Crédits pour l'hébergement : en baisse ou en hausse ?

Le gouvernement met notamment en avant la hausse des crédits du programme budgétaire "hébergement d'urgence" et le nombre croissant de places ouvertes. La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) vise plus particulièrement les crédits affectés aux CHRS, avec l'introduction de tarifs plafonds.

Depuis quelques jours, une polémique - récurrente - s'est installée autour de la question des crédits budgétaires destinés à l'hébergement d'urgence. Dans un communiqué du 28 février, Jacqueline Gourault et Julien Denormandie ont réagi à "plusieurs articles de presse [qui] font état d'une baisse de 57 millions d'euros des crédits pour l'hébergement d'urgence". Pour affirmer aussitôt que "la réalité est autre". Dès le 1er mars, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) - qui regroupe 870 associations et organismes gérant près de 2.800 structures, dont 800 centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) - a répliqué par un communiqué intitulé "Financement des CHRS : la réalité des chiffres". Il est vrai que la veille, lors d'une réunion publique à Pessac (Gironde), Emmanuel Macron affirmait qu'il n'y a pas de diminution des crédits budgétaires dédiés aux CHRS.

Qui dit vrai ? : les deux !

La réalité est que les deux affirmations sont vraies. Dans son communiqué, le gouvernement met en avant une augmentation de 15% des crédits du programme budgétaire 177 "hébergement d'urgence" entre 2017 et 2019, soit une enveloppe supplémentaire de 268 millions d'euros, portant ainsi le total du programme à près de deux milliards d'euros. Ce coup de pouce accompagne un mouvement continu de plus ou moins grande ampleur depuis plusieurs années, même si le communiqué prend soin d'affirmer que "jamais aucun gouvernement n'avait fait autant en la matière".

Le communiqué des deux ministres rappelle aussi que l'Etat finance en moyenne 136.000 places d'hébergement d'urgence ouvertes tous les jours. Ce dispositif est encore renforcé en hiver. Le 24 février 2019, le nombre de places financées s'élevait ainsi à 149.000 places contre 133.000 à la même période de 2017.

Les deux ministres ne manquent pas non plus de rappeler que si l'hébergement est une compétence de l'Etat, "qui assume ses responsabilités", il n'agit pas seul : "Il travaille en étroite coordination avec les collectivités, qui mettent à disposition des locaux, et les associations, qui organisent des maraudes et gèrent les centres d'hébergement. Ainsi, une très grande majorité des crédits de l'hébergement d'urgence finance le travail essentiel réalisé par des associations".

Les tarifs plafonds ne passent toujours pas

Les associations ne nient pas ces efforts. La FAS salue ainsi "l'augmentation du budget global de l'hébergement, du logement accompagné et des maraudes en 2019". De même, elle "prend acte" des déclarations du président de la République.

Mais le contentieux vise plus particulièrement les crédits affectés aux CHRS, "qui sont les centres les plus qualitatifs permettant un accompagnement social de long terme des personnes et des familles vers l'autonomie". Le ministère du Logement a en effet lancé, à la fin de 2017, un plan d'économie de 57 millions d'euros sur quatre ans portant sur les CHRS. Un premier "prélèvement" de 20 millions d'euros a été opéré en 2018, "occasionnant souvent des suppressions de personnels, une réduction des prestations alimentaires et une dégradation de l'accompagnement proposé aux personnes les plus exclues", selon la FAS. Ce prélèvement s'est fait par le biais de l'introduction de tarifs plafonds pour harmoniser la situation respective des CHRS (voir nos articles ci-dessous du 9 mars et du 12 juillet 2018). La FAS et d'autres fédérations du secteur ont d'ailleurs introduit un recours en annulation -  devant le Conseil d'Etat - contre l'arrêté du 2 mai 2018 instaurant ce dispositif.

Vers un compromis ?

Pour le gouvernement, l'instauration de ces tarifs plafonds avait pour objet la "mise en place de tarifs harmonisés pour garantir un financement égal à prestations égales". La loi de finances pour 2019 prévoyait un second "prélèvement" sur les crédits des CHRS, à hauteur de 19 millions d'euros (à comparer aux 636 millions d'euros de crédits prévus pour ces établissements en 2019).

Mais, explique le communiqué de Jacqueline Gourault et Julien Denormandie, "conscient des efforts demandés à certaines structures, le gouvernement a fait le choix, en 2019, de limiter la baisse à 2 millions d'euros et d'avoir une attention particulière pour les centres accueillant des publics spécifiques, et d'abord les femmes victimes de violences". Conclusion des deux ministres : "Il n'y aura donc pas de baisse de 57 millions d'euros des crédits attribués aux CHRS. Par ailleurs, les CHRS bénéficieront dès cette année des allègements de cotisations salariales à une hauteur globale estimée à 17 millions d'euros".

La FAS et les associations reconnaissent ce geste, mais maintiennent néanmoins leur demande d'"un moratoire sur ce plan d'économie et le lancement d'une concertation nationale sur le financement des CHRS". Elles proposent également, "dans le cadre de la politique du Logement d'abord, la création de places CHRS dans des logements en diffus, adaptées à l'accueil de familles avec enfants, qui sont aujourd'hui sans abri ou hébergées à l'hôtel dans des conditions très dégradées".