Aides à l'installation des médecins : le diagnostic sévère de la Cour des comptes

Les aides destinées à favoriser l'installation des médecins libéraux dans des territoires jugés prioritaires sont nombreuses, coûteuses et mal coordonnées entre elles, pour un résultat insuffisant, selon la Cour des Compte, qui propose d'en supprimer certaines et qui appelle surtout l'État, la Caisse nationale de l’assurance maladie et les collectivités à se coordonner à travers l'élaboration d'un schéma départemental. 

Sur demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes s'est intéressée aux aides à l'installation attribuées par l'État et la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) aux médecins libéraux. Sur la base d'une analyse qui porte sur les années 2016 à 2023, la Cour dresse dans un rapport publié le 12 novembre 2025 un diagnostic sévère sur un système jugé à la fois complexe (un grand nombre d'aides et une "absence de cohérence" entre ces dernières), donc "peu compréhensible et opaque" ("méconnaissance de la part des jeunes médecins en phase d’installation"), inefficace ("utilisation par un nombre restreint de bénéficiaires", à l'exception des aides de la Cnam) et coûteux ("coûts de gestion élevés au regard des montants versés").

"Confusion" et "concurrences inopportunes entre les dispositifs comme entre les territoires"

"Au moins quinze aides différentes" sont en effet recensées : d'une part, huit dispositifs centrés sur les zones d’intervention sanitaire (les ZIP, zones d’intervention prioritaire, et les ZAC, zones d’action complémentaire) destinés à réduire les inégalités territoriales d’accès aux médecins ; d'autre part, "sept dispositifs fiscaux applicables aux médecins dans des zones de développement économique et de soutien à l’emploi" (dont les zones France ruralités revitalisation, les FRR ayant succédé aux zones de revitalisation rurale, mais aussi les zones franches urbaines et les quartiers prioritaires de la politique de la ville). 

Les aides financières attribuées pour faciliter l'installation en cours ou à venir "se sont élevées à environ 205 millions d'euros en 2023 et ont bénéficié à 15.000 médecins et à 2.000 étudiants en médecine" – la moitié du montant au titre des zones sanitaires, l'autre moitié au titre des zones économiques. "Leur analyse fait apparaître des effets d’aubaine et une relative inefficience", selon la Cour des comptes qui pointe un phénomène de cumul de la part de certains médecins.

À cela, s'ajoutent les soutiens financiers des différents échelons de collectivités territoriales. La Cour des comptes déclare ne pas pouvoir évaluer leur montant, "mais les initiatives sont nombreuses et les dépenses consenties sont importantes" et "pourraient même se révéler supérieures à celles versées par l’État". 

Un "schéma départemental d’initiatives concertées" pour coordonner les aides 

Dans les zones de soutien à l'emploi, les médecins perçoivent des aides en tant qu'entreprises (notamment des exonérations fiscales et réductions d'impôts), au titre du développement économique et "sans contrepartie en termes de services rendus aux patients". La Cour des comptes les juge inefficaces : lorsque zonages sanitaires et économiques se superposent, ils "[augmentent] le coût d’installation des médecins sans augmenter leur nombre" ; à l'inverse, "lorsque les zonages ne se superposent pas, les deux catégories de dispositifs entrent en concurrence et peuvent se neutraliser, tout en coûtant de la ressource fiscale". 

La Cour recommande donc de supprimer l'exonération fiscale des bénéfices non commerciaux pour les médecins exerçant dans ces zones prioritaires, mais aussi deux dispositifs récents issus de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (contrats de début d’exercice et exonérations sociales). Elle préconise également de limiter "à dix ans la durée de perception de l’aide versée au titre du contrat d’engagement de service public (CESP)" et de "contrôler le respect de l’engagement d’exercice et de sa durée en zone sous-dense des médecins ayant bénéficié de cette aide pendant leurs études". 

Surtout, les juges de la rue Cambon appellent à davantage de pilotage à travers l'établissement d'un "schéma départemental d’initiatives concertées pour les aides à l’installation des médecins" destiné à garantir la cohérence entre les aides de l'État, de la Cnam et des collectivités. Sur la base de ce schéma, les aides financières aux médecins seraient attribuées dans le cadre d’appels à manifestation d’intérêt conjoints. Et, pour rationaliser l'attribution de ces aides, il est proposé de mettre à la disposition des partenaires locaux du schéma "une base de données commune sur les besoins et sur l’offre de soins primaires, territorialisées" à l'échelle du département et de chaque échelon pertinent. 

La Cour des comptes rappelle enfin que les aides financières "n’ont un effet significatif sur la densité médicale dans les territoires sous-dotés que lorsqu’elles interviennent dans un contexte d’exercice collectif". Elle encourage donc les pouvoirs publics à dégager des moyens pour faciliter l’exercice coordonné. 

 

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