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Habitat - Collectivités, organismes HLM : adoptez un chercheur !

Le réseau des acteurs de l'habitat en est convaincu : un chercheur dans une équipe opérationnelle de collectivité ou d'organisme HLM, c'est l'occasion de "sortir le nez du guidon" pour se poser les bonnes questions et éclaircir la décision publique. De multiples dispositifs existent, pour un jour, un mois ou des années de collaboration.

Le monde de la recherche et celui des acteurs de l'habitat poursuivent leur rapprochement. Il y a un an, le réseau des acteurs de l'habitat avait lancé le mouvement avec le réseau français Recherche Habitat-Logement (Rehal), lors d'une journée intitulée "Quoi de neuf chercheurs ? Un nouvel espace d'échanges entre chercheurs et acteurs de l'habitat". Cette année, la question posée le jeudi 10 juillet était plus sobre mais aussi davantage tournée vers l'avenir : "2014-2020 : quelles coopérations acteurs de l'habitat-chercheurs ?"
Un avenir nécessairement commun. "Les collectivités sont intéressées pour accueillir dans leurs équipes de jeunes chercheurs", assure Claire Delpech, responsable des politiques territoriales de l'habitat à l'AdCF. S'exprimant au nom de toutes les associations d'élus membres du réseau des acteurs de l'habitat (*), elle rappelle que dans un contexte où les collectivités "ont moins de moyens, plus de compétences" et où "les solutions viendront des territoires", celles-ci sont en attente d'innovation et d'expérimentation.
Un chercheur permet aussi de "sortir le nez du guidon". Claire Delpech le dit autrement : "Les collectivités sont dans un univers en mouvement permanent. Prendre le temps de se poser les bonnes questions permet de construire les politiques publiques, les éclairer, et leur donner du sens."

Le monde HLM "prêt à accueillir les chercheurs"

A l'Union sociale pour l'habitat, son délégué général, Frédéric Paul, est tout aussi enthousiaste. "Le monde HLM est un monde complexe", reconnaît-il, évoquant la multiplicité des acteurs et des disciplines concernées ("sociologie, économie, sciences politiques, sciences de l'ingénieur…"). Un monde aujourd'hui "confronté à une situation de précarité qui nous oblige à élaborer des réponses", ajoute-t-il.
Mais aussi "un monde ouvert, prêt à accueillir les chercheurs", a-t-il déclaré, en rappelant l'organisation, pour la première fois cette année, du prix de la thèse sur l'habitat social, en partenariat avec la Caisse des Dépôts. Vingt et un travaux de recherche sont actuellement entre les mains du jury pour une remise du prix à l'occasion du prochain congrès de l'USH, les 23, 24 et 25 septembre à Lyon. 
Dans sa bourse d'emploi en ligne, l'USH a créé une rubrique spécifique "Accueil de doctorants" donnant le mode d'emploi aux organismes HLM et quelques exemples. Ainsi Vincent Marquant, qui a pris ses fonctions de salarié-doctorant au sein de la direction des ressources humaines de l’OPH 93 depuis mars 2014, et mène, en parrallèle de son poste de chargé de mission qualité, une thèse sur "Les sentiments identitaires dans le cadre d’une démarche qualité : entre projet de professionnalisation et transformation des travailleurs dans le secteur du logement social". Ghislain Laurent recherche quant à lui un employeur "Cifre" (conventions industrielles de formation par la recherche) pour réaliser son projet de thèse "Quand le logement social devient un objet de conflits géopolitiques locaux : les conséquences de l’article 55 de la loi SRU en Ile-de-France".
Saisir les opportunités du maillage territorial des universités : c'est un conseil également donné par Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS et animatrice du Rehal. Pour elle, il serait dommage de se priver de l' "expertise territoriale" de ces chercheurs. Et les dispositifs de coopération sont à géographie variable.

De multiples dispositifs de collaboration

La bourse Cifre permet de financer une thèse durant 3 ans. Il s'agit d’un cofinancement, pour moitié assuré par l’Agence nationale de la recherche et de la technologie (ANRT), pour moitié par l'employeur (statut public, privé ou associatif) du doctorant. Le sujet est défini conjointement par l'employeur et le laboratoire de recherche du doctorant et doit répondre aux attentes des deux partenaires. Le doctorant répartit son temps de travail entre les deux partenaires.
Mais les coopérations peuvent prendre d’autres formes plus souples : expertises, conseils, participation à des séminaires de travail, à des actions de formation, à des manifestations… Elles peuvent faire l'objet de convention avec un laboratoire de recherche, mais aussi s’établir "de gré à gré" avec un chercheur mobilisé.
Le Rehal conseille de ne pas non plus négliger les stages des étudiants en master 1 ou 2 (soit bac+4 et bac+5) sur le logement et l’habitat. Ces stages obligatoires, de 3 à 6 mois en général, permettent de confier à un étudiant un "travail d’étude, d’analyse, d’enquête" dans le cadre d’une convention signée entre l’université et l’organisme qui accueille le stagiaire et l'indemnise (au moins un tiers du salaire minimum). Le stagiaire est suivi par un enseignant‐chercheur et par le maître de stage désigné par l’organisme.
Autre formule : les "ateliers" inclus dans les masters d'aménagement et d'urbanisme. Ce sont des travaux de terrain mobilisant tout ou partie d’une promotion d’étudiants pour des durées variables (quelques semaines à plusieurs mois) et placés sous la responsabilité d’un enseignant‐chercheur. Ils s’appuient sur des commandes formulées plutôt par des acteurs publics dont le représentant accepte de participer au suivi pédagogique du travail, dans le cadre de conventions qui intègrent un financement (a minima pour couvrir l’ensemble des frais engagés pour réaliser le travail).

Une thèse sur les aides à la personne ? 

Signalons encore plusieurs associations qui, dans les ateliers organisés toute la journée du 10 juillet, ont ouvert leur réseau à la recherche. Ainsi la Confédération nationale du logement (CNL) s'est dite prête à mettre à disposition de chercheurs ses 4.600 amicales locales. L'objet de recherche qui lui tient à cœur : comment pourrait-on revenir à un système d'aides publiques fondées sur les aides à la pierre ?
Quelques minutes auparavant, l'économiste Corentin Trevien (Insee), avait présenté les résultats de travaux sur l'impact des aides au logement sur le secteur locatif privé, avec ce chiffre choc : "78% des aides versées aux ménages locataires à faible revenu sont in fine captés par les propriétaires des logements". Son confrère Pierre Madec (Observatoire français des conjonctures économiques, Centre de recherche en économie de Sciences-Po) confirme cet "effet inflationniste" des aides à la personne, soulignant que "l'encadrement des loyers pourrait être une solution" tout en rappelant que le dispositif prévu par la loi Alur sur le sujet "a l'air mort-né". Guillaume Chapelle, doctorant en économie (LIEPP, Sciences-Po Paris), avait auparavant évoqué des travaux de chercheurs sur le thème du contrôle des loyers, qui auraient tenté de prouver que le contrôle des loyers entrainait une réduction de l'offre de logements et une réduction de leur qualité. Tenter seulement... car selon Guillaume Chapelle, il n'y aurait pas de "causalité précisément établie" entre contrôle des loyers et baisse de l'offre et de la qualité. Le chantier est donc toujours ouvert.
"Mais pourquoi toujours chercher les effets pervers des politiques publiques !", s'est agacé un haut fonctionnaire à la retraite, prouvant que la vieille querelle entre celui qui "sait" (mais ne décide de rien) et celui qui "fait" (mais sans corpus scientifique) a la vie dure. Marie-Christine Jaillet en est toutefois persuadée : l’avenir est aux "interactions" entre les chercheurs et les praticiens. Le prouver par l’exemple, c’est tout l’enjeu de la collaboration entre le Rehal et le réseau des acteurs de l'habitat..

Valérie Liquet

(*) Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes), Territoires urbains (ex-Association des maires des grandes villes de France), Association des maires de France, Ville & Banlieue, Fédération nationale des agences d'urbanisme, Assemblée des communautés de France, Association des communautés urbaines de France, Assemblée des départements de France.

Quelques recherches françaises en cours dans le domaine de l'habitat

Parmi les 140 travaux de recherche recueillis et soutenus par le réseau français Recherche Habitat-Logement (Rehal), signalons :

"L'accroissement normatif a-t-il conduit à exclure les plus modestes des logements les plus récents ?", une thèse en Cifre à la direction territoriale Nord-Picardie du Cerema.
"Conception et préfiguration d'un service public pour l'efficacité énergétique (SPEE)", une recherche soutenue par l'Ademe et la région Nord-Pas-de-Calais, avec pour terrains Lille Métropole et la communauté d'agglomération de Saint-Omer.
"Habitat intermédiaire des séniors et son environnement proche", une recherche financée par la région des Pays de la Loire.
"Les classes moyennes et le choix résidentiel périurbain", une recherche financée par la région Rhône-Alpes et le Parc naturel régional du Vercors.
"La gestion durable de l'habitat agricole périurbain", recherche-action menée en partenariat avec le Pays Cœur d'Hérault (77 communes), sur financement Leader.
"Evaluation territoriale des politiques d'anticipation foncière : bilan et perspective de l'action de l'EPF Paca", une thèse en Cifre avec l'établissement public foncier de Paca.
"L'usage des politiques foncières comme outil de contrôle du développement de logements neufs", une thèse dont le terrain est la communauté urbaine du Grand Lyon.
"Résistance et résilience de la ville ordinaire", une recherche financée par le Puca.
"Evaluation du coût économique et social du mal-logement", une recherche financée par l'Onpes et le Puca.
"Le projet des habitants : la rénovation urbaine des banlieues françaises, entre appropriation et démolition", une thèse dont le terrain est la ville des Mureaux (78).
"Les enjeux de la prise en compte de la "tranquillité sociale" dans les politiques de rénovation urbaine", une thèse menée au sein du service Grand Projet de Ville de la mairie de Toulouse.
"Les classes populaires à l'épreuve de la rénovation urbaine, une sociologie du changement dans les cités HLM", une thèse réalisée à partir d'une monographie dans le grand ensemble des Minguettes à Venissieux.
"La démolition d'un grand ensemble en copropriété : une réponse urbaine à un problème de gestion ?", une thèse qui a pour terrain la copropriété des Bosquets à Montfermeil (93).

Et plus encore en ligne, dans le panorama des recherches en cours dans le domaine de l'habitat, composé d'autant de fiches qu'il y a de recherches, chaque fiche comprenant la présentation du sujet, les contacts, les dispositifs de collaboration et de financement.

VL
 

 

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