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Grenelle 2 - Affichage publicitaire : la réglementation nationale profondément réformée

Le ministère de l'Ecologie met en consultation jusqu'au 11 mars un projet de décret d'application de la loi Grenelle 2 fixant les nouvelles règles en matière d'affichage extérieur. Mais les mesures contenues dans ce texte sont jugées "inacceptables" par l'association Paysages de France qui a fait de la lutte contre la pollution visuelle son cheval de bataille.

Le ministère de l’Ecologie a mis en ligne un projet de décret portant réglementation nationale de la publicité, des enseignes et des préenseignes, pris en application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2 (art.36 à 50). La phase de consultation publique s’achèvera le 11 mars prochain. La loi Grenelle 2 a en effet profondément réformé le régime de l’affichage extérieur, s’inspirant de la réflexion menée par Ambroise Dupont, sénateur du Calvados, dans un rapport sur l’affichage publicitaire remis en juin 2009.
Ce texte supprime les zones dérogatoires prévues par la loi du 29 décembre 1979, tout en maintenant les règlements locaux de publicité (RLP) dont la procédure d’élaboration, de révision et de modification est alignée sur celle applicable aux plans locaux d'urbanisme (L.581-14 et L.581-14-1 du Code de l'environnement). Les RLP existants pourront toutefois rester valables pendant dix ans. L’interdiction totale de publicité hors agglomération n'est tempérée que pour prendre en compte la situation spécifique des aéroports et des gares, ainsi que celle des établissements de centres commerciaux "dans le respect de la qualité de vie et du paysage et des critères, en particulier relatifs à la densité, fixés par décret" (L.581-7). La loi s’intéresse également aux préenseignes dites dérogatoires et améliore l’insertion paysagère des dispositifs publicitaires autorisés dans les entrées de ville. Enfin, elle prévoit un encadrement plus strict des publicités lumineuses, en fonction des dispositifs et de leur éclairage (L.583-1 à L.583-5).

Harmonisation des procédures

En application de ces dispositions, le chapitre "Publicité, enseignes et préenseignes" du Titre VIII de la partie réglementaire du Code de l’environnement est entièrement recodifié. Les procédures de déclaration préalable et d’autorisation préalable sont désormais réunies en tête du chapitre (section 1). Quatre grands sujets sont traités successivement : les dispositifs publicitaires (non lumineux, lumineux, scellés au sol) et les dispositifs particuliers (mobilier urbain, véhicules terrestres, bâches, dispositifs de dimension exceptionnelle et micro-affichage) (section 2) ; les enseignes et préenseignes (section 3), la réglementation locale de publicité (section 4), les procédures de sanction (section 7).
Le projet de décret simplifie et harmonise (avec celles du Code de l’urbanisme) la procédure d’autorisation préalable (R.581-9 à R.581-12). Les demandes sont déposées en mairie, puis transmises à l’autorité compétente (maire ou préfet) ainsi qu’aux autorités chargées de donner un avis. A noter, le dossier qui accompagne la demande d’autorisation est composé des mêmes documents que ceux exigés pour la déclaration préalable.
Le projet de décret encadre également les éléments spécifiques à certains dispositifs (bâches, dispositifs digitaux, dispositifs de dimension exceptionnelle, micro-affiches sur baies commerciales etc.), tout comme les nouvelles possibilités d’affichage sur les emprises des gares et des aéroports ou à proximité des établissements de centres commerciaux hors agglomération.

Prescriptions de surface et de densité

Par ailleurs, une notion de densité maximale admise est introduite pour les publicités. Un seul dispositif publicitaire est admis pour 80 mètres linéaires de propriété foncière bordant la voie publique (R.581-22). De nouveaux seuils de population sont retenus pour déterminer la hauteur et la surface maximales admises des différents dispositifs publicitaires (agglomérations situées dans une commune de plus ou moins 10.000 habitants et appartenant ou non à une unité urbaine de plus de 100.000 habitants). La catégorie des agglomérations de moins de 2.000 habitants est supprimée. Dans les agglomérations situées dans des communes de moins de 10.000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants, les dispositifs scellés au sol sont interdits (R. 581-36). De même, les publicités lumineuses y sont en principe interdites, à l’exception des dispositifs éclairés par projection ou transparence. Dans les autres catégories d’agglomérations, leur surface est limitée à 8 m2 et leur hauteur à 4 mètres (R.581-29). Des prescriptions destinées à réduire les nuisances lumineuses et à limiter la consommation d’énergie sont en outre prévues pour tous les dispositifs lumineux et éclairés (seuils de luminance, extinction entre 0h et 6h, à l’exception du mobilier urbain).
Les enseignes sont quant à elles limitées à une surface cumulée de 20 m² par bâtiment (R.581-60). Un seul dispositif scellé au sol de plus d’un m2 sera autorisé le long des voies bordant l’immeuble où est exercée l’activité. A compter de juillet 2015, certaines catégories de préenseignes dérogatoires jusqu’alors admises seront supprimées et remplacées par une signalisation routière normalisée. Pourront subsister celles signalant les monuments historiques ouverts au public et les activités de vente de produits du terroir (R.581-64). Par ailleurs, une nouvelle catégorie concernant la signalisation des activités culturelles sera admise dans la limite de deux préenseignes par activité.

Règlements locaux de publicité

Les règlements locaux de publicité, par principe plus restrictifs que la règle nationale, sont désormais élaborés ou modifiés conformément à la procédure applicable pour les PLU (R 581-72). Elaborés à l'initiative du maire ou du président de l'EPCI compétent, ils sont annexés au PLU une fois approuvés. RLP et PLU peuvent donner lieu à une procédure unique et une même enquête publique. Le RLP, qui a vocation à préciser les règles en fonction du contexte urbain local et de la localisation des dispositifs publicitaires envisagés, prescrit notamment à l’intérieur de zones qu’il délimite des règles de densité et d’harmonisation pour les publicités. Un document graphique des zones ainsi instituées l’accompagne. Le RLP édicte également des règles concernant les nuisances lumineuses et la limitation des consommations d’énergie. Dès lors qu'un RLP a été élaboré, la police de l'affichage relève de la compétence du maire au nom de la commune. Si tel n’est pas le cas, ou en cas de carence du maire dans l’exercice des ses pouvoirs, le préfet sera l’autorité compétente en la matière (R. 581-82). 

 Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

Paysages de France dénonce des mesures et des lacunes "naturellement inacceptables"
Dans un communiqué publié le 23 février, Paysages de France s'en prend vivement au projet de décret sur l'affichage publicitaire et demande à être reçue d'urgence par la ministre de l'Ecologie. L'association spécialisée dans la lutte contre la pollution visuelle estime que ce texte comporte "des mesures et des lacunes naturellement inacceptables". Elle vise tout particulièrement la disposition permettant de continuer à installer des panneaux 4x3 sur pied dans des agglomérations de quelques centaines d'habitants, pour peu qu'elles soient situées dans une unité urbaine de plus de 100.000 habitants. "Vu le rythme accéléré de l'urbanisation en France et la multiplication d'immenses conurbations, ce sont des pans entiers du territoire national et surtout, le paysage quotidien de dizaines de millions de citoyens qui seraient alors livrés aux afficheurs et à la pollution", met en garde l'association. Elle regrette que le projet de décret ne prévoie aucune limite de surface pour la publicité sur bâche apposée sur façade aveugle. Le texte actuel comporte aussi selon elle d'autres lacunes "invraisemblables" comme l'absence d'encadrement en cas de dérogation à l'interdiction de la publicité dans les secteurs protégés (parcs naturels régionaux, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, zones d'adhésion des parcs nationaux, etc.), le manque de critères de hauteur maximale pour l'installation d'enseignes au-dessus des limites des façades des bâtiments commerciaux. L'association fustige aussi la possibilité d'autoriser dans certaines agglomérations ne comportant que quelques centaines d'habitants et dans les communes de plus de 10.000 habitants des panneaux scellés au sol lumineux de format et de hauteur illimités, y compris dans les secteurs protégés.

A.L.