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Logement / Insertion - Bail solidaire : beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

Alors que l'article 94 de la loi Macron du 6 août 2015 autorise le gouvernement à prendre des mesures par ordonnance en vue de donner un cadre juridique au "bail réel solidaire", au bénéfice des organismes de foncier solidaire créés par la loi Alur du 24 mars 2014, un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) se montre très sévère sur le bail solidaire et livre une "Expertise des propositions de production d'une offre de logements à loyer minoré dans le parc privé".

Une succession de dispositifs...

Le développement du bail solidaire entendait apporter une réponse à la réduction progressive depuis les années 1990, dans les zones tendues, de l'offre de logements abordables dans le parc locatif privé. Il s'agit donc à la fois de développer l'offre de locations abordables et de lutter contre la vacance.
Différents dispositifs nationaux se sont succédés - voir superposés - pour mettre en œuvre ces objectifs : dispositifs "Besson dans l'ancien" puis "Borloo dans l'ancien", régime de conventionnement sans travaux avec l'Anah... S'y ajoutent les mécanismes mis en place par plusieurs grandes collectivités, à l'image de "Louez solidaire" à Paris.
Face à ce foisonnement, le CGEDD estime que "le bilan de ces interventions sur le parc privé s'avère limité au regard des objectifs nationaux d'origine, en particulier en matière de lutte contre la vacance, dont l'Anah a abandonné le régime d'aide en 2011". Ce constat rejoint celui de la Cour des comptes sur les politiques du logement en Ile-de-France, la région de loin la plus tendue en matière de logement (voir notre article ci-contre du 9 avril 2015). La Cour pointait ainsi l'absence de résultats dans la lutte contre la vacance, malgré les campagnes de mobilisation et les efforts de repérage des logements susceptibles d'entrer dans les dispositifs.

... pour des résultats décevants

Pour expliquer ces résultats médiocres, le CGEDD évoque plusieurs facteurs : la méconnaissance des dispositifs, la complexité des barèmes de loyers (afin de limiter les effets d'aubaine) ou encore un montant du "loyer social dérogatoire" parfois très proche du niveau des loyers intermédiaires. La limite est également d'ordre budgétaire, car "pour être attractives et efficaces, les aides impliquent un coût élevé pour la collectivité". Du coup, l'impact de l'aide fiscale mise en place s'en trouve fortement atténué.
L'expertise du CGEDD passe également en revue trois dispositifs de collectivités - Grenoble-Alpes-Métropole (Loca++), Grand Lyon (Louez malin) et Paris (Multiloc) -, avec des résultats tout aussi mitigés. Il en est de même pour la proposition de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier) de mise en place d'un "bail solidaire", à partir de diverses expériences en cours. Les dispositifs de collectivités n'atteignent en effet que partiellement leurs objectifs initiaux et pâtissent du retrait progressif de l'Anah, dans la mesure où ils sont souvent conçus en complément des aides de cette dernière.

Repenser complètement le système

De ce survol, le CGEDD conclut que "la mise en œuvre de ces dispositifs ne garantit pas une efficacité satisfaisante. Dans la plupart des cas, celle-ci est d'ailleurs insuffisamment évaluée aussi bien ex ante qu'ex post". Le rapport ne se contente toutefois pas de critiquer, mais formule aussi plusieurs propositions.
Le rapport propose ainsi un scénario "ciblant le logement intermédiaire en zone tendue, s'appuyant sur un conventionnement sans travaux rénové". En pratique, cela suppose de renoncer au bail solidaire traditionnel, au moins dans les zones tendues. L'idée directrice est en effet de remplacer ce dernier par "un régime fiscal plus simple et plus lisible privilégiant les opérations programmées". La CGEDD préconise également de renforcer le contrôle et l'évaluation.