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Edouard Philippe répond aux élus avec le "pari de Marseille"

Au lendemain de "l'appel de Marseille", le Premier ministre a réaffirmé, ce jeudi 27 septembre, sa volonté de renouer le dialogue avec les élus, à l’occasion du Congrès des régions. Un long discours accueilli avec scepticisme par les élus, qui pourraient à nouveau boycotter la prochaine Conférence nationale des territoires, le 15 octobre, où il sera notamment question de la future Agence nationale de cohésion des territoires et de la réforme de la fiscalité locale. Les présidents de région acceptent en revanche l’invitation d’Edouard Philippe quatre jours plus tard - le 19 octobre - à Matignon. Au menu : la gestion des fonds européens. Un sujet sensible, au moment où l’exécutif pourrait songer à une reprise en main, en particulier pour ce qui est du Feader.

Le Premier ministre n’est pas parvenu, ce jeudi 27 septembre, à dissiper la grogne des élus régionaux. "Le lien indispensable qui doit se tisser entre nous a été distendu. Je ne crois pas qu’il soit cassé", a-t-il pourtant assuré en ouverture du Congrès des régions, au Palais du Pharo à Marseille, devant les 1.700 élus régionaux présents. Au lendemain de "l’appel de Marseille" lancé à l’initiative des trois grandes associations d’élus (Régions de France, ADF et AMF) dénonçant un mouvement de "recentralisation" (lire notre article), il entendait opposer un "pari de Marseille". Très attendu, le Premier ministre a répondu point par point aux griefs retenus contre l’exécutif, en toute "franchise et amitié" .
Les intéressés ont exprimé leur déception dans la foulée. "Nous n’avons pas eu le quart du début de commencement d’une réponse", a affirmé le président de Régions de France, Hervé Morin, en conférence de presse. "Très clairement, les conditions ne sont pour l’instant pas réunies pour que nous revenions à la table de la CNT (la conférence nationale des territoires, ndlr)", a-t-il avancé. En sachant que la mise au point effectuée un peu plus tôt dans la matinée sur France Inter par Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, était encore dans les esprits.

Recentraliser le Feader : "une folie"

Se défendant de toute volonté de "recentralisation", le chef du gouvernement s’est fait l’avocat de cette CNT qui, pour les associations d’élus, se serait soldée par un échec. "Vous n’y êtes pas toujours (présent), c’est un fait", a lancé le Premier ministre en direction d’Hervé Morin (les trois associations d’élus à l’initiative de l’appel avaient en effet décidé de boycotter la réunion de juillet dernier). Et le chef du gouvernement de rappeler que quatre autres associations d’élus (Villes de France, APVF, AdCF, France urbaine) avaient fait le choix inverse et soumis au gouvernement un rapport sur la cohésion territoriale. "Un lieu où l’on peut constater des désaccords ce n’est déjà pas si mal", a soutenu le Premier ministre. Il a déroulé le menu de la prochaine CNT qui se tiendra le 15 octobre : la future Agence nationale de cohésion des territoires, l’épineuse question de la fiscalité locale (avec, pour les régions, l’idée d’un transfert de part de TVA)…
Si les 17 présidents de régions menacent à nouveau de boycotter cette réunion, ils entendent en revanche répondre à l’invitation que le Premier ministre leur a adressée, le 19 octobre, à Matignon. Il y sera en particulier question d’un sujet brûlant : la gestion des fonds européens. "Nous avons intérêt à arriver à Bruxelles unis", a appuyé Edouard Philippe, alors que se joue actuellement la grande bataille budgétaire pour le cadre financier pluriannuel européen qui conditionnera les différents crédits pour la période 2021-2027. Un peu plus tôt, Hervé Morin avait pointé la "menace d’une recentralisation des crédits européens", renvoyant sur l’Etat la responsabilité des dysfonctionnements observés actuellement. Recentraliser le fonds de développement rural Feader (second pilier de la PAC) serait une "folie". "Ce serait pour nous le pire signal", avait-il martelé. Selon lui, il serait d’ailleurs difficile de revenir en arrière car "les RGPP successives ont conduit à un affaiblissement majeur des services déconcentrés de l’Etat".

"L'instrument contractuel est neuf, il va s'améliorer"

Edouard Philippe est longuement revenu sur l’enjeu des finances locales. Il a reconnu le constat dressé dans l’appel des élus, à savoir que, d’ici la fin du quinquennat, les collectivités auront contribué au désendettement de l’Etat à hauteur de 50 milliards d’euros, quand l’Etat aura alourdi la dette de 330 milliards d’euros. Le déficit de l’Etat va se creuser en raison des baisses d’impôts qui s’accompagneront d’une "action forte sur les dépenses", a-t-il expliqué. "En 2018 et 2019, l’effort de l’Etat sur sa dépense sera supérieur à celui demandé aux collectivités territoriales", a-t-il assuré, rappelant que les concours de l’Etat aux collectivités seront "stables". Le Premier ministre est revenu sur les contrats financiers signés par 228 des 322 plus grandes collectivités, dont 45 départements et 9 des 17 régions. "La vérité c’est qu’il est plus facile de supporter une baisse des dotations d’un point de vue politique" que de maîtriser l’augmentation des dépenses, a-t-il déclaré, saluant la responsabilité de "l’immense majorité" des élus qui se sont engagés dans ces contrats. "L’instrument contractuel est prometteur, il va s’améliorer, il est neuf", a-t-il relativisé, comme il l'avait fait la semaine dernière lors de la Conférence des villes.

Colosses aux pieds d'argile

Quatre ans après la loi Notre, Hervé Morin a exprimé l’amertume des élus régionaux qui se trouvent à la tête de colosses aux pieds d’argile. En clair, les grandes régions voulues par François Hollande n’auraient pas les moyens de leurs ambitions. Le président de la Normandie a assuré se garder de "toute posture politicienne", expliquant que les régions dépensaient 800 millions d’euros pour le soutien à l’innovation des entreprises, quand les Lander allemands y consacrent 10 milliards d’euros. Alors pourquoi les mettre à l’index au lieu de les conforter, s'interrogent les régions. Ainsi en serait-il du projet de loi Pacte de Bruno Le Maire sur lequel elles "n’ont pas été consultées". "Je croyais que nous avions la compétence sur les entreprises", a fait valoir Hervé Morin. Autre pomme de discorde : l’apprentissage. Ecarter les régions avec la loi Avenir professionnel du 5 septembre serait "ahurissant", jugent-elles, y voyant même une recentralisation inédite depuis 1981.
Même regret au sujet du plan de relance industriel présenté la semaine dernière par le Premier ministre. "Des politique industrielles territoriales menées par l’Etat ? Il y a quelque chose d’illogique", s’est emporté Hervé Morin.
Dans ce dialogue difficile, on relèvera toutefois une exception : les transports. Les présidents de régions ont en effet unanimement tressé des lauriers à la ministre des Transports, Elisabeth Borne, pour sa réforme des mobilités et son effort de concertation. Alors après "l’appel de Marseille" et le "pari de Marseille", le président du Sénat, Gérard Larcher, a joué les arbitres en proposant un "défi de Marseille", pour "reconstituer la confiance rompue". Le 19 octobre sera sans doute un moment de vérité.

 

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