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Des collectivités prêtes à s'emparer du label bas carbone

Plusieurs collectivités territoriales ont témoigné, lors d'une matinée de lancement du label bas carbone, ce 23 avril au ministère de la Transition écologique et solidaire, de leur intérêt pour cet outil qui vise à favoriser l’émergence de projets additionnels de réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Il aidera à structurer un domaine où tout reste à faire : la compensation locale volontaire des émissions de GES. 

Préparé par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère avec l’appui technique de l’Institute for Climate Economics (I4CE), le label bas carbone est enfin sur les rails. Le décret, puis son arrêté de création ont été publiés fin novembre, et le voici bien arrimé à des projets travaillés au corps depuis quatre ans par une flopée de partenaires mobilisés dans le cadre du projet Vocal (Voluntary Carbon Land Certification). C'est d'ailleurs ce projet, cofinancé par l’Union européenne, l’Ademe et porté par I4CE en partenariat avec le Centre national de la propriété forestière (CNPF) et le GIP Massif central (fédérant les actions communes au nom des six régions qui composent ce grand territoire), qui a abouti à la sortie en consultation publique du label. "Pour s'être impliqués dans ce projet Vocal, nous estimons qu'au final, ce label est satisfaisant et très complet, notamment sur le plan de la gestion forestière", souligne Adeline Favrel, coordinatrice du réseau forêt chez France Nature Environnement. Il a par ailleurs déjà été testé sur le terrain, notamment en Lozère, par une association syndicale libre de gestion forestière et avec le soutien du groupe La Poste, dont "l'implication sur le sujet n'est pas si étonnante vu notre fort ancrage territorial et notre effort de neutralité carbone", affiche le directeur RSE du groupe, Nicholas Vantreese. 

Additionnalité, ouverture et incertitude

Le label cible des projets diffus, échappant aux radars de politiques publiques sectorielles dans l'agriculture, les transports, la forêt ou le logement et qui, de fait, "ont du mal à émerger" malgré toute leur pertinence. Il élargit les filets en prenant le contre-pied du réglementaire : un projet qui ne fait que respecter la réglementation ne peut être labellisé. Autrement dit, par I4CE, "le porteur de projet doit démontrer que les réductions d'émissions qu'il génère sont additionnelles et qu'elles n'auraient pas eu lieu en l'absence de labellisation du projet". Le label se veut très ouvert, "à toute personne physique ou morale qui souhaite contribuer à la lutte contre le changement climatique", mais à condition que son projet aille "au-delà des pratiques usuelles". Autre originalité, dans sa mécanique : "Il intègre un paramètre, une sorte de rabais pour tenir compte, une fois que le porteur de projet a démontré la valeur ajoutée climatique de son projet, de la gestion de l'incertitude qui pèse parfois sur ce dernier", explique Ophélie Risler à la DGEC.

Intégrer les co-bénéfices

Le label garantit la qualité des réductions des émissions effectuées, anticipées (intérêt dans le domaine forestier) mais aussi - chose moins classique - la réduction des émissions indirectes (réduction des empreintes). "Les premiers projets à labelliser sont forestiers et trois méthodes - le boisement, la reconstitution de peuplements dégradés, par exemple par un ravageur ou une tempête, et la conversion de taillis en futaie - ont été identifiées", détaille Sébastien Bouvatier, sous-directeur adjoint à la DGPE du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. "La forêt est un puissant outil d'atténuation. Mais il n'y a pas que le carbone dans la vie ! L'autre point fort du label est de favoriser les projets ayant des co-bénéfices, c'est à dire des impacts positifs sur la biodiversité, l'emploi, la qualité de l'eau, etc.", ajoute Olivier Picard, directeur R&D du CNPF. 

S'appuyer sur ce label pour attirer des projets

Qui cofinancera ces projets ? Là aussi, une même ouverture prévaut : "Des entreprises, collectivités, associations ou des particuliers souhaitant soutenir un projet à l'impact positif et certifié sur le climat", liste l'I4CE. Une collectivité peut être soit porteur de projet, soit acheteur de compensation. Ces réductions d'émissions labellisées peuvent en effet être utilisées dans le cadre d'une démarche de compensation carbone. Mais, attention, pas pour remplir une obligation réglementaire - et donc hors système de quotas d'émission. "À Paris, cela nous intéresse pour bâtir et structurer notre opérateur local de compensation, un outil prévu dans notre dernier plan climat", témoigne Sébastien Emery pour sa division énergies climat. La capitale a passé en revue de potentiels acheteurs de crédits carbone, les types de projets en milieu urbain (petits projets sous forte contrainte, faible gain carbone), les passerelles urbain-rural possibles (soutien à l'agro-foresterie) : "Un nouveau champ s'ouvre. Le besoin d'un label public était manifeste : il tombe donc bien. Manque à l'appel un agrégateur pour mettre en lien les projets face aux financeurs."
À La Rochelle, c'est chose quasi faite : "Un agrégateur est en construction. Il sera piloté d'ici la fin de l'année par une société coopérative d'intérêt collectif (Scic). Nous allons nous appuyer sur ce label pour valoriser la démarche d'entreprises locales qui ne sont pas soumises au marché du carbone mais souhaitent contribuer à l'effort de réduction des émissions", témoigne Anne Rostaing de l’association Atlantech, conceptrice de l'outil dans le cadre du projet global de neutralité carbone visé par l'agglo charentaise. "Il faut maintenant que les projets rentrent. L'agrégateur les choisira et veillera sur la nécessaire ouverture à des petits projets citoyens", poursuit-elle.
Le Grand Nancy est aussi intervenu : "Ce label nous arrange et s'insère bien dans le dispositif d'une bourse de compensation que nous avions prévu pour notre programme phare retenu par l’État, "Des hommes et des arbres"", conclut Ludovic Entemeyer, directeur énergie de la métropole, territoire d’expérimentation de ce vaste projet qui mobilise des chercheurs, des entreprises, des citoyens et s'étend jusque dans le sud de la Lorraine.

 

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