Bâti scolaire : l'Alliance écologique et sociale appelle à un plan d'urgence

Trop froid l'hiver, trop chaud dès les beaux jours, l'Alliance écologique et sociale (AES) publie un rapport sur l'état du bâti scolaire en France. L'organisation estime qu'au moins 5 milliards d'euros par an pendant dix ans seraient nécessaires pour engager une rénovation écologique et sociale des écoles.

"En juin 2025, plus de 80 départements de France métropolitaine ont connu un épisode de canicule qui a […] mis en évidence la dure réalité de l'état des écoles et établissements scolaires français, inadaptés aux dérèglements des températures", écrivent les syndicats et associations membres de "l'Alliance écologique et sociale" (AES) (FSU, SUD-Éducation, CGT Éduc'Action, Greenpeace, Oxfam, Les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, Attac), dans leur rapport "L'école bien dans ses murs" sur la "rénovation écologique du bâti scolaire", paru début septembre 2025.

Le parc scolaire français a été massivement construit entre les années 1950 et 1975. Autrement dit, 80 % des écoles primaires datent de cette période, de même que la moitié des lycées et 55% des collèges

Résultat, sur les 9.000 personnels de l'Éducation nationale interrogés dans le cadre d'une enquête syndicale citée par l'AES, 61% déclarent rencontrer des problèmes de confort thermique lorsqu'il fait froid, et 95,6% lorsqu'il fait chaud. Dans le détail, 10% des répondants ont déjà constaté dans leur classe une température de 14°C et 12% une température de 35°C. En termes d'équipements, ce n'est guère mieux : 59% déclarent des problèmes de chauffage récurrent et 38% des problèmes de "volets ou protections extérieurs défaillants". Enfin, seulement 59% des cours sont décrites comme végétalisées.

Cette vétusté n'est donc pas seulement un enjeu patrimonial. Elle engendre des problèmes sanitaires et environnementaux : présence d'amiante, infiltrations, mauvaise isolation, absence de végétalisation des cours d'école. L'épisode caniculaire de juin 2025 a confirmé cette fragilité : plus de 2.200 établissements ont dû fermer, au moment même des épreuves du brevet et du baccalauréat (notre article du 30 juin 2025).

Cumul dans les écoles des quartiers défavorisés

Les conséquences sont particulièrement marquées dans les zones défavorisées. Les écoles situées dans les quartiers populaires et les territoires ultramarins cumulent fortes chaleurs, pollution de l'air, vétusté des locaux et faibles moyens financiers.

En Île-de-France, le rapport relève que les expositions cumulées à la chaleur et à la pollution se concentrent dans le nord des Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis, là où la proportion d'enfants et de familles à bas revenus est la plus forte. La rénovation du bâti scolaire apparaît donc comme un impératif de justice sociale et territoriale, indispensable pour garantir l'égalité d'accès au service public d'éducation.

Le "fonds vert" a subi une baisse de 55% dans le budget 2025

L'équation financière est difficile pour les collectivités territoriales, propriétaires des bâtiments scolaires (communes pour les écoles, départements pour les collèges, régions pour les lycées), qui investissent déjà 8,3 milliards d'euros par an. Ces dépenses couvrent essentiellement l'entretien courant et ne suffisent pas à engager une rénovation en profondeur.

Selon plusieurs rapports parlementaires cités dans le rapport, il faudrait 40 à 50 milliards d'euros supplémentaires sur dix ans pour atteindre les objectifs fixés par le décret tertiaire de 2019, qui impose une réduction de 40% de la consommation d'énergie des bâtiments publics d'ici 2030. Or, les financements de l'Etat sont jugés largement insuffisants d'autant que le "fonds vert" a subi une baisse de 55% dans le budget 2025.

On rappellera en revanche que le programme EduRénov - pour lequel la Banque des Territoires mobilise sur cinq ans une enveloppe de 2 milliards d’euros pour du financement en prêts, et une autre de 50 millions d’euros pour du financement d’ingénierie - continue de monter en puissance. On comptait en mai dernier, deux ans après son lancement, pas moins de 5.000 chantiers engagés.

"Des mesures simples et peu coûteuses"

Selon l'AES, un plan d'urgence devrait être lancé immédiatement : installation de volets, brise-soleil et ventilateurs, peinture blanche des toitures pour réduire la chaleur, végétalisation massive des cours d'école, etc. "Ces mesures simples et peu coûteuses pourraient améliorer rapidement le confort thermique", estime le collectif. Mais selon lui l'enjeu principal reste la rénovation performante et durable : "isolation par l'extérieur, ventilation, recours à des matériaux biosourcés, désamiantage, décarbonation des systèmes de chauffage et installation de panneaux solaires". Et c'est là que le bât blesse. Alors que le nombre de jours de canicule pourrait être multiplié par cinq d'ici 2050, l'organisation en appelle à un engagement massif de l'État, afin que l'école demeure un espace protecteur, égalitaire et résilient face au changement climatique. Il faut "que l’État prenne enfin ses responsabilités et planifie ces investissements indispensables dans la durée en lien avec les collectivités territoriales", peut-on lire.

Au moins 5 milliards d'euros par an pendant dix ans 

Le rapport de "l'Alliance écologique et sociale" avance quatre propositions. 
- Il suggère d'adopter un protocole de gestion des épisodes climatiques extrêmes (froid, canicule, pollution). 
- Il plaide aussi pour "le rétablissement de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement", remplacé en 2019 par la "cellule du bâti scolaire" du ministère de l'Education nationale qui "n'inclut plus les représentants syndicats, des parents d'élèves et des élèves" (notre article du 1er juin 2022
- Le rapport préconise d'adapter et rénover les bâtiments avec "un plan cohérent et concerté". 
- Enfin, il suggère de mettre en place un plan national de financement d'au moins 5 milliards d'euros par an pendant dix ans, citant comme sources potentielles : "le rétablissement de l'ISF tel qu'il existait avant sa suppression en 2018 (6,3 milliards d'euros par an)", "un sixième d'une taxe sur les transactions financières (TTF)", "5,1% des dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 en 2024" ou "un tiers des recettes de la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines. Une préconisation très politique donc.

 

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