Crise climatique : "Il existe un risque d'inassurabilité systémique" pour certaines communes
La crise du marché de l'assurance des collectivités territoriales "est plus structurelle qu'accidentelle", alerte le groupe Scet dans un livre blanc consacré à la question. Un document dans lequel il pointe "un risque d’inassurabilité systémique à moyen terme pour certains territoires". Mais des solutions existent, selon cette filiale de la Caisse des Dépôts, dessinant les contours de plusieurs d'entre elles.
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Le livre blanc intitulé "L'assurabilité des territoires : une affaire d’État ?" dresse des constats glaçants. Pas moins de 12.000 communes, dont une part importante sont situées sur les façades littorales sud et ouest, sont particulièrement vulnérables aux risques climatiques. Et parmi ces communes, quelque 5.100 ont "un contexte financier complexe", ce qui pourrait "à terme" conduire à leur "inassurabilité". Les inégalités pourraient se creuser nettement entre ces communes et les autres, qui, moins affectées par les risques climatiques et dotées des ressources pour les affronter, continueront à être assurées. En outre, d'ici 2050, la hausse des catastrophes climatiques devrait occasionner 50 à 70 millions d'euros de primes d'assurance supplémentaires par an au total.
Pour éviter un scénario catastrophe, le groupe Scet plaide pour "une stratégie ambitieuse de réduction de la vulnérabilité territoriale" aux risques majeurs, "portée au niveau national et mise en œuvre localement".
"Cela passe avant tout par une intégration systématique de la gestion et la prévention du risque dans les documents de planification", à concevoir dans le cadre d'une "réforme plus globale de la planification", considère le groupe d'appui et de conseil aux collectivités et organismes locaux. Pour développer la prévention, il mise aussi sur des "leviers d'incitation et de contrainte", comme la modulation des franchises en fonction des "mesures de réduction de la vulnérabilité" mises en œuvre par la collectivité.
"Couverture assurantielle publique"
En complément des progrès de la prévention, la couverture des risques majeurs doit être améliorée, selon la filiale de la Caisse des Dépôts. Elle prône un renforcement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit "CatNat" et son extension aux risques liés aux émeutes.
À l'attention des collectivités qui ne parviennent pas à trouver un assureur, le groupe suggère une piste innovante : la mutualisation des risques de plusieurs collectivités – éventuellement associées à d'autres acteurs – par la création de "captives d'assurance". Dans le secteur privé, ces structures sont des filiales ayant vocation à couvrir les risques des groupes auxquels elles appartiennent.
Les collectivités très fortement exposées aux risques devraient pouvoir bénéficier d'une couverture assurantielle publique portée par l'État, qui serait une "assurance de dernier recours", lit-on dans le livre blanc. Cette piste avait toutefois été écartée du rapport Chrétien-Dagès sur l'assurabilité des biens des collectivités (voir notre article sur ce rapport). Et le gouvernement de François Bayrou, à l'origine du plan d'action sur l'assurabilité des collectivités présenté en avril dernier (voir notre article), l'avait de même exclue.
"Culture du risque"
Pour "assainir le marché de l'assurance des collectivités et le rendre plus attractif", le groupe Scet préconise "une meilleure supervision" de celui-ci, en confiant une "mission de suivi" à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme des assurances. La recommandation est portée par la proposition de loi du sénateur Jean-François Husson, adoptée en première lecture, en juin, par la chambre haute (voir notre article). En parallèle, une "meilleure protection des communes"- par exemple en garantissant un préavis de résiliation de six mois, ou en encadrant les franchises - est préconisée.
La nécessité de professionnaliser la gestion du risque dans les collectivités et l'amélioration de la connaissance du patrimoine local à assurer (par la mise en place d'un inventaire et d'une "culture partagée du risque" au sein des services des collectivités) sont aussi mis en avant.
Le dispositif mis en place par le gouvernement Bayrou pour aider les collectivités à s'assurer (cellule d'accompagnement "CollectivAssur", plan national déclinant les engagements d'une charte…) est une réponse "à court terme" à "certaines difficultés". Mais, il "ne s’attaque pas aux défis structurels" que sont par exemple "la montée continue des risques" et la situation d'un "marché fragilisé", juge le groupe Scet. En reconnaissant quand même, que le nouveau guide pour la passation des marchés d’assurance, paru au début de l'été (voir notre article), devrait favoriser "l’amélioration de la qualité des dossiers de consultation".