Deux ans après, vers une nouvelle loi-cadre sur l'éthique du sport

À la suite du rapport du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, la ministre des Sports annonce un projet de loi pour la fin 2024. Un texte qui interviendrait deux ans à peine après une loi qui a déjà remis à plat la gouvernance des fédérations, notamment en matière d'éthique.

Élaborer d'ici l'automne 2024 un projet de loi-cadre relative au sport, à l'issue d'une large consultation des acteurs du sport et des élus des collectivités territoriales, telle est la proposition phare du rapport "Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur", remis le 7 décembre à Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, par le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport. Après la loi visant à démocratiser le sport en France du 2 mars 2022, il s'agirait d'un nouveau texte sur le sujet porté par le gouvernement. En effet, la ministre a, dans un communiqué, d'ores et déjà annoncé un "temps de concertation [qui] se déroulera au cours du premier semestre 2024 pour aboutir, d'ici la fin de l'année 2024, à une initiative législative gouvernementale conduisant à une rénovation du sport français".

Dans le détail, le rapport formule des recommandations autour de trois ambitions : bâtir une gouvernance du sport plus éthique, rénover la vitalité démocratique au sein des instances et renforcer la protection des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violence et de discrimination.

"Des réponses fortes attendues"

On retient notamment que le comité souhaite que l'octroi d'aides publiques au CNOSF (Comité national olympique et sportif français) ou à une fédération agréée soit conditionné au suivi d'une formation sur les enjeux de politique publique, ou encore que soit appliqué un principe de parité stricte dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif.

Le rapport recommande également la mise en place d'un mécanisme de suspension conservatoire en cas de condamnation pénale d'un dirigeant de fédération, à l'issue d'un examen par le comité d'éthique fédéral, ou le renforcement du rôle de l'État en cas de dysfonctionnements au sein des fédérations, en clarifiant ses compétences et en lui donnant plus de leviers d'action (sanctions graduées, mise en demeure, sanctions financières portant sur les conventions et contrats de financement public, etc.).

Enfin, "des réponses et des évolutions fortes sont attendues" afin de renforcer les moyens d'action en faveur d'une plus grande protection des pratiquants. Le comité suggère par exemple que chaque fédération établisse des plans nationaux d'éducation et de lutte contre les discriminations liées aux LGBT-phobies, au sexe, au racisme et à l'antisémitisme et aux situations de handicap, et préconise que cette obligation constitue l'un des axes obligatoires dans les subventions accordées par l'Agence nationale du sport (ANS) dans le cadre des projets sportifs fédéraux (PSF).

Une méconnaissance de la loi de 2022

La plupart de ces recommandations semble cependant méconnaître que la loi de 2022, aux côtés des mesures en faveur du développement de la pratique pour le plus grand nombre ou portant sur le modèle économique sportif, consacrait déjà un titre entier au renouvellement du cadre de la gouvernance des fédérations.

Parmi les mesures adoptées il y a un an et demi, on peut citer la présence des femmes au sein des instances dirigeantes du sport, la capacité des fédérations à participer à la mise en œuvre de la politique publique du sport, ou encore des mesures facilitant l'accompagnement juridique et psychologique et la prise en charge des frais de procédure engagés par les victimes de violences sexuelles, physiques et psychologiques.

Ces dispositions étaient de plus chapeautées par une mesure générale disposant que le CNOSF veille au respect de l'éthique et de la déontologie du sport définies dans une charte établie par lui. L'obligation de créer un comité d'éthique indépendant avait par ailleurs été étendue aux fédérations sportives délégataires, tandis que des mesures éducatives comme punitives pour combattre les discriminions étaient également prévues.

Le gouvernement déjà impliqué en 2022

Pourquoi, dans ces conditions, vouloir un nouveau texte ? Dans son rapport, le comité estime que "la quasi-totalité des références législatives adoptées dans la période récente relatives à l'éthique, la déontologie mais également à la vie démocratique et la protection des usagers, ont émané de propositions de loi, c'est-à-dire d'initiatives de parlementaires et non du pouvoir exécutif". Pour lui, "il s'agit là d'une différence essentielle, puisque ces textes de loi ont ainsi été conçus, pour la plupart, sans étude d'impact préalable, sans concertation ouverte à tous les acteurs et actrices concernés et parfois même sans l'impulsion politique requise. Cet état de fait explique en partie certaines difficultés d'application […]".

Si l'on passe sur l'étrange distinction faite entre la force d'une loi en vigueur selon son origine gouvernementale ou parlementaire, un simple coup d'œil dans le rétroviseur permet de rappeler que si la loi du 2 mars 2022 était bien d'initiative parlementaire, elle faisait largement écho à la volonté de la ministre des Sports de l'époque, Roxana Maracineanu, d'adopter une grande loi alors baptisée "sport et société" et a bénéficié d'un très large soutien du gouvernement (lire notre article du 17 septembre 2019). Une partie des propositions émanaient par ailleurs du "Parlement du sport", instance qui avait réuni, de décembre 2018 à mai 2019, plusieurs centaines d'acteurs du mouvement sportif et d'élus locaux.

Quant aux "difficultés d'adaptation", on pourra faire remarquer que les articles 29 à 44 touchant à la gouvernance des fédérations et reprenant nombre de mesures visant à renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport ne nécessitaient aucun décret d'application. Ils sont donc, depuis plus d'un an et demi, à la disposition des instances dirigeantes du sport et du ministère…