Espaces numériques de travail : quel rôle pour les collectivités ?

Alors que les environnements numériques de travail (ENT) se sont imposés comme des outils incontournables dans la relation école-familles, l'IGÉSR appelle à un effort renforcé de coordination entre l'État et les collectivités territoriales. Ces dernières, en première ligne sur le déploiement technique et financier des ENT, sont appelées à jouer un rôle structurant dans la simplification, la sécurisation et l'harmonisation des services numériques éducatifs.

L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) propose, dans un rapport publié le 15 juillet 2025, 16 mesures pour améliorer l'impact des espaces numériques de travail (ENT) et des logiciels de vie scolaire sur les relations entre l'école et les familles. À la suite de la publication du rapport de la commission nationale "Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu" en avril 2024 (voir notre article du 2 mai 2025), l'institution a été saisie pour analyser l'impact des ENT et des logiciels de vie scolaire sur les relations entre l'école et les familles.

Des outils plébiscités par la communauté éducative

Parmi les 16 recommandations qu’elle formule, plusieurs ont déjà été reprises par Élisabeth Borne (voir notre article du 7 juillet 2025) ou précisées dans la circulaire sur le numérique raisonné (voir notre article du 15 juillet 2025) parue le 11 juillet 2025. La mission constate que sur les quelque 12 millions d’élèves potentiels concernés par le numérique à l’école, à la rentrée 2024 le déploiement des ENT concerne : 
- 62% des écoles publiques (contre 55% en 2023) ;
- 89% des collèges publics, ;
- 99% des lycées publics.

De façon générale, selon le rapport, les ENT et plus spécifiquement les logiciels de vie scolaire, "sont largement plébiscités par la communauté éducative". Ils considèrent que "le regard critique qui peut être porté sur eux, et plus globalement sur la relation au numérique et aux écrans, ne remet pas en cause leur légitimité mais la place qu’il convient de leur donner au service d’un projet pédagogique et éducatif".

Mais besoin d'une harmonisation territoriale 

Le rapport de l'IGÉSR rappelle que les collectivités territoriales sont les principaux financeurs des ENT, conformément aux dispositions de la loi Peillon de 2013 et que leur implication dans la gouvernance, le déploiement et la maintenance des solutions numériques est essentielle. Au second degré, la répartition des compétences est claire : les départements pour les collèges, les régions pour les lycées. Mais le paysage reste morcelé, notamment dans le premier degré, où rappelons le, seules 62% des écoles publiques bénéficient d'un ENT. L'IGÉSR dénonce ce morcellement qui nuit à l'efficacité des outils : les familles peuvent être confrontées à trois solutions différentes si leurs enfants sont scolarisés à l'école, au collège et au lycée. D'où l'appel à une harmonisation territoriale, portée par les régions académiques en lien avec les collectivités.

Déploiement généralisé de l'identifiant unique ÉduConnect

Afin de simplifier l'accès aux services numériques, la mission recommande le déploiement généralisé de l'identifiant unique ÉduConnect, compatible avec FranceConnect. L'enjeu est double : sécuriser l'accès aux services tout en facilitant le parcours utilisateur, en particulier pour les familles.
Le rapport constate que certaines collectivités maintiennent leur propre système d'authentification, créant des freins à l'usage fluide de l'ENT et de ses services (téléservices, livret scolaire, orientation, etc.). L'IGÉSR invite les collectivités à adosser systématiquement leurs ENT à ÉduConnect et à imposer son activation par défaut dans les cahiers des charges des éditeurs, en particulier dans le premier degré.

Vers un copilotage État-collectivités

Le rapport valorise par ailleurs plusieurs modèles de gouvernance partenariale déjà en place dans des régions comme la Bretagne, les Pays de la Loire ou le Centre-Val de Loire. 
En Bretagne, l'ENT Toutatice par exemple est financé à 60% par l'État, 26% par la région et 14% par les départements. Dans ces territoires, les académies mobilisent aussi leurs moyens humains, illustrant la nécessité d'un copilotage État-collectivités.

Dans les Hauts-de-France, un "groupe d'échanges utilisateurs" animé par la délégation régionale académique au numérique éducatif (Drane) associe chefs d'établissement, personnels, élèves et représentants de parents, pour identifier les besoins et piloter les évolutions fonctionnelles de l'ENT. L'IGÉSR recommande de généraliser ce type d'instance dans toutes les régions académiques.

Le droit à la déconnexion : un paramétrage à la main des collectivités

Le rapport alerte sur l'usage intensif, parfois anxiogène, des ENT et logiciels de vie scolaire (notamment Pronote), notamment en dehors du temps scolaire. Il recommande la mise en œuvre d'un droit à la déconnexion (pas de nouvelles publications entre 20h et 7h, ni durant les week-ends et vacances) (voir notre article du 14 mai 2025).
Sa concrétisation nécessite des paramétrages spécifiques à mettre en œuvre par les collectivités ou les éditeurs, ce qui renforce encore leur rôle dans la régulation des usages. Le rapport préconise également l'insertion d'un message de rappel du droit à la déconnexion au moment de l'envoi d'un message pendant ces périodes.

Inégalités d'usage et fracture numérique 

L'IGÉSR souligne enfin que les familles les plus éloignées du numérique rencontrent des difficultés d'accès ou de compréhension des ENT. L'institution recommande des temps d'information et d'accompagnement qui doivent être systématiquement proposés lors des réunions de rentrée ou d'inscription, avec l'appui des collectivités.
La mission recommande de mobiliser les acteurs locaux (CAF, associations, professionnels de santé, etc.) pour organiser, dans les établissements volontaires, des temps d'échanges sur les usages numériques et leurs effets (santé mentale, activité physique, parentalité numérique). Cette démarche pourrait s'inscrire dans une future gouvernance interministérielle, pilotée par l'État mais largement déclinée localement.

Un service public éducatif partagé 

Alors que le ministère de l'Éducation nationale affiche une volonté de cadrage via la doctrine technique du numérique éducatif (voir notre article du 9 juin 2023), l'IGÉSR estime que la réussite de cette politique repose sur les collectivités territoriales. Leur rôle est déterminant tant dans le choix des solutions techniques que dans l'accompagnement des usages, la formation des usagers, ou encore la régulation des pratiques. En somme, les ENT sont devenus un service public éducatif partagé, dont la qualité dépend fortement de la coordination locale.

 

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