Congrès des maires – Jeunesse et engagement politique : seuls 4,7% d'élus en France ont moins de 35 ans
La jeunesse fait figure de grande absente dans les mairies : seuls 4,7 % des maires élus en 2025 avaient moins de 35 ans, contre 12% en 1983. Une baisse continue qui interroge, à quatre mois des municipales, sur la représentation politique des jeunes à l'échelle locale.
© Aurélie roudaut /Hugo BIOLLEY, maire de Vinzieux (07) et Jean-Baptiste CAILHAU, directeur des partenariats publics de l’association
"Les jeunes ne s'engagent pas moins, ils s'engagent différemment", affirme Florent Rossi, conseiller municipal d'Auribeau-sur-Siagne et président de l'Association nationale des jeunes élus de France (Ajef), créée en 2020 et qui tenait son troisième congrès annuel samedi 15 novembre 2025. Il n'empêche. Les chiffres sont suffisamment préoccupants pour que l'Association des maires de France (AMF) ait organisé mercredi 19 novembre 2025 un grand débat sur l’engagement des jeunes.
"Nous n'avons que 4,7% d'élus en France qui ont moins de 35 ans. C'est un chiffre en baisse permanente. Comment remédier à cela ? Comment s'adresse-t-on aux jeunes pour leur dire que les mandats électifs locaux sont utiles, même cruciaux ?", interroge le président de l'Ajef en ouverture du débat.
35.000 maires de France ont en moyenne 60 ans
"On voit une érosion depuis presque un demi-siècle du nombre des jeunes maires", confirme Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po Paris et directeur du Cevipof. En 1983, 12% des maires élus avaient moins de 35 ans. En 2020, ils n'étaient plus que 3%, selon le politologue français.
Les quelque 35.000 maires de France ont en moyenne 60 ans, sont à 40% retraités et à 80% des hommes, rappelait l'édition 2023 de l'enquête AMF-Cevipof Sciences Po. "Le portrait sociologique du maire l'éloigne fortement des citoyens qu'il représente", analyse Martial Foucault, qui explique les freins à l'engagement des jeunes par la massification de l'enseignement supérieur et la complexité croissante du mandat. Il refuse toutefois de parler de crise de l'engagement des jeunes : "Les conseillers municipaux de moins de 40 ans sont bien plus nombreux que les maires".
"On s'engage plus facilement dans les petites communes que dans les grandes villes"
"La défiance pour la vie politique n'empêche pas les jeunes de s'investir dans d'autres domaines", rappelle Laurent Lardeux, sociologue et chargé de recherche à l'Injep. S'il reconnaît une baisse de la participation électorale chez les 18-35 ans, il précise que l'abstention progresse dans toute la population, à l'exception notable des plus de 65 ans.
Le chercheur insiste sur la pluralité des formes d'engagement : citoyenne, militaire, professionnelle… "Quand on parle d'engagement des jeunes, on le réduit souvent à la participation électorale. Si les jeunes sont abstentionnistes, on en déduit qu'ils sont dépolitisés et éloignés de la vie de la cité, ce qui est de moins en moins vrai". Il rappelle aussi l'existence d'importantes inégalités d'accès à la représentation démocratique, qu'elles soient familiales ou territoriales. On s'engage plus facilement dans les petites communes que dans les grandes villes, mais le type et le poids de l'engagement diffèrent.
Portraits de jeunes élus
Malgré ces constats, certains élus incarnent une nouvelle génération politique. Hugo Biolley, devenu à 18 ans "le plus jeune maire de France" à Vinzieux (Ardèche, 500 habitants), veut "faire bouger les lignes". "Vinzieux avait tout d'un village dortoir, et on est venus déjouer le pronostic. Cela faisait 50 ans qu'on n'avait pas de commerce et un premier vient d'arriver", raconte-t-il.
Même énergie chez Marylène Paul, 36 ans, maire de Richemont (Seine-Maritime, 450 habitants). "Notre village était abandonné, tant sur le plan des routes que de la gestion financière, et il n'y avait pas de vie". D'autres viennent du monde associatif, comme l'élu écologiste Quentin Bernier‑Gravat à Vincennes : "Quand on fait de l'associatif dans une ville opposée à nous politiquement, on se sent bridés". Dans la Vienne, Corentin Soleilhac, jeune conseiller écologiste de Dissay (3.100 habitants), dit apprécier "le plaisir des petits changements concrets, comme un arbre planté", et vouloir organiser davantage d'événements culturels.
Pour un statut de l'élu étudiant ?
Pour Jean‑Baptiste Cailhau, directeur des partenariats publics de l'association Sport dans la ville, l'engagement politique est souvent une affaire de culture familiale. Or dans de nombreux quartiers, "on en est très loin". Il explique travailler avec les jeunes sur le temps long, en utilisant le sport pour repérer ceux qui ont envie de s'engager, et les familiariser avec les politiques publiques, l'insertion, l'inclusion ou la lutte contre la pauvreté.
Florent Rossi raconte, lui, avoir jonglé entre ses études à Paris — où il a validé une licence de communication — et son mandat dans les Alpes-Maritimes, au prix d'une "lourde charge de travail". "On disait que j'allais être un élu fantôme, mais au final on a créé une aire de fitness, un conseil municipal des jeunes et décroché le label Village fleuri". Son expérience le fait plaider pour un statut de l'élu étudiant.
Les jeunes élus déplorent aussi d'être souvent cantonnés à des délégations peu valorisées, fréquemment liées à la jeunesse, et d'être la cible d'attaques faciles. "Les personnes qui prennent les décisions ont la soixantaine : cela joue sur le sentiment des jeunes de ne pas être représentés", note Corentin Soleilhac.
"Réenchanter la politique"
Ce décalage nourrit un malaise persistant : deux tiers des 16-25 ans se disent relégués au rang de "citoyens de seconde zone", selon le baromètre de l'Apprentis d'Auteuil publié le 18 novembre 2025.
À ces difficultés s'ajoutent des indemnités modestes — environ 1.600 euros bruts pour un maire d'une commune de 500 à 999 habitants — et des stéréotypes persistants décrivant les jeunes comme incompétents, imprévisibles ou trop ambitieux. "Le fait de ne pas être native du village, d'être une femme et jeune a suscité des réticences", confirme Marylène Paul, 36 ans et maire de Richemont (Seine-Maritime), 450 habitants.
Hugo Biolley, 24 ans, appelle à "réenchanter la politique". "Comme pour la parité, cela devrait être obligatoire d'avoir un jeune dans chaque conseil municipal", lance Michaël Rousseau, maire de Jouy-sur-Morin (Seine-et-Marne). Une idée intéressante à confronter au fait que 73% des maires jugent "difficile" ou "très difficile" d'impliquer les "jeunes de moins de 40 ans" pour constituer des listes pour les élections municipales (notre article du 14 novembre 2025), selon la dernière enquête du Cevipof pour l'Association des maires de France publiée le 14 novembre 2025.