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Agence nationale de la cohésion des territoires : ce qu’il faut retenir du passage à l’Assemblée

L’Assemblée a voté mardi 12 mars la proposition de loi visant à créer une Agence nationale de la cohésion des territoires, après avoir largement réécrit la version du Sénat. Parmi les principaux ajouts : l’introduction de "contrats de cohésion territoriale". L’idée figurait dans le rapport de préfiguration de l’agence. L’agence sera aussi amenée à aider les collectivités à mobiliser les fonds européens. Le texte doit à présent faire l'objet d'une conciliation en commission mixte paritaire.

Dernière ligne droite pour la création de la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). L’Assemblée a voté la proposition de loi sénatoriale visant à créer cette agence, dans la nuit du 12 au 13 mars. Le texte placé en procédure accélérée doit à présent faire l’objet d’une conciliation en commission mixte paritaire, alors que les députés ont largement réécrit la version des sénateurs, tant sur le plan de la composition de son conseil d’administration que de son fonctionnement et de ses missions.

Annoncée par le président de la République en juillet 2017, la création de cette agence "est une réponse à la demande formulée par les représentants des élus locaux - en particulier par l’Association des maires de France -, qui souhaitaient une simplification du paysage des opérateurs de l’État qui intervenant au profit des territoires", a déclaré la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, lundi, rappelant aux députés l’objectif poursuivi : aider "les territoires les plus fragiles" - urbains ou ruraux - à "concrétiser un projet local, qu’il s’agisse de redynamisation du centre-ville, de rénovation urbaine ou de toute autre matière". "Nous souhaitons que l’intervention de l’ANCT ne se limite pas aux territoires institutionnels - c’est-à-dire aux collectivités territoriales - mais profite aux territoires porteurs de projets, quels qu’ils soient, par exemple les pays ou, pour ceux de ces derniers qui ont déjà pris la nouvelle appellation, les PETR, ou pôles d’équilibre territorial et rural", a-t-elle tenu à préciser.

Mais au cours de ces deux jours de débat, plusieurs voix se sont inquiétées du manque d’ambition et de moyens accordés à la future agence qui regroupe trois structures existantes : l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca), le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et l’Agence du numérique. Même si elle pourra mobiliser d’autres opérateurs tels que l’Ademe, le Cerema, l’Anru et l’Anah. Jacqueline Gourault a rappelé que les préfets seraient les représentants uniques de l’agence pour les porteurs de projets, et qu’il n’y aurait pas d’officine "ANCT" en tant que telle…

Les députés ont tout d’abord redonné la majorité aux représentants de l’État au sein du conseil d’administration de l’agence, au détriment des élus. "L’ANCT sera une agence d’État. Il est donc normal que l’État dispose de la majorité des voix au sein du conseil d’administration. (…) En revanche, je tiens à rappeler que le président du conseil d’administration sera choisi parmi les membres du collège des élus", a insisté Jacqueline Gourault. En revanche, son directeur général sera nommé par décret. Les préfets devront "encourager la participation du public dans le cadre de l’élaboration des projets des collectivités territoriales et de leurs groupements". Ils réuniront régulièrement, au moins deux fois par an, un "comité local de cohésion territoriale" informé des demandes d’accompagnement émanant des collectivités, du suivi de leurs demande... La composition de ce comité sera précisée par voie réglementaire. L’agence sera aussi dotée d’un comité national de coordination.

Fonds européens

Les députés ont sensiblement élargi le champ d’intervention de l’ANCT, introduisant notamment l’accès aux soins et le soutien aux réseaux associatifs. L’agence devra aussi assurer une mission de "veille et d’alerte afin de sensibiliser et d’informer" les administrations, les ministères et les opérateurs sur les impacts territoriaux de leurs décisions. Elle devra également aider les porteurs de projets à mobiliser des fonds européens structurels et d’investissement. L’agence "coordonne" l’utilisation de ces fonds (rôle aujourd’hui dévolu au CGET). À noter que le gouvernement a tenté de supprimer cette disposition afin de ne pas empiéter sur le rôle des régions qui sont autorités de gestion des fonds européens. 
En commission, les députés avaient déjà ajouté, parmi les cibles prioritaires de l’agence, les territoires connaissant des "difficultés sociales", visant explicitement les territoires de la politique de la ville. L'agence devra aussi recenser l'offre d'ingénierie dans chaque département.

Contrats de cohésion territoriale

Les députés ont par ailleurs introduit l’idée de "contrats de cohésion territoriale" mentionnés dans le rapport du préfigurateur de l’agence, Serge Morvan, mais absents de la proposition de loi initiale. Ces contrats doivent assurer la mise en œuvre déconcentrée de la politique de l’État en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires. Ils s’articulent avec les projets de territoires élaborés par les collectivités territoriales et leurs groupements. Ces contrats pourront englober les contrats préexistants (les contrats de ville, les contrats de ruralité, les contrats de transition écologique…). Un territoire pourra passer avec le délégué territorial de l’agence un contrat territorial unique, idée que défendait l’ancien ministre Jacques Mézard. Dans le cadre de ces contrats de cohésion territoriale, des conventions pourront également être conclues entre une métropole ou une communauté urbaine et des intercommunalités, "afin de développer les synergies avec les territoires ruraux". Il s’agit de s’inspirer des "contrats de réciprocité". 

"L’agence sera aussi l’instance - et je tiens à le saluer - qui associera les élus locaux aux politiques de cohésion de l’État, avec la présence d’élus locaux au sein du conseil d’administration et dans les comités de cohésion territoriale, à l’échelon départemental", s'est réjoui le député Guy Bricout (Nord, UDI). Tout en mettant en garde : "Si l’on veut assurer la réussite de cette agence, les élus devront être réellement associés aux prises de décisions et ne pas être mis devant le fait accompli."