RNTP 2025 : la sûreté dans les transports publics, encore et toujours

Actualité aidant, la question de la sûreté dans les transports a constitué l'un des fils rouges de la première journée des rencontres nationales du transport public (RNTP), qui se tiennent du 4 au 6 novembre à Orléans. Le mal semble profond, comme en témoignent les chiffres relatifs aux agressions des agents mis en avant par le nouveau président de la SNCF, Jean Castex. Lequel, comme le ministre des Transports, Philippe Tabarot, n'a pas manqué de déplorer l'absence de publication des décrets d'application de la loi "Sûreté ferroviaire" six mois après sa publication, et plaide, comme le Gart, pour remettre l'ouvrage sur le métier.

"Ras-le-bol" de l’insécurité dans les transports ! Avec sa verve habituelle — promettant "le gnouf" aux auteurs des violences —, le maire d’Orléans, Serge Grouard, a d’emblée contribué à faire du sujet de la sûreté un des fils rouges des rencontres nationales des transports publics (RNTP) qui se tiennent, du 4 au 6 novembre, dans la ville johannique. En présence du ministre des Transports, Philippe Tabarot, il ne prenait guère le risque d’être contredit. 

Violence

"Les questions de financement sont importantes, mais elles ne doivent pas être l’alpha et l’oméga des grands défis des transports aujourd’hui (…). Je pense à la question de la sûreté. La dramatique agression sexuelle qui a eu lieu dans le RER C il y a quelques jours, l’attaque dans les chemins de fer britanniques qui s’est produite samedi soir nous le rappellent avec une grande violence : il y a encore du chemin à parcourir pour garantir la sûreté de tous ceux — et surtout de toutes celles — qui empruntent nos transports en commun", déclarait à son tour Philippe Tabarot dans son discours. Mais l’ancien sénateur de souligner qu’il "n’a pas attendu d’être le ministre des Transports pour faire de ce sujet une priorité de [s]on action". "Je n’ai pas attendu les faits divers qui se sont passés ces derniers jours, si graves soient-ils, pour me battre depuis quelques années pour mettre ce sujet à l’ordre du jour du Parlement", insiste-t-il, en rappelant son rôle dans l’adoption de la loi "Sûreté ferroviaire" (lire notre article du 29 avril), une loi "Savary II" dont il n'est pas peu fier (Philippe Tabarot saluant au passage l'action de l'ancien député socialiste), même s'il regrette "qu'elle n'ait pas été votée de manière unanime".

Bureaucratie

Une loi dont "on peut regretter qu’aucun des décrets d’application n’ait encore été pris", déplore le nouveau président de la SNCF, Jean Castex, lors du lancement, le même jour, de la campagne nationale de lutte contre les incivilités envers les agents des transports publics organisée par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF). "Je n’arrive toujours pas à avoir (ces textes)", s'est une nouvelle fois lamenté (lire notre article du 27 octobre) Philippe Tabarot, dénonçant devant l’auditoire "le problème de la bureaucratie dans notre pays, auquel vous êtes confrontés en permanence". Dans le viseur, le délai pris par la Cnil pour se prononcer sur les projets de décrets. Or "le ministre ne peut pas saisir le Conseil d’État tant que l’avis de la Cnil n’a pas été formellement rendu", détaille Florence Sautejeau, déléguée générale de l’UTPF, en soulignant que ces deux examens étaient par le passé conduits parallèlement. Le décret relatif au port de caméras par les agents assermentés des exploitants de service de transport est "en vue", promet Jean Castex. "On s'attendait à ce que ce que soit plus rapide", confie Florence Sautejeau, puisque le dispositif, déjà expérimenté (non sans mal – lire notre article du 27 septembre 2024), "était connu et déjà validé". "Chez nous, les caméras dorment depuis un an et demi dans les cartons", grince Romain Roy, vice-président de la métropole d'Orléans. Pour le décret relatif au port de caméras par les conducteurs, il faudra en revanche encore s'armer de patience, "l'étape Cnil n'étant pas encore atteinte", dévoile l'ancien Premier ministre. "On fait pression au quotidien", assure pourtant Florence Sautejeau, en soulignant que la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM) est, elle aussi, "très moteur".

Agents en première ligne…

"On ne peut plus attendre un examen de cinq mois de la Cnil tout simplement pour reconduire un dispositif qui existait précédemment alors qu'il y a des personnes qui se retrouvent en situation d'insécurité au quotidien", s'emporte le ministre. "En première ligne", comme le souligne Romain Roy, les agents. En témoignent les données divulguées par Thierry Mallet, président de l'UTPF : "55% des arrêts de travail [du secteur] sont liés à des conséquences psychologiques causées par des agressions." Des arrêts qui se traduisent par "84 jours d'incapacité totale de travail (ITT) en moyenne". Un phénomène qui semble malheureusement en pleine explosion, comme le souligne Jean Castex : "À la RATP, on est passé en trois ans de un à deux incidents par semaine à 1 par jour […]. À la SNCF, le nombre d'arrêts maladie dus à des agressions ou à des outrages graves a augmenté de 43% en très peu de temps." 

… comme les usagers

Bien évidemment également touchés, les usagers, au risque que ces derniers ne délaissent des transports publics que l'on entend par ailleurs développer. Et Thierry Mallet de rappeler que le critère déterminant, pour eux, "ce n'est pas le prix" mais "la qualité et la sûreté" des transports. "L'insécurité est le sujet de préoccupation majeur de nos concitoyens", assure de même Sylvain Laval, coprésident de la commission mobilités de l'Association des maires de France et membre du Gart. Aussi, pour Jean Castex, si la loi Tabarot constitue une avancée, "il faudra y revenir", évoquant au passage les coupes opérées par le Conseil constitutionnel (lire notre article du 25 avril). Un avis partagé par le Gart, qui a déjà porté l'ouvrage sur le métier. L'association préconise notamment, par la voix de Sylvain Laval, de "faciliter la possibilité pour les polices municipales d’intervenir dans les transports publics au nom du continuum de sécurité", de "simplifier les procédures pour contractualiser avec des réservistes de la gendarmerie et de la police" afin de renforcer la présence humaine, "d’autoriser l’usage des algorithmes de facilitation d’alerte à l’opérateur de gestion des écrans de vidéoprotection" ou encore de "faciliter la création de services d’intervention et de surveillance".  Le Gart entend par ailleurs creuser davantage la question des violences à caractère sexuelle et sexiste, avec "l'arrivée d'une doctorante" spécialiste du sujet.

Ségrégation

"Il faut perturber les perturbateurs", plaide pour sa part Romain Roy. On ignore si Philippe Tabarot souscrit à la proposition. En revanche, une chose est sûre : il ne signera pas la pétition lancée le 24 octobre dernier par une usagère afin d'appeler Île-de-France Mobilités à instaurer "des wagons réservés aux femmes et aux enfants dans les trains des zones peu sûres", à la suite de la tentative de viol dans le RER C précédemment évoquée. "Une ségrégation qui ne serait pas à l'honneur de notre pays", juge Philippe Tabarot. Un terme réprouvé par la pétitionnaire, qui a depuis "mis en pause" son action (laquelle a déjà reçu le soutien de plus de 25.000 signataires) : "C'est un cri d'appel à l'aide, pas une solution. Nous ne voulons pas être séparées – nous voulons être protégées", précise-t-elle.

 

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