85e congrès HLM : le secteur en première ligne face à un État absent
C'est dans une atmosphère de combativité et d'urgence que s'est ouvert à Paris le 85e congrès du Mouvement HLM, mardi 23 septembre. Devant des milliers de congressistes, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, et Patrick Bloche, représentant la maire de Paris, ont dressé un constat sans concession de la crise du logement, pointant d'une même voix la défaillance de l'État et l'urgence d'un sursaut politique et financier.

© Elena Jeudy-Ballini /Emmanuelle Cossse
Dès son discours d'ouverture, Emmanuelle Cosse a planté le décor : celui d'un secteur qui résiste mais s'épuise. Au 85e congrès HLM, face à une demande de logement social qui atteint un niveau record de 2,9 millions de ménages, la présidente de l'USH a dénoncé un "déni de réalité politique" au sommet de l'État. Un sentiment renforcé par une absence remarquée : celle de tout représentant du gouvernement, conséquence de "l'instabilité politique de la période".
Cette déconnexion entre le terrain et les ministères est vécue comme une injustice par les 85.000 salariés du secteur, souvent "derniers interlocuteurs d’intérêt général" dans les territoires. Pour Emmanuelle Cosse, le logement social est un "service d’intérêt général efficace qui ne doit pas être abimé par les aléas du marché", logeant "la France qui travaille dans des secteurs 'smicardisés', la France des femmes qui peinent à élever seules leurs enfants, la France des retraités sans patrimoine".
La charge la plus virulente a visé la réduction de loyer de solidarité (RLS), qualifiée par l’ancienne ministre de "ponction inique et délétère" qui a privé le secteur de plus de 10 milliards d'euros, entravant lourdement les capacités d'investissement des bailleurs. Malgré ce contexte, le mouvement HLM reste mobilisé, prévoyant d'atteindre 100.000 logements agréés et 125.000 rénovations énergétiques en 2025 (lire notre article).
L'État en carence, les collectivités en première ligne
Faisant écho à ce diagnostic, Patrick Bloche a accusé sans détour "l’absence de toute politique du logement en France". Pour l'adjoint à la mairie de Paris, face à cette carence, ce sont "les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, les associations, l’USH qui tiennent debout la politique du logement dans notre pays".
Il a salué l'exemple de Paris, devenue, grâce à une collaboration forte avec les bailleurs, "l’une des rares capitales européennes ayant plus de 25% de logement social". Une politique volontariste qui défend une certaine idée de la ville : "Une ville pour toutes et tous. Une ville qui pense que celles et ceux qui 'la font tourner' ont le droit d’y vivre", a souligné Emmanuelle Cosse en saluant l'engagement parisien.
Plus qu'un toit, un modèle et un patrimoine
Au-delà de l'urgence, les deux intervenants ont défendu la vision et les "qualités" du logement social, thème de cette 85e édition du congrès HLM. Loin d'être un simple outil de gestion de la précarité, il est un modèle à préserver. Emmanuelle Cosse a mis en garde contre une "bataille des mots" qui, sous des termes comme "abordable" ou "accessible", vise à "fragiliser un édifice républicain".
Patrick Bloche a, quant à lui, insisté sur la dimension culturelle et esthétique, affirmant avec force que les bailleurs sociaux sont "les premiers acteurs de la création architecturale en France". Et lancé une formule que d’aucuns qualifieront de visionnaire : "C'est le logement social qui constituera demain le patrimoine architectural de cette première moitié du XXIe siècle".
Un appel solennel à la rupture
En conclusion, Emmanuelle Cosse a lancé un appel solennel à Sébastien Lecornu et à l'ensemble des forces politiques. La "rupture" plébiscitée par le nouveau Premier ministre doit se traduire dès la prochaine loi de finances par des actes forts : le retrait de la RLS, le respect des engagements financiers de l'État pour la rénovation urbaine (Anru) et un grand plan d'investissement national. "Nous attendons le retour d’un État fiable, pilote et financeur d’une politique indispensable pour les Français", a-t-elle martelé. Le message est clair : le Mouvement HLM est prêt à contribuer à la reconstruction, mais il ne pourra plus longtemps pallier seul les défaillances de la puissance publique.