fiscalité : hausse de la TVA dont les taux vont passer respectivement de 5,5%, 7% et 19,6% à 5%, 10% et 20%, à laquelle s’ajoute une fiscalité écologique issue des travaux de la conférence environnementale de septembre. Cette "TVA sociale" qui ne dit pas son nom prendra effet au 1er janvier 2014. Elle devrait rapporter quelque 7 milliards d’euros. Le Premier ministre s’est félicité de la baisse du taux réduit à 5%, soulignant qu’il s’agissait d’une "mesure de justice sociale" visant "plus particulièrement les ménages modestes", puisqu’elle concerne principalement les produits de première nécessité, notamment alimentaires. Toutefois, l’augmentation du taux intermédiaire ne va épargner personne. Il porte sur la restauration, les travaux de rénovation des logements, mais aussi sur les jeux et loisirs (cinéma, théâtre, concerts), le transport de voyageurs, etc.
Quant à la nouvelle fiscalité écologique, elle sera discutée dans le cadre du débat sur la transition énergétique et prendra effet en 2016. Gain estimé ? 3 milliards d’euros.

"Compétitivité 'hors coût' insuffisante"

Le pacte ne se limite pas au coût du travail car les "entreprises sont handicapées par une compétitivité 'hors coût' insuffisante", souligne le dossier de presse de Matignon. Il vise ainsi à améliorer l’environnement des entreprises, à mieux organiser les filières et à répondre au criant besoin de financement. A compter du 1er janvier 2013, un fonds de 500 millions d’euros sera créé à travers la Banque publique d’investissement (BPI) pour les PME en difficulté de trésorerie. La BPI, qui aura au total une capacité d’intervention de 42 milliards d’euros, offrira par ailleurs un "service de financements de proximité".
Le chantier de la BPI comporte aussi un volet exportation avec l’objectif de proposer un accompagnement personnalisé à mille entreprises de taille intermédiaire (ETI) et PME de croissance. Le soutien à l’export est d’ailleurs au coeur de l’engagement pris le 17 septembre 2012 entre l'Etat et les régions. L’objectif est d’atteindre l’équilibre commercial (hors énergie) en 2017, contre un déficit fin 2011 de plus de 25 milliards d’euros. Une "Marque France" va également être instaurée pour promouvoir les produits français à l’étranger.
Le gouvernement prévoit par ailleurs d’établir un plan d’actions pour lutter contre l’allongement des délais de paiement, dans le cadre de la loi sur la consommation qui sera discutée début 2013, avec de nouvelles sanctions à la clé. Le carcan administratif sera desserré à travers "cinq chantiers de simplification des démarches" et la stabilisation de cinq dispositifs fiscaux (crédit d’impôt recherche, jeunes entreprises innovantes, contribution économique territoriale....). L’accès au crédit devrait enfin être facilité par le projet de réforme bancaire qui sera soumis au Conseil des ministres du 19 décembre. Alors que le programme de François Hollande prévoyait de séparer activités de dépôts et d’investissements, il s’agit ici plus modestement de "recentrer les banques sur leur coeur de métier en les conduisant à consacrer leurs ressources en priorité au financement de l’économie réelle".

Conférence de l’achat public innovant

Enfin, une "conférence de l’achat public innovant" sera instituée pour "favoriser la rencontre entre les besoins des acheteurs publics et l’offre des PME et ETI innovantes". L’objectif reste modeste : réserver en 2020 un volume de 2% de la commande publique auprès de ces entreprises.
Le plan vise enfin à stimuler l’innovation et renforcer la formation. De nouvelles actions du programme des investissements d’avenir serviront à financer le développement de technologies numériques stratégiques (calcul intensif, sécurité, informatique en nuage, etc.) Un plan "France universités numériques" sera mis en oeuvre. Les pôles de compétitivité seront réorientés vers les produits et services à industrialiser dans le cadre des contrats d’objectifs 2013-2015. Pôles stratégiques à rayonnement international et pôles de développement régionaux seront mieux distingués. "L’implication des régions sera amplifiée dans le cadre d’un véritable copilotage Etat-région, pour mieux combiner stratégie industrielle et écosystèmes locaux", précise le document de Matignon.
Le gouvernement propose de porter à 500.000 le nombre d’apprentis d’ici à 2017 (le précédent gouvernement visait l’objectif de 800.000 en 2015). Le pacte prévoit par ailleurs de mieux évaluer l’offre de formation dans le cadre de la réforme du service de l’orientation afin d'"éviter qu’au sein d’une même classe de qualifications, les taux de chômage varient de plus de 10 points", précise un document de Matignon. Dix "plateformes territoriales d’appui aux mutations" seront instaurées dès 2010 dans les bassins les plus fragiles. "Ces plateformes seront des guichets uniques pour les PME qui veulent faire évoluer leurs ressources humaines, rassemblant sur un même territoire l’ensemble des acteurs de la formation et de l’emploi", précise le document.

Juste échange

Parallèlement à toutes ces mesures nationales, le gouvernement demande la mise en place au niveau européen du "juste échange" dans les accords commerciaux, sorte de compromis entre libre échange et protectionnisme fondé sur des principes de réciprocité, des exigences sociales et environnementales et sur la préservation de l’emploi.
Le pacte, qui repose sur plusieurs dispositifs déjà en route, comme la BPI, va faire l’objet de plusieurs projets de loi début 2013. Tous les six mois, le Premier ministre réunira les ministres "pour évaluer les avancées réalisées, qui seront rendues publiques".

 

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