Appels d'urgence : la Cour des comptes pointe la trop lente marche du projet NexSIS porté par l'Agence du numérique de la sécurité civile

Dans un rapport publié le 5 décembre, la Cour des comptes laisse à penser que le projet NexSIS, qui a pour vocation d'aider les services d'incendie et de secours à gérer les appels d'urgence et les interventions, semble en passe de sortir de l'ornière, quand bien même le risque d'un enlisement de son déploiement ne serait pas encore écarté. La rue Cambon met également en exergue la fragilité économique du dispositif, lequel devrait pourtant être, selon elle, une source d'économies "considérables" si le ministère consentait à déployer "une stratégie de mutualisation et d'optimisation aujourd'hui inexistante".

Une route encore longue, avec une pente forte. Ainsi pourrait être rapidement résumé l'avis porté par la Cour des comptes sur le projet NexSIS, dans un rapport publié le 5 décembre. Initié après les attentats de 2015, qui ont révélé "le manque de mutualisation et l'obsolescence" des systèmes de gestion des appels d'urgence (18-112) et des interventions des services d'incendie et de secours (SIS), et porté depuis 2018 par l'Agence numérique de la société civile nouvellement créée (lire notre article), ce projet vise à doter les SIS d'un système national. 

Après la pluie le beau temps ?

"Dès son lancement, le projet s'est heurté à de multiples difficultés", parmi lesquelles "certaines orientations initiales [qui] se sont révélées inadaptées", rappelle la Cour. Le tout a entrainé des "retards répétés" de son déploiement – initialement prévu cette année dans l'ensemble des SIS – et une "augmentation significative de son coût". Ce dernier est évalué aujourd'hui à 300 millions d'euros sur la période 2018-2031, soit "un montant de 40% supérieur aux estimations initiales". Un surcoût "en grande partie supporté par l'État" compte tenu des "réticences des SIS" à financer le projet, observe la rue Cambon. 

NexSIS pourrait toutefois avoir mangé son pain noir. La Cour constate en effet que la méthodologie de déploiement, "progressive" et "mise à l'épreuve du réel", adoptée depuis 2023 par le nouveau directeur de l'agence a permis de "déployer la solution" dans trois (Corse-du-Sud, Var, Indre-et-Loire), puis six départements (Seine-et-Marne, Nièvre, Ardèche, Ain, Lot et Deux-Sèvres), avec l'ambition d'atteindre 78 départements à fin 2027. 

Des nuages encore lourds…

La partie n'est pas gagnée pour autant, la Cour considérant que "la généralisation de la solution à l'ensemble des SIS reste un défi important". "Un risque d'enlisement du déploiement et de la bascule au compte-gouttes des SIS subsiste", avertit-elle. Et d'enjoindre en conséquence à l'agence de poursuivre ses efforts de standardisation de sa méthode "sur mesure et chronophage". Une étape d'autant plus nécessaire que la Cour souligne par ailleurs que "l'interconnexion des systèmes de gestion des appels des SIS et des SAMU, indispensable d'un point de vue opérationnel, s'avère complexe à coordonner".

La rue Cambon met également en exergue un modèle économique encore "fragile" et ce, d'autant plus que "faute d'obligation légale, les SIS rejoignent le projet sur la base du volontariat", contraignant chaque année la direction de l'agence à consacrer "une énergie importante à les démarcher". "La liberté de financement des SIS a été un handicap pour la réalisation du programme", conclut d'ailleurs la Cour. Elle estime en outre que "la capacité financière des SIS est inégalement sollicitée" du fait des règles arrêtées par les parties prenantes (DGSCGC, Départements de France, AMF, ANDSIS et FNSPF) en 2018 qui "pénalisent les SIS situés dans les départements les plus pauvres" et réduisent "la contribution des SIS et des collectivités territoriales disposant des ressources les plus élevées".

… mais l'espoir de lendemains qui chantent, en théorie du moins

La Cour est toutefois d'avis que le projet pourrait à terme constituer "un gisement d'économies important" (1 milliard d'euros sur dix ans) – "encore inentamé" – pour l'État et les collectivités. Singulièrement en permettant "d'envisager une réorganisation et une mutualisation des centres de traitement des appels des SIS, aujourd'hui départementaux, en un nombre limité de plateformes". Quand bien même relève-t-elle qu'une telle restructuration à l'échelon national ou régional, qui prévaut dans d'autres pays, "n'a jamais été étudiée", la Cour dénonçant même "une stratégie de mutualisation et d'optimisation aujourd'hui inexistante".

Un gisement qui pourrait même être "considérable" renchérit la Cour, en prenant en compte le fait que le dispositif "pourrait servir de socle pour la création d'un réseau interministériel de collecte et d'acheminement des appels d'urgence au bénéfice de l'ensemble des services de secours (en particulier la police nationale, la gendarmerie nationale et le SAMU)". Une hypothèse connue, voire promue, qui pourtant, là encore, "ne semble pas avoir été approfondie par le ministère en dépit des avancées que permet le programme NexSIS", déplore la Cour. "Il existe des centaines de centres d'appels d'urgence, mais un nombre très réduit de plateformes communes entre services […], qui résultent toujours d'initiatives locales sans impulsion nationale", relève-t-elle.

 

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