Droits des mineurs non accompagnés : la France mise en cause par le Comité des droits de l’enfant de l'ONU

Le Comité des Nations unies pointe en particulier le fait que des jeunes migrants dont la minorité n'a pas été établie se retrouvent livrés à eux-mêmes dans l'attente d'une décision d'appel. Dans sa réponse, le gouvernement français fait valoir les efforts des départements et de l'État pour mettre en œuvre leurs obligations légales malgré la saturation du dispositif de protection de l'enfance. 

Saisi en novembre 2020 d’une demande d’enquête par le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade) et Kids Empowerment sur les violations des droits des enfants migrants non accompagnés (MNA), le Comité des droits de l’enfant des Nations unies (CRC) a publié le 16 octobre dernier ses conclusions et les observations de la France. 

Des recommandations pour protéger les jeunes pendant la procédure 

La France est bien "responsable de violations graves et systématiques des droits des enfants migrants non accompagnés", conclut le CRC à l’issue de cette enquête qui s’est déroulée en 2023 – soit au plus fort de la crise de la protection de l’enfance. "Les enfants migrants non accompagnés qui vivent dans des camps, dans la rue ou dans des hôtels sans supervision adéquate du système de protection de l’enfance sont exposés à la violence, notamment sexuelle, à la traite des êtres humains, à la drogue et aux activités criminelles", est-il notamment souligné. 

Le Comité appelle la France à appliquer "pleinement" la loi du 7 février 2022 sur la protection de l’enfance, dont plusieurs mesures concernent les MNA - comme la "présomption de minorité" jusqu’à la première décision sur l'âge ou encore l’interdiction du placement à l’hôtel des jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Le CRC formule en outre plusieurs recommandations, parmi lesquelles : la fin du recours à "l’utilisation de la radiographie osseuse comme seule méthode pour déterminer l’âge des enfants", la désignation systématique d’un représentant légal (tuteur ou administrateur ad hoc) y compris lors de la procédure de détermination de l’âge, l’allocation de "ressources humaines, techniques et financières suffisantes sur l’ensemble de son territoire" pour garantir une égalité de traitement de tous les MNA ou encore la garantie d'un accès à "un logement, de la nourriture et de l’eau en quantité suffisante" et à l’éducation. Et ce, pour tous les jeunes migrants non accompagnés, "y compris ceux à qui le statut de minorité a été refusé et qui attendent une décision en appel". En effet, à l'issue des procédures d'appel, "le pourcentage de personnes qui obtiennent une réévaluation de leur âge les considérant comme mineures est très élevé, soit de 50 à 80%", selon le CRC. 

Un référentiel national que les départements se sont appropriés 

Dans un document daté de septembre 2025, le gouvernement français répond point par point aux conclusions de l'enquête, faisant notamment valoir que "l’évaluation de la minorité et de l’isolement est organisée selon les modalités précisées dans un référentiel national fixé par arrêté". "Largement diffusé", le guide de bonnes pratiques déclinant ce référentiel "fait l’objet d’une appropriation effective par les acteurs locaux, comme l’ont révélé les travaux du groupe national sur la prise en charge des MNA menés en 2024". "La France n’utilise jamais les radiologies osseuses comme seul examen de détermination de l’âge", répond en outre le gouvernement qui parle d'un "faisceau d’indices". 

Il indique en outre que d'éventuels "manquements et carences" d'un département "peuvent être sanctionnées par le juge administratif, y compris par la voie d’un référé". "Dans des situations de tensions et pour appuyer le département", des préfectures peuvent également réquisitionner des lieux d'hébergement "afin de mettre à l’abri les personnes se déclarant MNA et ainsi pallier la saturation des dispositifs" – cela a déjà été le cas à Paris (réquisition d'un gymnase) et dans les Alpes-Maritimes (réquisition d'une résidence hôtelière). Des détails sont également fournis sur la situation particulière des départements du Pas-de-Calais et du Nord devant faire face, en plus des MNA pris en charge par l'ASE, à la présence de migrants mineurs qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni. 

Dans ces observations, l'accent est mis sur la saturation du dispositif de protection de l'enfance en 2023, liée notamment à une forte hausse du nombre de MNA pris en charge par l'ASE (voir notre article). La situation s'est améliorée en 2024 puisque "13.554 ordonnances et jugements de placement concernant des mineurs non accompagnés" ont été signalés à la Mission nationale des MNA de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la Justice, soit une baisse de 30% par rapport à 2023.

Est évoquée une "mobilisation nationale" engagée en 2024 "pour garantir l’effectivité de la loi concernant l’enfance protégée sur tout le territoire", avec la mise en place de groupes de travail sur "sept chantiers prioritaires" dont la prise en charge des MNA (voir notre article), ainsi que l'institution du comité des financeurs des politiques sociales en avril 2025 (voir notre article) et la rénovation de la gouvernance aux niveaux national et local – autant de chantiers qui piétinent du fait de l'instabilité politique actuelle. 

 

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