Crise énergétique : 300 entreprises en vraie difficulté, d'après Roland Lescure

Auditionné par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2022, Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie, chargé de l'industrie, a cherché à rassurer, chiffrant à 300 seulement le nombre d'entreprises qui demandent de l'aide pour régler leurs factures d'énergie qui flambent.

"Nous regardons de près toutes les situations, on parle de 300 entreprises qui demandent de l'aide, cela reste à ce stade relativement marginal, avec la verrerie, l'aluminium et une partie de la chimie." Lors de son audition le 20 septembre 2022 devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie, chargé de l'industrie, a tenté de rassurer face à des députés inquiets quant à la tournure de la crise énergétique pour les entreprises. Les cas de plusieurs entreprises, telles que le verrier Arc, qui a fait l'objet d'un déplacement ministériel (voir notre article du 9 septembre 2022) ou Duralex, le sidérurgiste Ascométal, le fondeur Aluminium Dunkerque et autres industries "énergo-intensives", ont été ainsi cités par les députés, certaines prévoyant de fermer durant quelques mois pour faire face à ce choc. "Les réponses actuelles du gouvernement ne sont pas à la hauteur des attendus et suggèrent qu'il n'y a pas de pilote dans l'avion, c'est pourquoi, afin d'éviter le crash, je vous demande quelles sont les mesures ciblées envisagées pour soutenir les entreprises, les territoires et les salariés qui en dépendent", a ainsi demandé la députée RN Christine Engrand du Pas-de-Calais. "Aujourd'hui, il faut reconnaître les difficultés d'un certain nombre d'industries mais il faut aussi reconnaître que l'économie française résiste bien mieux que d'autres en matière d'inflation, de croissance, et la production industrielle dans son ensemble se tient", a détaillé le ministre précisant que le fonds "Ukraine" était doté de 3 milliards d'euros pour accompagner les entreprises face à ce choc énergétique.

Une simplification du fonds destiné aux entreprises énergo-intensives

Ce fonds de soutien mis en place dans le cadre du plan de résilience économique et social au mois de mars (voir notre article du 17 mars 2022), consiste en une aide pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d'électricité particulièrement touchées par l'augmentation du coût de l'énergie. Disponible depuis le mois de juillet, l'aide est prolongée jusqu'à fin décembre 2022. "Nous avons simplifié les critères et nous sommes en négociation à Bruxelles pour le prolonger et élargir ses critères", a également indiqué le ministre.

A l'heure actuelle, l'accès au fonds semble en effet compliqué pour les entreprises, qui parfois ne connaissent même pas son existence. 50 millions d'euros seulement sur les 3 milliards ont été attribués. L'aide est pourtant conséquente. Elle comprend plusieurs volets, plafonnés respectivement à 2,25 et 50 millions d'euros, selon les spécificités de l'entreprise. "Le fonds fonctionne pour les petites, moyennes et grandes entreprises, a insisté Roland Lescure, une très grande a droit jusqu'à 50 millions d'euros, Ascoval perçoit 20 millions d'aide, via un prêt, et Duralex un à deux millions ; les très petites entreprises ont quant à elles droit à des tarifs réglementés, on n'annule pas les hausses de prix mais on atténue leur impact", a-t-il énuméré, mêlant prêts et subventions. Reste que comme l'a lui-même précisé le ministre, le fonds ne peut pas couvrir l'augmentation réelle des prix de l'électricité et du gaz. Dans le cas de Duralex, la facture est passée de 2,5 millions d'euros l'an dernier à 13 millions d'euros. "Le fonds ne résout pas tout le problème mais une partie", a reconnu Roland Lescure.

Un travail est également en cours avec les énergéticiens en vue de l'élaboration d'une charte à utiliser au moment de la renégociation des contrats, l'idée étant d'aboutir à "un processus clair et transparent pour que les clients puissent alerter le médiateur de l'entreprise si besoin".

La feuille de route pour l'industrie

Au-delà de la question des prix de l'énergie et des soutiens apportés aux entreprises dans ce cadre par l'Etat, le ministre a présenté sa feuille de route pour l'industrie, organisée autour de trois piliers que sont la décarbonation, les territoires et la formation et qualification. "La décarbonation est un impératif car l'industrie émet à peu près 20% des émissions de gaz à effet de serre, a-t-il indiqué, et les 25 plus gros sites industriels émettent 40% des émissions de CO2 de l'industrie. Nous avons des interventions ciblées à faire site après site, et l'Etat a sa part à jouer pour accompagner la transition des entreprises. Nous devons aussi décarboner les plus petits sites". Côté formation, l'idée est de faciliter la création d'emplois industriels sur tout le territoire. "Il faut donner envie, les jeunes ont une mauvaise image de l'industrie, c'est de moins en moins polluant, de moins en moins des métiers pénibles, et ça paye plus de 250 euros en moyenne que les autres secteurs !"

Enfin, côté territoires, il s'agit de favoriser l'implantation d'usines, en libérant du foncier, "le nerf de la guerre" et en facilitant, à travers notamment le programme Territoires d'industrie, les installations en particulier dans les espaces ruraux. "70% des emplois créés dans l'industrie le sont dans des petites et moyennes villes, a signalé Roland Lescure, mais le traitement des dossiers, entre le dépôt et l'adoption, est encore trop long, il faut en moyenne 17 mois contre 6 à 9 en Allemagne". Le programme Territoires d'industrie, qui disposait de 2 milliards d'euros partagés entre l'Etat, les régions et les opérateurs publics, "a bien fonctionné". Il sera prolongé dans le cadre du plan France 2030 qui est quant à lui doté de 54 milliards d'euros.