Congrès HLM : le parcours résidentiel, l'effet ciseau de la crise

À mesure que la crise du logement s'aggrave, les parcours résidentiels se figent. Faute de logements disponibles, de solutions de mutation ou d’accession à la propriété, les locataires voient leur trajectoire résidentielle se refermer. Peut-on encore fluidifier le système ?

Blocage des mutations, parcours résidentiels figés : derrière les statistiques, des milliers de locataires vivent l’impossibilité de changer de logement, même quand leur vie l’exige. Un sujet central qui a animé une table-ronde du congrès HLM, consacrée à ce que les bailleurs identifient comme l’un des plus grands points de crispation du moment.

Éric Pinatel, président de la commission Politiques sociales de l'USH, a rappelé que le bien-loger ne s'arrête pas à la première attribution : la mission des bailleurs est aussi d'accompagner les familles dans l'évolution de leur parcours résidentiel. "Le parcours résidentiel et les mutations viennent interroger deux sujets majeurs chez nous : la production de logement et l'attribution."

La baisse forte de la production, qui touche l'ensemble de la chaîne du logement (social et privé), entraîne de fait une baisse du taux de rotation. Dans certaines régions, ce taux est descendu à moins de 2%.

L'innovation face à la sous-occupation

Face à l'impossibilité de satisfaire les 300.000 demandeurs de logements sociaux à Paris, Cécile Belard du Plantys, directrice générale de Paris Habitat, a détaillé des approches pragmatiques. Concernant l'examen de l'occupation des logements (EOL), qui impose d'examiner la situation des locataires tous les trois ans, Paris Habitat a choisi de cibler d’abord les situations de sous-occupation aggravée, en misant sur l’incitation plutôt que sur la contrainte. Comme l'explique Cécile Belard du Plantys, la démarche se veut accompagnante — y compris sur le plan logistique et financier lors du déménagement.

Le succès le plus notable en matière de mobilité est la plateforme interbailleurs "Échanger Habiter". Lancée en 2018 à Paris, elle compte aujourd'hui 33 bailleurs et 111 communes partenaires. Cette initiative permet aux locataires d'échanger directement leur logement.

Pour Paris Habitat, l'initiative est un franc succès, représentant 172 mutations en 2024 sur un total de 1.000 par an. Mais au-delà des chiffres, c'est l'autonomie et la solidarité qui sont recherchées : "Ce qui est très positif, c'est qu'à un moment donné, ça fait vivre une forme de solidarité intergénérationnelle entre les locataires eux-mêmes", fait valoir Cécile Belard du Plantys.

Le levier de l'accession : une reconnaissance sociale

Pour soulager le parc locatif, l'accession à la propriété est un axe crucial. Norbert Fanchon, président du directoire du groupe Gambetta, a rappelé que 72% des locataires HLM souhaitent devenir propriétaires. Cependant, il a souligné avec force que le problème de la mobilité est avant tout un problème de production. "La conséquence de la politique des gouvernements, c'est que 2024 est la pire année de la construction de logements neufs en France depuis l'après-guerre... À présent, 84% des Français pensent que l'accession est devenue impossible."

Ce blocage se traduit concrètement par une baisse du taux de propriétaires en France (passant de 57,8% à 57%), soit 240.000 locataires supplémentaires, augmentant la pression sur la demande.

Les organismes HLM sont pourtant légitimes et efficaces dans ce domaine, réalisant 1 logement sur 6 vendu à une personne physique en France, grâce à des outils comme le BRS (bail réel solidaire) ou le PSLA (prêt social location-accession).

Alain Misse, juriste chez Force ouvrière consommateurs, a confirmé que l'accession est vue comme un cheminement et une "reconnaissance sociale". Toutefois, il a rappelé les contraintes (manque de réserves, difficulté à obtenir un financement bancaire, besoin d'accompagnement balisé) qui rendent la solution inatteignable pour beaucoup.

Le vœu de la rupture et de l'action

Si les bailleurs sociaux s'engagent à ne pas baisser les bras face aux difficultés, le message principal adressé aux pouvoirs publics est, là encore, un appel à la rupture et à l'action.

Norbert Fanchon a exhorté les élus à prendre la parole sur le sujet de la construction durant la campagne municipale. Il a lancé un appel direct aux futurs maires : "Délivrez les permis de construire. Ne reportez pas les nouveaux projets à un an, deux ans, trois ans, parce que vous venez d'être élus !"

Éric Pinatel a enfin formulé le vœu que l'accompagnement des locataires, qu'il s'agisse de mutation ou d'évolution de vie, permette à chaque famille de connaître un parcours résidentiel qui corresponde à son besoin de bien-loger tout au long de sa vie.

 

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