Philippe Tabarot vante un budget des transports "qui résiste"
Auditionné ce 24 octobre à l'Assemblée nationale, Philippe Tabarot a mis en avant le fait que le budget du ministère des Transports était "l'un des rares qui résistent" dans le contexte budgétaire que l'on sait. Non sans dissimuler pour autant les difficultés du secteur, en particulier celles rencontrées par l'aéronautique et le transport routier. Pas de scoop en revanche sur le projet de loi-cadre devant mettre en musique la conférence Ambition France Transports, si ce n'est que le dépôt du texte ne devrait finalement pas avoir lieu avant 2026. Au mieux.
© Capture vidéo Assemblée nationale/ Audition de Philippe Tabarot
C'est un ministre des Transports particulièrement bavard, tant dans son propos liminaire que dans ses réponses aux députés, qui s'est présenté, ce 24 octobre, devant les membres de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Philippe Tabarot n'aura toutefois pas fait de grande révélation à cette occasion, si ce n'est peut-être la confirmation que le gouvernement ne souhaitait pas le doublement du tunnel du Mont-Blanc réclamé par les Italiens, "qui remettent systématiquement la question dans le débat".
Dépôt du projet de loi-cadre espéré début 2026
Sur le sujet qui est dans toutes les têtes – la suite de la conférence Ambition France Transports –, Philippe Tabarot confirme (lire notre article du 9 juillet) qu'elle prendra la forme "d'abord d'une loi cadre, qui va devenir ensuite une loi de programmation, avec l'idée de pouvoir enchaîner les deux". Un léger décalage de calendrier est déjà envisagé. Initialement prévu pour décembre, le premier texte, "confirmé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale" (lire notre article), "sera déposé, je le souhaite, au Parlement au début 2026 […], en parallèle du texte sur la décentralisation annoncé par le Premier ministre" (lire notre article), précise le ministre. Mais sur le fond, rien qui ne soit déjà connu des lecteurs de Localtis.
Un budget 2026 "qui résiste"
Philippe Tabarot aura consacré l'essentiel de son intervention liminaire à la présentation du budget de son ministère pour 2026, en soulignant que "les transports figurent parmi les rares budgets qui résistent […] dans un contexte budgétaire de grande responsabilité". Il y voit – avec, à tort*, le fait que son ministère soit "un ministère de plein exercice pour la première fois depuis 1988" –, "la priorité accordée à ce secteur par le gouvernement". Le ministre vante ainsi "des crédits de paiement qui progressent de 210 millions d'euros pour atteindre 4,64 milliards", hausse principalement portée "par une augmentation de 155 millions d'euros pour l'action 41 dite ferroviaire liée à l'indexation des redevances d'accès versées à SNCF Réseau, par une hausse de 27 millions d'euros pour l'action 52 qui concerne le transport aérien [pour l'essentiel, des infrastructures aéroportuaires outre-mer] et par une augmentation de 19 millions d'euros pour l'action 44, Transports collectifs, qui correspond au renforcement du soutien de l'État pour l'exploitation des trains d'équilibre des territoires". Le tout étant toutefois jugé insuffisant – "Ce n'est pas une relance, c'est un recul, même si le transport ferroviaire échappe quelque peu à ces coupes" – par le député Bérenger Cernon (parmi d'autres), lequel, avec Olga Givernet, vient de remettre un rapport sur le rôle du transport ferroviaire dans le désenclavement des territoires (voir l'encadré ci-dessous).
Des autorisations d'engagement qui progressent
"Plus significativement encore, les autorisations d'engagement progressent, passant de 4,8 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2025 à 5,9 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2026", loue encore pour sa part Philippe Tabarot. Une "hausse qui s'explique principalement par le lancement d'appels d'offres pour le renouvellement du matériel roulant des trains de nuit", précise le ministre, en ajoutant que le gouvernement activera "probablement dans le courant de l'année prochaine également la tranche optionnelle". Non sans regretter que "l'offre au niveau du matériel [ne soit] pas à la hauteur de l'appétence pour le train de nuit". Mais même s'il concède que "le modèle économique n'est pas encore au rendez-vous", il affirme que le gouvernement "va continuer à soutenir" le secteur (exception faite du Paris-Berlin, en raison notamment de l'absence de soutien public côté allemand ou des travaux réalisés sur la ligne par Berlin).
Philippe Tabarot met également en exergue un budget global consacré au fret qui "reste stable à 380 millions d'euros". "Concernant le fret ferroviaire, ça a été une bataille, je peux vous l'assurer, de conserver un engagement aussi fort pour ce secteur", déclare-t-il. Il souligne encore "une progression des crédits de paiement" de l'Afit France, qui passent de 3,7 à 3,8 milliards d'euros", en pointant la "poursuite de la dynamique de l'investissement ferroviaire", notamment pour la rénovation des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont, "qui restent les deux chantiers prioritaires", ainsi que la progression de 10% "des crédits de régénération routière et fluviale". Et le ministre de rappeler qu'il continuait "à défendre cette Afit, vecteur essentiel du financement pluriannuel des transports dans notre pays", et dont l'existence a naguère été remise en cause par l'Assemblée (lire notre article du 27 mars dernier).
Fragilité du secteur aéronautique…
Philippe Tabarot déplore en revanche "que le programme 190 qui porte les crédits du Corac (conseil pour la recherche aéronautique civile) atteigne un point bas […], pas au niveau encore de l'engagement du président pris au salon du Bourget en 2023" (lire notre article du 27 juin 2023]. "Même si ce n'est pas dans mon domaine de compétences […], je me battrai donc pour que le Corac soit abondé à la hauteur de ce qui avait été prévu pour ne pas casser le contrat de confiance avec la filière aéronautique", assure le ministre.
Un secteur dont il souligne par ailleurs la fragilité, se prononçant contre toute hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) – qualifiée de "stupide" par Dominique Bussereau lors de son audition au Sénat le 22 octobre dernier (lire notre article). "Si on touche à la TSBA, le secteur ne s'en remettra pas", prévient Philippe Tabarot, en arguant de "signaux qui ne sont pas bons". D'une part, un nombre de demandes de vols dans notre pays en progression d'environ 1% "quand on a une augmentation au niveau européen de 4,5". D'autre part, "un secteur de l'aviation d'affaires en grande difficulté" ou encore "des petits aéroports de province en difficulté" (lire notre article du 30 juillet dernier).
… et du transport routier
Comme Dominique Bussereau la semaine passée – qui évoquait "un état épouvantable", avec "92% du trafic international qui transite dans notre pays assuré par des transporteurs étrangers" et même des transporteurs français qui n'assurent "plus que 43% du transport routier franco-français" –, Philippe Tabarot a souligné la situation "difficile" des entreprises de transport routier françaises, qui "ont des marges pratiquement nulles ou très réduites" et dont il craint "qu'elles n'aient pas le modèle économique suffisant pour pouvoir connaître des taxes de passages ou bien au niveau du coût des carburants".
S'agissant des seconds, le PLF prévoit pour autant une explosion de la fiscalité sur les biocarburants (+380% pour le E85 et +400% pour le B100, dénoncent les filières françaises des biocarburants agricoles). "Des mesures qui n'ont pas été particulièrement appréciées", observe le ministre. Et qui ont été rejetées par les députés en commission. Et s'agissant des premières, Philippe Tabarot concède suivre "avec beaucoup d'attention les expérimentations [d'écotaxes] qui sont menées par la communauté européenne d'Alsace et la région Grand Est", en soulignant le "courage" de ces dernières.
Loi Sûreté dans les transports : finalisation des textes d'application
Sur un autre sujet qui lui est cher, le ministre a par ailleurs indiqué que la finalisation des textes d'application de la loi Sûreté dans les transports (lire notre article du 29 avril dernier) était proche, tout en déplorant qu'elle soit "malheureusement parfois difficile à obtenir", évoquant notamment "la nécessité de refaire tous les dossiers" auprès de la Cnil "même si ce n'était que le renouvellement d'une expérience". Le décret sur le port des caméras piétons par les agents assermentés – "pour moi prioritaire" – serait pour l'heure "en cours d'examen" par le Conseil d'État.
* C'était déjà le cas de 2005 à 2007 avec le gouvernement Villepin (Dominique Perben), de 1997 à 2002 avec le gouvernement Jospin (Jean-Claude Gayssot) ou encore de 1993 à 1995 avec le gouvernement Balladur (Bernard Bosson).
Transport ferroviaire de voyageurs : un rapport parlementaire livre ses pistes pour augmenter le traficDégradation du réseau en dépit des investissements dans sa régénération et sa modernisation, ouverture à la concurrence progressive qui interroge la pérennité du modèle économique mais aussi la continuité des parcours et la billettique du fait du morcellement de l’offre, complexifiant le quotidien des usagers : le secteur ferroviaire est aujourd’hui confronté à de lourds défis sur lesquels s’est penchée une mission parlementaire qui a présenté ses conclusions ce 15 octobre. Créée le 5 février par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, la mission, présidée par Peio Dufau (Socialistes et apparentés, Pyrénées-Atlantiques), avec comme corapporteurs Béranger Cernon (LFI-NFP Essonne) et Olga Givernet (EPR-Ain), a mené 26 auditions, au cours desquelles sont intervenus quelque 80 acteurs, et travaillé dans un "esprit transpartisan", a-t-elle souligné lors d’une conférence de presse. Au final, elle a livré 44 recommandations. Avec un constat de départ : la politique du "tout TGV " a laissé de côté les besoins des territoires. Alors que le réseau ferré français est passé de 60.000 kilomètres de lignes avant la Seconde Guerre mondiale à 28.000 aujourd’hui. Le réseau des "lignes de desserte fine du territoire" est vieillissant avec un âge moyen des voies d’environ 40 ans et avec près de 4.000 kilomètres de voies considérés hors d’âge fin 2016. Il y a donc urgence à rénover et à moderniser le réseau ferroviaire, abîmé par des décennies de sous-investissement. D’autant que l’impératif de décarbonation des transports plaide en faveur du train, qui ne représente que 0,3% des émissions de gaz à effet de serre nationales. Selon l’Agence internationale de l’énergie, il constitue en France, où le mix électrique est largement décarboné, le mode de transport le moins émetteur de CO2, environ 17 fois moins que l’autocar et 100 fois moins que la voiture individuelle, rappelle le rapport. De plus, l’infrastructure ferroviaire consomme moins d’espace que la route à service équivalent. "Réduire la dépendance des territoires, notamment par un investissement massif dans les trains du quotidien, est un enjeu de cohésion et de stabilité, estime Peio Dufau, dans son avant-propos ouvrant le rapport. Un maillage ferroviaire de proximité doit permettre d’assurer un accès équitable aux services essentiels et de favoriser une transition écologique socialement acceptée et efficace". Mais face au "démantèlement du système ferroviaire", il est urgent de "remettre un pilote dans le train", selon les termes du président de la mission car "l’ouverture à la concurrence n’a été ni réfléchie, ni accompagnée et les conséquences de cette impréparation pour les usagers et acteurs du secteur commencent à peine à être mesurées (…)". "Pour une véritable stratégie ferroviaire", le rapport recommande ainsi de "faire évoluer les péages ferroviaires dans un objectif d’aménagement du territoire" en proposant, par exemple, une différenciation tarifaire plus marquée selon le potentiel socio-économique des origines-destinations ou le type de desserte (structurante, intermédiaire, de bout de ligne). Autres recommandations : mettre en œuvre une stratégie en matière de commande de matériel roulant neuf et organiser un marché régional et aller vers une billettique unifiée "pour éviter un éclatement du système ferroviaire au détriment des usagers". Pour "investir dans un réseau résilient et efficace", le rapport préconise aussi de "garantir les financements nécessaires à la rénovation du réseau et aux enjeux des transports du quotidien dans un cadre pluriannuel" et de "prioriser les trains du quotidien plutôt que les nouveaux projets de LGV". Les rapporteurs appellent ainsi à "privilégier le financement par la Caisse des Dépôts afin de garantir un pilotage national du programme d’investissements, en contrepartie d’un remboursement des sommes avancées à l’issue de la phase d’investissement afin d’éviter un emprunt consolidant de la dette". Ils préconisent également la mise à contribution du transport routier via "l’application pleine et entière de la directive ‘Eurovignette' et la mise en place d’une éco-contribution revisitée". Pour "faire du fret ferroviaire une véritable alternative à la route" alors qu’il connaît d’importantes difficultés de circulation sur le réseau ferré national, ils avancent aussi plusieurs propositions comme le développement de contributions régionales sur le transit de poids lourds, une révision du système de réservation des sillons "afin de garantir une meilleure visibilité aux opérateurs" et une meilleure prise en compte des conséquences des travaux sur la circulation des trains de fret. Ils s’opposent aussi à la circulation des "méga-camions" et veulent introduire une obligation d’étude de faisabilité afin de prévoir un embranchement ferroviaire pour tout nouvel entrepôt ou plateforme logistique. Enfin, pour répondre à la demande croissante de trains de voyageurs dans les territoires, le rapport préconise une augmentation de l’offre et du cadencement des trains, d’opérer une relance du train de nuit, de rendre le train plus accessible pour tous en abaissant le taux de TVA sur les billets de 10% à 5,5%, de réintroduire une tarification kilométrique pour la fixation du prix des billets de TGV, de maintenir les petites lignes plutôt que les liaisons par autocar et de faciliter l’accès aux gares pour les usagers et la complémentarité avec d’autres modes de transport. Sur ce dernier point, le rapport préconise que l’Etat incite les collectivités territoriales à inclure systématiquement dans leur schéma directeur des aménagements cyclables des accès sécurisés aux gares ferroviaires dans un rayon de 10 km au moins autour de celles-ci et qu’il prenne en charge le financement des stationnements sécurisés pour les vélos à proximité des gares. Anne Lenormand / Localtis |