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Aéroport de Toulouse-Blagnac : "le consortium chinois est en train de vider les caisses"

Alors que le gouvernement s’apprête à privatiser ADP (ex-aéroport de Paris) d’ici au printemps 2019, la Cour des comptes dresse un bilan pour le moins mitigé des trois précédentes privatisations, celles de Toulouse-Blagnac en 2015 suivie de Lyon et Nice en 2016. La Cour constate en particulier "l’échec" de la privatisation de Toulouse qui reste "inaboutie". En avril 2015, l'Etat avait vendu 49,99% du capital de la société de gestion à Casil Europe, holding français créé par le groupe d'Etat chinois Shandong High Speed Group et le fonds d'investissement hongkongais Friedmann Pacific Asset Management. Et ce pour 308 millions d’euros, soit 17,7% de plus que la deuxième offre. Dans un deuxième temps, l’Etat se donnait la possibilité de céder les 10,01% restants, ce qu’il a renoncé à faire en février 2018 à la demande des autres actionnaires publics (région, département, métropole de Toulouse et CCI qui détiennent 40% des parts). Mais un pacte d‘actionnaire entre l’Etat et l’acquéreur assure à ce dernier le contrôle des décisions dans la société.

Une situation "ambiguë" et "instable"

Pour la Cour, Toulouse-Blagnac se trouve aujourd'hui dans une situation "ambiguë" et "instable", avec un capital encore majoritairement public mais sous contrôle privé. Le processus choisi pour cette privatisation "a révélé de graves insuffisances : les critères de recevabilité des candidats étaient peu exigeants et limités à leur capacité financière", constate la Cour. Malgré un ambitieux projet industriel (avec des prévisions de trafic à hauteur de 18,4 millions de passagers en 2046 en lien avec le développement des aéroports chinois), l’acquéreur a suscité de nombreuses inquiétudes, relève le rapport, que ce soit pour "son manque d’expérience en matière de gestion aéroportuaire", "son manque de transparence financière" et "ses liens avec la puissance publique chinoise". "L’objectif d’accroître l’influence chinoise à travers l’acquisition d’infrastructures est revendiquée" par les autorités chinoises, souligne la Cour.
"Il est clair que le consortium chinois est en train de vider les caisses de la société", s’est alarmée Valérie Rabault, députée PS du Tarn-et-Garonne, rapporteure spéciale, mardi 13 novembre, auprès de la présidente de la deuxième Cour des comptes, Catherine de Kersauson auditionnée par la commission des finances de l’Assemblée. Entre la privatisation et 2017, 16 millions d’euros ont été reversés sous forme de dividendes. Le consortium "avait mis un prix plus élevé pour être sûr de récupérer l’aéroport et aujourd'hui il est en train de se rembourser", dénonce la députée. Mais en 2017, il s’est livré à un jeu d’écritures comptables qui lui a permis de faire passer le bénéfice de 8 à 20 millions d’euros. "L’actionnaire majoritaire dit ‘on va distribuer la totalité du bénéficie en termes de dividendes’." "En termes de protection de ce qui est un outil stratégique de l’Etat c’est extrêmement grave", a fustigé la députée.

L'affaire à nouveau devant le juge début 2019

Pour le collectif contre la privatisation de la gestion de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, qui ne désespère pas de faire annuler cette vente, le rapport de la Cour des comptes arrive "à point nommé". "La justice pourra s'appuyer sur ce rapport d'une institution ô combien sérieuse qui démontre une triple faute : une faute financière, une faute en termes d'aménagement du territoire et une faute du point de vue environnemental", a-t-il réagi dans un communiqué." Le collectif avait saisi le juge administratif mais n’avait pas eu gain de cause en 2017. L’affaire doit repasser devant la cour administrative d’appel de Paris début 2019.
La Cour des comptes relève cependant que l’expérience de Toulouse-Blagnac a permis des améliorations pour les privatisations de Nice et Lyon.

 

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