Destructions d'emplois, impact environnemental, fiscalité… les attaques se multiplient contre Amazon

Amazon est une nouvelle fois sous le feu de nombreuses attaques à l'approche des fêtes de fin d'année. Dans une analyse publiée le 21 novembre 2019, l'ancien secrétaire d'État au numérique Mounir Mahjoubi accuse l'entreprise d'avoir détruit 7.900 emplois de plus en France qu'elle n'en a créé en 2018. Des associations mettent aussi en avant l'impact environnemental du géant du numérique, tandis que les sénateurs viennent d'adopter un amendement dans le cadre du projet de loi de finances 2020 pour taxer les entrepôts de stockage des "pure players".

À l'approche du Black Friday, ces soldes venus des États-Unis, et des fêtes de fin d'année, Amazon est sous le feu de plusieurs critiques. C'est l'ancien secrétaire d'État au numérique Mounir Mahjoubi qui a lancé les hostilités, accusant le géant du numérique de détruire deux fois plus d'emplois dans le commerce traditionnel (y compris les grandes surfaces) qu'il n'en emploie. Au total, les activités du groupe auraient conduit à la destruction de 20.200 emplois dans le commerce en France l'an dernier (dont 10.400 du fait de ses ventes en propre et 9.800 du fait de sa "marketplace"), estime le député LREM de Paris, dans une analyse publiée le 21 novembre 2019. Le solde entre les embauches d'Amazon et les destructions conduit à un déficit de 7.900 postes. Mounir Mahjoubi insiste aussi sur la concentration géographique des emplois d'Amazon : vingt sites seulement, dont 19 ouverts en 2018 et un en 2019, répartis dans huit régions et quinze départements.

"Aux Français de choisir !"

"Aux Français de choisir !", lance le député qui a déjà publié une précédente note en septembre 2019, "Les hackers de la fiscalité", dénonçant l'évitement fiscal des Gafam, les géants d'internet américains, le tout ayant été estimé à un milliard d'euros. Le député propose aux Français de consommer de manière plus responsable et ouvre la voie aux alternatives locales, à travers la seconde édition du Noël des PME, un annuaire d'entreprises locales. Seul problème, le lien amène pour le moment à… une page introuvable !
Mounir Mahjoubi n'est pas le seul à étriller Amazon. Profitant de la visibilité de cette publication, le Syndicat de la librairie française (SLF) est revenu à la charge contre les dégâts d'Amazon sur les librairies indépendantes, avec 1.500 emplois perdus depuis dix ans, soit 10% de l'effectif de la profession. Pourtant, "à chiffre d'affaires équivalent, elles génèrent 18 fois plus d'emplois qu'Amazon", assure le SLF dans un communiqué du 25 novembre, se basant sur les chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). L'an dernier, le syndicat s'était déjà fait remarquer en mettant en ligne la traduction du rapport d'un institut de recherche, l'ILSR (Institute for Local Self-Reliance), très critique sur la stratégie commerciale d'Amazon. Les librairies indépendantes disposent de leur propre plateforme.

Impact environnemental et fiscal

Les associations Attac, les Amis de la Terre, et l'Union syndicale Solidaires, sont également montées au créneau pour dénoncer dans un rapport publié le 24 novembre "l’impunité fiscale, sociale et environnementale dont jouit Amazon depuis de trop nombreuses années". D'après leurs calculs, l'entreprise aurait généré 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, à travers les livraisons rapides et la destruction des invendus. Pourtant, le patron d'Amazon, Jeff Bezos, a promis d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2040 (avec 100 millions de dollars pour la reforestation et 100.000 véhicules de livraison électriques). En réaction au rapport, l'entreprise a réfuté "ces informations trompeuses". Mais les associations comptent transformer le prochain Black Friday en "journée noire" pour Amazon, à travers des "dizaines d'actions" en France. Elles s'attaquent aussi à la politique fiscale du groupe qui, selon elles, dissimule "57% de son chiffre d'affaires réalisé en France".

De leur côté, les sénateurs ont souhaité réagir à la concurrence déloyale créée par les grandes plateformes logistiques du e-commerce. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2020, ils ont adopté en séance publique le 22 novembre un amendement soumettant à la Tascom (la taxe sur les surfaces commerciales) les entrepôts de stockage des "pure players". Objectifs : rétablir une équité fiscale et territoriale entre les différentes formes de commerce tout en octroyant aux collectivités locales une nouvelle ressource fiscale. "Ainsi, l’entrepôt d’un acteur uniquement 'pure player', véritable plateforme de vente commerciale, sera désormais redevable de la Tascom et contribuera par conséquent à l’aménagement du territoire qu’il utilise", détaille l'objet de l'amendement. "Un acteur omnicanal disposant à la fois d’un magasin et d’un entrepôt, ne continuera à payer que sa Tascom sur son magasin physique", est-il précisé. Cet amendement LR qui a reçu le soutien des sénateurs socialistes a été adopté contre l'avis du gouvernement (une précédente tentative avait d'ailleurs échoué à l'Assemblée le mois dernier). Le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) a ainsi demandé le 25 novembre aux "pouvoirs exécutif et législatif de prendre urgemment les mesures de régulation nécessaires". "Car les destructions d’emplois parmi les trois millions d’emplois du commerce en France ont commencé (Castorama, Carrefour, Orchestra, Vivarte…)", alerte le conseil, précisant que la barre symbolique des 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires du e-commerce a été dépassée en 2019.

Se refusant à légiférer, le gouvernement y est quand même allé de sa banderille. "Plutôt que d’acheter sur des plateformes numériques étrangères qui ne paient pas leurs justes impôts en France, privilégiez le commerce français, vos commerces de proximité ou vos enseignes habituelles : c’est bon pour notre économie, c’est bon pour l’emploi et c’est bon pour nos territoires !", a lancé Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État du ministre de l'Économie, lors d'un déplacement à Dijon avec les représentants du commerce de proximité.