Congrès de Régions de France – Mobilités : une ode aux régions

La table ronde consacrée aux "enjeux des mobilités" tenue ce 6 novembre dans le cadre du 21econgrès des régions a constitué une nouvelle occasion de tresser des couronnes à l'action de ces dernières (par ailleurs parées de toutes les vertus, ou presque), singulièrement en matière ferroviaire. Mais si le train constitue la "colonne vertébrale des mobilités", reste, à l'heure de la multimodalité, à ne pas oublier muscles et organes.

"Le ferroviaire, c'est la colonne vertébrale de toutes les mobilités." Dans un plaidoyer pro domo, Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, a sans surprise vanté les mérites du train lors de la table ronde consacrée aux "enjeux des mobilités" organisée, ce 6 novembre, dans le cadre du 21e congrès de Régions de France. Le dirigeant y a également chanté les louanges des régions dans le renouveau de ce dernier, chiffres à l'appui : "Elles [y] ont mis beaucoup d'argent. Elles ont acheté ces dix dernières années 1.200 trains neufs. Elles ont mis 12 milliards d'euros sur la table." Et d'observer que "si les régions n'avaient pas investi en avance de phase – et je les salue sincèrement parce qu'elles ont été beaucoup critiquées […] –, qui aurait été capable de faire cela ?"

Pas mieux avant

De mauvaises langues pourraient objecter que l'opérateur historique a désormais tout intérêt à flatter des régions avec lesquelles il doit plus que jamais composer. "Avec l'ouverture à concurrence, on passe d'opérateur subi à opérateur choisi. Ça change complètement la donne. Aujourd'hui, ce sont les autorités organisatrices qui décident de tout. Avant, on avait l'habitude de dire que c'est la SNCF qui décidait de tout. C'est fini ce temps-là", admet Christophe Fanichet. Mais ce serait sans doute lui faire un mauvais procès, lui qui n'hésite pas à qualifier par ailleurs l'ouverture à la concurrence "d'étape fondamentale parce qu'elle remet au centre l'usager". Ou qui relève encore que si "le mode ferroviaire est le mode le moins carboné, il y a encore du boulot" notamment "pour "décarboner le mode diesel".

Cercle vertueux

Une chose est sûre : comme l'a pointé l'Autorité de régulation des transports (lire notre article du 19 décembre), la fréquentation des TER est fortement à la hausse, et les régions y sont tout sauf étrangères. Une autre ne semble plus guère contestée : les vertus de la concurrence dans ce secteur, une nouvelle fois quasi unanimement louées. "Quel que soit l'opérateur qui a été choisi, on a réussi à augmenter significativement l'offre au même prix, voire à un prix inférieur […]. Des économies pour les collectivités, de l'offre en plus, c'est tout bénéf.", s'enflamme ainsi Hiba Farès, présidente du Directoire de RATP Dev. Elle ajoute que ce "choc d'offre fait que la fréquentation augmente, et quand la fréquentation augmente, ça fait des recettes directes additionnelles, mais ça fait aussi des recettes indirectes, parce que l'on paie des péages et que ces péages financent les infrastructures". Lesquelles permettent à leur tour d'améliorer la qualité de l'offre... "Grâce à la concurrence, on a redonné vie à des lignes de desserte fine du territoire", souligne de son côté le président de la région Grand Est, Franck Leroy, en mentionnant la prochaine réouverture de la ligne Nancy-Contrexéville confiée à Transdev (lire notre article du 24 mai 2024).

Bricolage

Seul François Bonneau, président de la région Centre–Val de Loire – qui freine toujours des quatre fers en la matière – est resté muet sur le sujet. L'Orléanais se fait en revanche plus disert sur le manque de ressources dont souffrent les régions, singulièrement pour "rattraper des décennies de retard" en matière d'investissements dans les infrastructures et les matériels ferroviaires. "Pour le moment, je considère qu'on bricole, parce que dans les contrats de plan [État-régions], on essaye avec l'État et les collectivités de trouver des moyens, on avance, mais pas à la mesure des enjeux. Il faut que nous ayons une vision des recettes qui soit stabilisée et durable", plaide-t-il.

Stabilité

C'est, on le sait, l'objectif recherché par le ministre Philippe Tabarot avec sa "grande loi-cadre pour les transports" issue de la conférence Ambition France Transports – dont Franck Leroy salue au passage les mérites et le caractère "presque historique" –, avec notamment pour ambition "de graver dans le marbre de la loi" le principe selon lequel "l'argent qui est prélevé sur les transports puisse revenir aux transports". Ou, comme le théorise le président du Gart, Louis Nègre, "faire en sorte que la mobilité paie la mobilité". Un texte que le ministre espère pouvoir présenter début 2026 "si la politique politicienne lui en donne la possibilité". Et de souligner au passage le rôle "plus que jamais indispensable des régions parce que la stabilité politique [qu'elles apportent] en ce moment, dans le contexte politique national qui est le nôtre, est particulièrement enviable". Une qualité également mise en valeur par Hiba Farès : "Les régions sont des partenaires qui sont vraiment sur le temps long, des partenaires de confiance, fiables." 

Souplesse

Autant de qualités que, paradoxalement, l'on ne semble plus guère prêter à un État accusé de ne pas tenir ses engagements, comme avec le plan vélo (lire notre article du 5 novembre) ou avec lesdits contrats de plan État-régions, récemment qualifiés de "fictions financières" par Dominique Bussereau (lire notre article du 22 octobre). Un État qui gagnerait en outre à lâcher du lest, à écouter Franck Leroy, qui prend l'exemple de l'éco-contribution poids lourds que sa région va mettre en place à compter de 2027, ce que "l'État n'est pas capable de faire". Et l'élu d'expliquer : "Dans nos régions, on a une souplesse d'adaptation et une connaissance du tissu économique qui [nous permettent] de faire passer des réformes que l'État ne serait pas en capacité de faire passer, tout simplement parce que le même problème à l'échelle de l'État, c'est à la puissance 10 […]. Les blocages corporatistes existent beaucoup moins dans nos régions". Il l'assure, cette éco-contribution devrait permettre à sa région de "faire sur dix ans 1 milliard de travaux" sur les infrastructures routières concernées.

Complémentarité

Car il n'y a pas que le rail dans la vie. "Le rail reste essentiel, mais il faut vraiment travailler le premier et le dernier kilomètre", rappelle Hiba Farès, en évoquant la nécessaire "complémentarité avec des dessertes par bus, des cars à haute fréquence, etc". "La 2e partie du XIXe siècle, c'est l'avènement du rail. La deuxième partie du XXe siècle, c'est celui de la voiture exclusivement. Il faut rompre avec la pensée unique. Le XXIe siècle doit être celui de la multimodalité", défend à son tour François Bonneau, en précisant que cette dernière "part de la capillarité" – entendre les "petites lignes" ferroviaires – pour "se coordonner avec les cars" et aller jusqu'aux "voitures électriques en autopartage", qui "font partie de l'aménagement rural". Une multimodalité que devrait favoriser le numérique, "avec des offres qui vont combiner un peu de voiture, du parc relais, du car, du train, du métro", estime Thierry Mallet, président de Transdev, tout en appelant à la vigilance "parce que tout le monde n'a pas l'agilité numérique nécessaire". Une multimodalité à laquelle les régions doivent particulièrement veiller, insiste-t-il, parce que ces dernières sont "en première ligne" pour répondre aux "15 millions de Français en précarité mobilité" qui vivent "en dehors des métropoles, en périphérie où très souvent il n'y a pas de service". Et celui qui est aussi président de l'UTPF d'inviter les régions à faire de "l'enjeu de la cohésion sociale la première priorité du transport, devant la transition énergétique", laquelle "viendra naturellement".

Une multimodalité qui devrait apporter les futurs services express régionaux métropolitains (Serm), qualifiés de "formidables accélérateurs de cette cohésion" par Philippe Tabarot. Lequel a rappelé s'être engagé, lors de la conférence Ambition France Transports, à ce que l'État prenne en charge 100% des coûts "de tout ce qui touche à leur préfiguration pour enclencher la machine, à travers la Société des grands projets". Pour le reste, les régions devront encore patienter au moins jusqu'en janvier. Au mieux.

› Les "projets structurants", une nécessité… à financer

Les projets de services express régionaux métropolitains (Serm) seraient-ils emblématiques de ce que peut être un projet structurant pour tout un territoire ? Telle est en tout cas la vision que Jean-François Monteils, le président du directoire de la Société des Grands Projets (ex- Société du Grand Paris) a portée lors d'une autre table-ronde du congrès de Régions de France. Ils le seraient à plusieurs titres. Parce que les 27 projets de Serm témoignent d'une grande "vitalité" des acteurs régionaux et locaux et parviennent à "fédérer" les collectivités autour d'eux. Mais aussi parce qu'ils sont évidemment "lourds, coûteux", exigeant à la fois une vision de long terme et des moyens à la hauteur – "ce sont des projets non finançables en financements budgétaires" et font donc nécessairement appel à l'emprunt "sur du temps long". Enfin, voire surtout, parce que ces projets, qui donneront à terme naissance à de nouveaux "pôles d'échanges multimodaux", vont être des "vecteurs de développement". Ils vont, assure Jean-François Monteils, "améliorer la vie des gens", œuvrer à la transition écologique du territoire, doper la vie économique, générer la production de logements…

Les infrastructures de transport, ainsi que les matériels roulants. C'est précisément le premier domaine cité par Antoine de Saintoyant, le directeur de la Banque des Territoires, au titre des financements apportés aux régions par la Caisse des Dépôts, évoquant lors de cette même table-ronde "une très grande convergence entre les projets portés par les régions et les priorités de la Banque des Territoires". Autre domaine mis en avant : la réindustrialisation. De "très grands projets". Y compris, a-t-il précisé, sur l'énergie nucléaire. Et Antoine de Saintoyant de rappeler, plus globalement, les "trois sujets prioritaires" sur lesquels la Banque des Territoires souhaite "accélérer avec les collectivités locales" : le logement (y compris le logement étudiant), la santé et le grand âge, et "la souveraineté, y compris numérique". Selon lui "l'investissement local reste très dynamique" et il est d'ailleurs "indispensable qu'il le reste, car c'est grâce à cela que les engagements en matière de transition écologique pourront être tenus". Et ce, même si "la situation des finances publiques est tendue". Alors, en plus des "financements en dette, avec une dette de long terme et bonifiée", le directeur invite les collectivités à ne pas exclure de "nouveaux modèles de financements", dont celui de l'économie mixte.

"On aimerait évidemment avoir beaucoup plus d'argent pour la décarbonation. On est en permanence en train d'aller chercher de l'argent, dont des financements européens", a témoigné Christophe Madrolle, conseiller régional de la Région Sud, évoquant aussi "le besoin de visibilité pour se projeter et consolider des budgets à long terme". D'autant plus que les régions jouent bien aujourd'hui selon lui un rôle de "pôle de stabilité", et notamment de "support pour les politiques environnementales et économiques". En revanche, prévient l'élu, "les régions ne peuvent pas être les tiroirs-caisses des collectivités infrarégionales", du moins lorsque cela n'entre pas dans le cadre d'un projet concerté.

Pour Antoine Saintoyant, il faut en tout cas "créer un consensus sur la nécessité de ces projets structurants", "miser sur un endettement soutenable"… et, sans doute aussi, a-t-il ajouté, "créer des conditions d'autorisations administratives qui permettent d'aller vite".

Claire Mallet

Localtis reviendra dans sa prochaine édition sur d'autres séquences du congrès de Régions de France, sur sa clôture par Carole Delga et Françoise Gatel et sur les échanges ayant eu lieu - à huis clos - entre les présidents de région et Sébastien Lecornu.

 

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