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Décentralisation - En commission, l'Assemblée raccommode le projet "Affirmation des métropoles"

La commission des lois de l'Assemblée nationale a examiné le 27 novembre le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles que le Sénat s'était appliqué à détricoter début octobre. Sur proposition du rapporteur Olivier Dussopt, les députés ont réintroduit de nombreuses dispositions qu'ils avaient adoptées en première lecture.

Début octobre, le Sénat votait sa version du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Un texte portant sa marque et qui, du coup, faisait passer à la trappe bon nombre de mesures introduites par les députés. Désormais, ceux-ci ont la main. En commission, ils n'ont pas hésité, le 27 novembre, à faire réapparaître les dispositions qui ont leur préférence. Celles-ci accordent notamment un rôle accru aux métropoles et à l'intercommunalité. Ceci alors même que, le 19 novembre, au congrès des maires, le Premier ministre avait voulu, sur ce volet de la réforme, rassurer les élus des communes.

Clarification des compétences des collectivités et coordination des acteurs
Ainsi, la commission a de nouveau inscrit dans le texte la création du haut conseil des territoires, lieu de concertation entre les collectivités territoriales et l'Etat sur les politiques qu'ils mènent en commun. L'initiative a été bien accueillie par le président de l'Association des maires de France (AMF), Jacques Pélissard. Le député-maire de Lons-le-Saunier a toutefois regretté que l'amendement renvoie à un décret la définition des modalités de désignation des membres de l'instance.
Les députés ont aussi adopté un amendement du rapporteur qui prévoit, comme le voulait initialement le gouvernement, la création dans toutes les régions d'une conférence territoriale de l'action publique (CTAP) pilotée par le président du conseil régional et dans laquelle le préfet pourra être présent. Elle aura pour vocation de favoriser la concertation entre les collectivités et leurs groupements sur les compétences qu'ils partagent et celles qui nécessitent des délégations de compétences. Rejetées par les sénateurs, les conventions territoriales d'exercice concerté, que les collectivités "chefs de file" établissent à la lumière des débats de la conférence, refont leur apparition. Les autres collectivités sont incitées à les signer. Celles qui le feront auront l'obligation de financer, à hauteur de 20% seulement, les projets dont elles sont le maître d'ouvrage. Celles qui ne voudraient pas se conformer à la convention en auront la faculté. Mais elles devront financer, par elles-mêmes, au moins 40% du coût de leurs propres projets. En sachant que cette règle ne sera pas applicable aux projets inscrits dans les contrats de projets Etat-régions. Le rapporteur a dit vouloir mettre en place "une incitation à la coordination, à la concertation". Patrick Devedjian, député et président du conseil général des Hauts-de-Seine, a critiqué des modalités qui vont selon lui compliquer le déroulement des "tours de table" entre élus de différentes collectivités, en citant l'exemple du financement d'un tramway.
Sur l'allégement de l'obligation d'organiser un référendum en cas de fusion entre deux collectivités, la commission n'a pas été aussi loin que les députés lors de la première lecture. Ils n'ont pas souhaité que soit rétabli l'amendement initial qui prévoyait une suppression de l'obligation dans tous les cas de fusion. Mais ils ont voté un amendement PS qui, s'il était retenu dans le texte final, permettrait la fusion de deux régions sans consultation de leurs habitants. La ministre en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu, et le rapporteur se sont dit prêts à soutenir en séance la proposition visant à supprimer l'obligation d'un référendum pour la fusion de deux départements contigus. "Le maintien de la consultation des populations paraît opportun au gouvernement dans la mesure où l'on fusionne des collectivités qui ne sont pas de même niveau", a précisé Marylise Lebranchu.
Les députés ont aussi réintroduit dans le texte la mention de la liste des compétences respectives des conseils généraux et des conseils régionaux. Ils ont fait de même pour la liste des compétences pour lesquelles chaque niveau joue un rôle de "chef de file". A cette occasion, ils ont renforcé le poids de la région, au grand dam de certains députés, tels Dominique Bussereau et Hervé Gaymard, présidents respectifs du conseil général de Charente-Maritime et de la Savoie.

Les métropoles "de droit commun"
S'agissant des métropoles dites de "droit commun", les députés ont souhaité un retour aux dispositions qu'ils avaient votées en première lecture. Ils ont donc décidé que les communautés d'agglomération et urbaines concernées (Bordeaux, Rouen, Toulouse, Lille, Strasbourg, Nantes, Grenoble, Rennes, Montpellier) deviendront automatiquement des métropoles, alors que les sénateurs avaient privilégié le volontariat. Seule la communauté urbaine de Brest devra consulter les conseils municipaux concernés pour éventuellement obtenir le label "métropole". Cette solution de "l'automaticité" a soulevé de nombreuses réactions d'hostilité, notamment lors du congrès des maires de France (notre article du 20 novembre 2013). Une opposition partagée par certaines associations d'élus locaux, comme celle des petites villes.
A quelques exceptions près (comme l'organisation de la transition énergétique) les députés ont rétabli les compétences qu'ils avaient confiées aux métropoles en première lecture. Ils ont aussi fait réapparaître l'objectif d'une intégration financière plus grande au sein de ces territoires. En effet, comme l'avaient fait, en juillet, les députés réunis en séance, la commission des lois s'est prononcée en faveur de l'assouplissement des modalités d'adoption des dispositions sur l'unification de la taxe d'habitation et des taxes sur le foncier et de celles qui confient à la métropole la dotation globale de fonctionnement (DGF) à la place de l'ensemble des communes. Une autre simplification adoptée par la commission concerne le plan local d'urbanisme. Son approbation par le conseil de la métropole ne nécessitera plus qu'un vote à la majorité simple.
Enfin, sans aucun débat, l'Assemblée a adopté un amendement PS qui rétablit le principe de l'élection au suffrage universel direct dans les métropoles en 2020. La majorité a, semble-t-il, tenu compte de l'avertissement lancé en juillet par certaines associations d'élus locaux, dont l'AMF. Celle-ci avait estimé que la mesure mettrait à mort les communes. Le texte de la commission prévoit ainsi que le "collège des conseillers métropolitains élus dans le cadre des communes" disposera de "la majorité des sièges", alors qu'avec les dispositions adoptées en première lecture, il avait toutes les chances de se retrouver en situation de minorité.

Les métropoles de Paris, Lyon, Marseille
Etudiant le volet concernant la métropole lyonnaise, la commission a rétabli les compétences que l'Assemblée nationale avait dévolues à la nouvelle collectivité territoriale (en particulier d'importantes délégations de compétences de la part de l'Etat en matière de logement). Elle a aussi apporté des précisions sur les modalités de création en 2015 de la métropole, notamment en matière de finances et de gestion des ressources humaines. Tirant les conséquences de la réforme sur le plan électoral, le gouvernement a proposé un amendement érigeant la métropole lyonnaise en section départementale pour l'élection des conseillers régionaux de Rhône-Alpes et en fixant le nombre de candidats pour ce territoire à 35 (le département de l'Isère en a 32). Les députés ont encore appliqué aux conseillers de la métropole de Lyon les règles limitant le cumul des mandats locaux, réparant ainsi un oubli du texte. Un oubli au sujet duquel Patrice Verchère (Rhône, UMP) s'est demandé s'il n'avait pas été quelque peu volontaire. Ils ont également réintroduit des dispositions votées en première lecture qui prévoient que les vice-présidents du conseil de la métropole sont à parité des hommes et des femmes.
Pour mémoire, l'Assemblée nationale a voté en première lecture, sans les modifier, les dispositions sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Elles sont donc définitivement adoptées.
Sur le volet francilien, la commission a adopté plusieurs amendements gouvernementaux. A l'article 12 qui crée au 1er janvier 2016 la métropole du Grand Paris, un amendement rétablit "cinq groupes de compétences proches de celles exercées par les métropoles de droit commun", a fait valoir la ministre, en matière d'aménagement, de développement économique, de logement, de politique de la ville et d'environnement. La métropole pourra, à sa demande et dès lors qu'elle dispose d'un plan de l'habitat et de l'hébergement exécutoire, se voir déléguer de la part de l'Etat des compétences en matière de logement. Les communes pourront également lui transférer l'exercice de nouvelles compétences, dans les conditions de droit commun.
La métropole exercera également automatiquement les compétences des EPCI à fiscalité propre existants à sa date de création, étant précisé que le conseil métropolitain pourra décider de les restituer aux communes dans un délai maximum de deux ans.
L'article 12, dans sa version modifiée, comporte également des dispositions relatives aux personnels et des précisions sur les conditions d'application du pacte financier et fiscal qui unit les communes entre elles. Par ailleurs, la ministre a affirmé que "le gouvernement propose de confier à la mission de préfiguration un rôle majeur de préparation de la création de la métropole". "Cette mission devra disposer d'une ressource propre que nous proposerons dès le collectif budgétaire", a-t-elle ajouté.
L'opposition a fustigé un "texte de recentralisation", élaboré sans "la moindre concertation" et dont le coût "n'est pas évalué". Plusieurs députés ont par ailleurs souligné l'importance de préserver les dynamiques territoriales existantes et de préciser le sort des compétences non métropolitaines exercées pour l'heure par les EPCI.
Selon l'un des amendements adoptés, les EPCI situés dans les départements de l'Essonne, de la Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines et dont le siège se trouve dans l'unité urbaine de Paris devront compter au moins 200.000 habitants. Le préfet pourra toutefois déroger à ce seuil.

Quelques autres mesures
On retiendra encore que la commission a aligné les modalités de définition de l'intérêt communautaire applicables aux communautés de communes sur celles qui sont en vigueur pour les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Si cette disposition était confirmée, le conseil de la communauté de communes définirait lui-même l'intérêt communautaire et non plus les conseils municipaux.
Par ailleurs, les députés ont complètement revu les modalités de création et de fonctionnement des pôles ruraux d'aménagement et de coopération, qu'ils ont d'ailleurs renommés "pôles territoriaux d’équilibre".
Le projet de loi sera examiné en séance publique à compter du 10 décembre. 

 

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