RNTP 2025 : les transports au cœur des prochaines municipales ?
Le Gart et l'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) ont fait des élections municipales le thème des rencontres nationales des transports publics (RNTP) 2025, en espérant que ces derniers seront au cœur de la prochaine campagne électorale. Le Gart redoute toutefois que l'argument de la gratuité ne soit fortement prisé par les candidats alors que les ressources budgétaires en faveur des transports publics, mais aussi des mobilités actives, sont plus que jamais nécessaires. Loin d'être transpartisane, la question des transports reste très politique.
© F.Fortin/ Charles-Éric Lemaignen, Thierry Mallet, Louis Nègre, Thierry Pech et Blanche Leridon
La question des mobilités sera-t-elle au cœur des prochaines élections municipales ? C'est ce qu'espère ardemment Louis Nègre, président du Gart, lequel, avec l'UTPF, a fait de ce scrutin le thème principal des rencontres nationales du transport public (RNTP) qui se déroulent, du 4 au 6 novembre, à Orléans. "Véritable facteur de cohésion sociale" – un mantra répété à l'envi par les différents intervenants au congrès, dont Thierry Mallet, président de l'UTPF –, "la mobilité mérite d'être au cœur du débat", assure-t-il. Et de souligner : "Qui ne se déplace pas ?" Charles-Éric Lemaignen, président du GIE Objectif transport public et organisateur des RNTP, se fait lui plus affirmatif : "La décarbonation de nos mobilités sera au cœur des enjeux du prochain mandat". Il est conforté par Blanche Leridon, directrice éditoriale de l'Institut Montaigne, qui enseigne que le pouvoir d'achat, l'insécurité et l'environnement constituent les "trois priorités" des Français. "Trois sujets de transports", souligne-t-elle.
La "gratuité"…
Côté pouvoir d'achat, Louis Nègre, parmi d'autres, redoute singulièrement que l'argument électoralement séduisant de la gratuité des transports ne soit un thème par trop prisé par les futurs candidats. En témoigne l'élection du nouveau maire de New York, qui a fait de la gratuité des lignes de bus dans la Grosse Pomme un argument de campagne. "Oui, hélas, l'argument peut marcher", confirme Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, lequel estime que "c'est une très mauvaise idée. À la fin, il faut bien que quelqu'un paye". "La gratuité empêche d'investir", martèle à qui veut l'entendre Louis Nègre, en mettant en regard "l'explosion de la demande" de transports publics à laquelle les autorités organisatrices de la mobilité sont actuellement confrontées. Face à cette "explosion des besoins", il "faut que la billetterie rapporte davantage", insiste-t-il. Et de mettre en avant l'exemple de la métropole de Lyon, "où le R/D [ratio recettes/dépenses] atteint presque 50%". Un territoire que la Cour des comptes a elle aussi placé en tête de gondole de son récent rapport alertant sur le coût de la gratuité (lire notre article du 15 septembre). "Le prix des transports n'est pas un enjeu […]. Les freins, ce sont la qualité du service et la sûreté (voir notre article). Le critère déterminant, c'est le temps", appuie Thierry Mallet. Ce qui demande a minima "de maintenir la qualité des réseaux", d'investir dans le matériel, etc.
… ennemie de la décarbonation ?
Des ressources budgétaires d'autant plus précieuses qu'à ces investissements dans les transports publics, il faut ajouter ceux en faveur des mobilités actives. "Les pistes piétonnes et cyclables seront l'un des enjeux des municipales à venir. C'est une attente de nos concitoyens", assure ainsi Frédéric Cuillerier, co-président de la commission Transports de l'Association des maires de France (AMF). Mais, déplore-t-il, "le plan Vélo & marche est tombé à l'eau". "2023 avait été une année extrêmement heureuse, avec l'affirmation d'une vision pluriannuelle [lire notre article du 9 mai 2023]. Et puis patatras, plus rien. Les financements sont réduits au fonds vert, lui-même réduit. La déception est majeure", regrette Françoise Rossignol, coprésidente du Réseau vélo & marche.
Pour mémoire, alors que le plan vélo prévoyait une enveloppe annuelle de 250 millions d'euros jusqu'à la fin du quinquennat, cette dernière a été réduite l'an passé à 100 millions d'euros en crédits de paiement. Et le "projet de budget 2026 de l'Afitf n'affiche plus que 50 millions d'euros de crédits de paiement, traduisant un arrêt progressif du dispositif au motif que ce dernier incombe aux collectivités territoriales", observe cette année le député Bérenger Cernon dans l'exposé d'un amendement, rejeté en commission, qui visait à rétablir les crédits à l'initial dans le projet de loi de finances 2026. Un sort également subi par d'autres amendements (pour un exemple) poussés par le réseau visant des solutions intermédiaires.
Conséquence, "les communes se retrouvent sans perspective", en particulier "dans les zones peu denses", se désole Françoise Rossignol. D'autant que le soutien jusqu'ici apporté par les régions et les départements – "Nous avons sauvé notre plan vélo du pays Loire Beauce grâce à la région, qui s'est substituée aux carences de l'État", témoigne Frédéric Cuillerier – risquent également de se tarir. À son tour, Simon Citeau, adjoint à la maire de Nantes, alerte ainsi sur "le risque d'une dynamique à deux vitesses, avec un territoire rural qui subit le désengagement de l'État et la mise sous pression des départements" (lire notre article du 30 octobre).
L'illusion de la dépolitisation
Pour l'aspirant maire, dans le domaine des mobilités comme dans d'autres, le manque de ressources ne sera toutefois pas, loin s'en faut, la seule difficulté à laquelle il sera confronté. "Les maires sont souvent saisis de problèmes qu'ils n'ont pas la capacité de résoudre", relève Thierry Pech, en décrivant "35.000 tout petits empires" qui ne seraient, de ce fait, pas à la hauteur de nombreux défis. Et de prendre exemple du fait que la France compte "75% de navetteurs", pour lesquels "le territoire vécu n'a pas de rapport direct avec l'endroit où ils votent, qui est le lieu où ils dorment".
Pour l'expert, c'est à l'échelle intercommunale que se nouent aujourd'hui les enjeux du quotidien, ce qui le conduit à plaider pour l'élection directe des élus intercommunaux. Une élection qui pourrait présenter le mérite de dissiper "l'illusion de la dépolitisation", qu'il conteste par ailleurs, quelques minutes seulement après que le ministre Philippe Tabarot a déclaré que "s'il y a encore dans notre pays, un sujet qui peut réunir de manière transpartisane les membres notamment du Parlement et des collectivités territoriales, c'est le secteur des transports". "Tout le monde revendique la dépolitisation, mais à la fin, on fait des choix, on mène des politiques qui ont une couleur, une odeur", argumente Thierry Pech. Entre gratuité ou non, ouverture à la concurrence ou non…, le sujet des mobilités n'échappe pas à la règle. Raison de plus pour qu'il soit au cœur des municipales.
Une boite à outils "Mobilités" pour les candidats aux municipales, entre autres projets"Pour permettre à chacun de s'y retrouver", le Gart a décidé de mettre à disposition des candidats aux prochaines élections municipales une "boîte à outils" sur son site, sous peu. Un "véritable concentré d'idées" pour "nourrir leurs réflexions et éclairer leurs programmes en matière de mobilités", vante l'association, qui sera "enrichie tout au long de mois à venir". Une fois les élections passées, l'association présentera une "feuille de route politique et stratégique" reprécisant la vision du Gart "sur les grands enjeux de la mobilité". Un "manifeste ou plaidoyer" qui sera proposé aux futurs exécutifs des autorités organisatrices de la mobilité afin "d'orienter leur action" pour les six années à venir. Dépeignant "un Gart à l'offensive", Louis Nègre a également annoncé que l'association avait lancé une étude "sur l'impact du cadre normatif sur la mobilité", confiée au cabinet Airelle avocats. "L’objectif est de déceler les freins juridiques qui limitent aujourd’hui l’action des AOM afin de proposer des solutions concrètes et opérationnelles à destination des acteurs territoriaux et des décideurs publics", explique l'association. Un travail qui devrait également "chiffrer les surcoûts de la surrèglementation", précise Sylvain Laval, coprésident de la commission mobilités de l'Association des maires de France et membre du Gart, lequel dénonce une "complexité réglementaire irritante, bloquante, et qui entre parfois en contradiction avec les objectifs qu'elle poursuit", en prenant notamment exemple de la "circulaire Royal", instruction du 16 juin 2014 relative à l'évaluation des projets de transport alors prise par Ségolène Royal et Frédéric Cuvillier. |