Les maires démunis face à l’essor des distributeurs de pizzas et des boîtes à colis

Pour réguler "l'expansion fulgurante" des consignes de colis et autres distributeurs de denrées alimentaires, une députée propose de les soumettre à autorisation d'urbanisme.

Ce jeudi 4 décembre, Bastien Coriton, maire de Rives-en-Seine, une commune de 4.000 habitants en Seine-Maritime, peut se réjouir : la consigne de colis qui avait été installée sur le parking d’un bailleur social, sans en informer la mairie, va être retirée. Une affaire résolue à l’amiable mais qui illustre bien les difficultés que rencontrent les élus face à l'essor que prennent ces consignes, aussi appelées "lockers", de même que les distributeurs alimentaires (pizzas, pain, plats préparés, etc.). "Le bailleur avait conventionné avec Mondial Relay et avait omis d’en parler à la mairie", s’offusque l’élu, qui explique l’astuce utilisée par les enseignes de dépôts et retraits de colis : elles passent des conventions pour des implantations temporaires de quatre mois renouvelables, ce qui évite de devoir faire une déclaration d’urbanisme.  "On ne peut pas laisser ces installations se faire sur le domaine public ou privé sans aucune déclaration d’urbanisme, ce que l’on demande pourtant pour les abris de jardin", rappelle Bastien Coriton. 

Expansion "fulgurante" des consignes

Un sujet pris au sérieux par la députée du Finistère Mélanie Thomin auteure d'une proposition de loi visant à réguler ces installations sauvages. "Dans le Finistère, un maire et son équipe municipale ont (…) pris connaissance sur les réseaux sociaux, de l’implantation d’un distributeur automatique de pizzas dans leur commune", illustre-t-elle dans l’exposé des motifs de son texte. L’exemple de la localité bretonne n’est pas sans poser de problèmes de concurrence, "vis‑à‑vis du restaurateur de la rue principale, ou vis‑à‑vis des food‑trucks stationnant dans la commune le jour du marché", souligne-t-elle. 

La députée pointe aussi "l’expansion fulgurante" des lockers, concomitante à l’explosion du commerce en ligne. Ainsi, la livraison en consigne a progressé de 9% en un an en France, même si les points relais chez les commerçants restent très prisés avec 57% d’utilisateurs, bien plus que la moyenne européenne (24% en Europe), selon le dernier baromètre du "e-shopper européen" de Geopost, la filiale de La Poste spécialisée dans la livraison de colis. L’enseigne revendique 140.000 points de retraits et dépôts de colis à travers l’Europe : 100.000 relais commerçants et 40.000 consignes. 

Les points relais, un revenu complémentaire pour les commerçants

Par rapport à la livraison à domicile, les points relais sont appréciés pour leur côté pratique : inutile d’attendre la livraison chez soi sur des plages horaires souvent très vastes. Mais ils ont aussi un atout économique : les points relais permettent de "mutualiser les livraisons" et de "réduire ainsi les coûts de distribution", souligne Mélanie Thomin pour qui ces points relais ont d’autres avantages : hébergés chez des commerçants de proximité (buralistes, fleuristes, libraires, épiciers, etc.), ils leur assurent un supplément de revenus non négligeables, de l’ordre de "plusieurs centaines d’euros" par mois, sans compter le flux de clients qui peuvent être tentés par d’autres achats en magasin. Dès lors, ils contribuent "à la vitalité des centres‑bourgs". Un argument auquel est sensible le maire de Rives-en-Seine. "Ces revenus représentent plus de la moitié du loyer chez certains commerçants", explique Bastien Coriton qui fait valoir qu’un Carrefour Market, situé juste à côté du locker qui était envisagé, fait déjà office de point relais.

A l’instar de Mondial Relay, de nombreux opérateurs de livraison (Chronopost, Amazon, Vinted Go…) se tournent vers les lockers. Ainsi, le parc géré par Mondial Relay est passé de 300 à 9.000 consignes entre 2021 et aujourd’hui. Mondial Relay qui, en 2025, a supprimé 3.500 points relais chez des commerçants ! "Récemment, de nombreux commerçants, partenaires historiques du réseau (…) ont vu leurs contrats de dépositaires résiliés unilatéralement", s'insurge Mélanie Thomin. Geopost, avec sa marque PickUp, vise 9.000 consignes d’ici fin 2026. Mais elle propose désormais des consignes avec compartiments réfrigérés. De quoi permettre de récupérer des produits frais en "click & collect". Une quinzaine de ces consignes "Fresh" devraient voir le jour en 2026. "Les commerçants accueillant dans leur établissement une consigne multi-services Fresh bénéficient quant à eux d’un trafic accru. Pour les collectivités cette solution participe au dynamisme de l’économie locale, favorise les circuits courts et répond aux nouvelles attentes des citoyens", assure le groupe.

Autorisation d'urbanisme

Ces installations se développent majoritairement sur des espaces privés, comme les parkings de supermarché, dans les gares, les stations‑service, les centres commerciaux ou encore dans les laveries automatiques… Si elles "répondent à des exigences de praticité et d’accessibilité permanente aux services, leur croissance exponentielle soulève d’importants enjeux économiques, urbanistiques et d’aménagement du territoire", soutient Mélanie Thomin qui est également présidente de l’ANPP. 

La députée propose de soumettre toute implantation d’un dispositif automatique de retrait ou de dépôt de colis à une autorisation d’urbanisme, "dès lors que ce dispositif s’installe sur le domaine public ou privé". Pour les installations sur le domaine public, l’autorisation serait "complétée d’une autorisation d’occupation du domaine public et donnera lieu au paiement d’une redevance, conformément à la loi". La députée veut aussi donner la possibilité aux communes de mettre en place une taxe d’un euro sur les colis retirés ou déposés en consigne. Due par l’opérateur de la consigne, la taxe serait collectée par la commune et intégralement affectée au budget communal. Elle pourrait ainsi constituer "une ressource nouvelle pour renforcer et promouvoir la dynamique de son offre de commerces de proximité".

 

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