État déconcentré : ce qui change avec la "réforme Bayrou"

Une circulaire, signée par l'ex-locataire de Matignon, présente la réforme menée cet été, qui accroît les pouvoirs des préfets et approfondit la déconcentration. Certaines évolutions comportent des conséquences directes pour les collectivités.

Avant le vote de confiance qui s'est soldé par la chute de son gouvernement, François Bayrou a pris soin de transmettre à ses ministres, ainsi qu'aux préfets, recteurs et responsables des opérateurs de l'État une circulaire sur la "réforme de l'action territoriale de l'État" et la "relance de la déconcentration". Un document de 16 pages - avec les annexes - revenant sur les orientations que le Premier ministre a annoncées le 8 juillet à Chartres (voir notre article), et les mesures qui s'en sont suivies. Ces dernières sont présentes dans trois décrets du 30 juillet 2025 (notre article du 31 juillet). La circulaire a pour but de présenter "les implications concrètes" de ces textes réglementaires.
Le premier grand axe des décisions qui ont été prises prévoit de faire du préfet le véritable "garant de la cohérence de l'action des services et opérateurs de l'État au plan local". Pour conforter ce rôle qui lui est dévolu, la réforme étend l'obligation de consulter le préfet avant la nomination, l'affectation ou la mutation des chefs de service déconcentré et responsables territoriaux d'opérateurs. La circulaire précise à ce sujet que "sauf urgence", le préfet disposera de sept jours pour émettre un avis sur "la proposition transmise par l'autorité de recrutement".

Feuille de route des recteurs

Par ailleurs, la participation du préfet à la fixation des objectifs et des priorités d’actions et d’évaluation des chefs de service déconcentré, y compris ceux qui ne sont pas placés sous son autorité, est accrue. Le préfet "contribue" ainsi désormais entre autres à la fixation des objectifs des responsables territoriaux des opérateurs de l'État et "émet un avis dans le cadre de leur évaluation, qui porte notamment sur la part variable de la rémunération". En outre, le préfet "est tenu informé de l'évaluation finale" de ces agents. Pour sa part, le préfet de région est à présent "associé" à la définition de la feuille de route des recteurs "dans les domaines qui ne relèvent pas du contenu et de l'organisation de l'action éducatrice, de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de la gestion des personnels qui y concourent". Le préfet de région est également informé de la mise en œuvre de la feuille de route et des résultats atteints. La circulaire indique de plus qu'après information des préfets de région concernés, les recteurs "adresseront annuellement aux ministères compétents" un "bilan sur la conduite de leur action territoriale".
À noter encore : le rôle de chef d'orchestre octroyé au préfet est renforcé par la réforme. Lorsqu'il réunit "en format plénier" les instances de gouvernance (comité d'administration régionale, au niveau régional, et collège des chefs de service, au niveau départemental), ce dernier "convie désormais" l'ensemble des chefs de service déconcentré et des responsables territoriaux des opérateurs de l'État, précise la circulaire.

Un rôle étendu de délégué territorial des opérateurs

Le préfet verra en outre son rôle de délégué territorial étendu à de nouveaux opérateurs de l’État agissant au plan local (France Travail, Office national des forêts, Cerema, Voies navigables de France…). À ce titre, il assurera la représentation de l'opérateur et pourra "recevoir délégation pour signer toute convention avec les collectivités territoriales et leurs groupements". En l'absence d'une telle délégation, il contresignera ces conventions.
Mieux informé sur les décisions des opérateurs pouvant avoir une incidence dans le territoire, le préfet pourra demander un réexamen, avec effet suspensif, de ces décisions. En outre, lorsque l'opérateur dispose d'un échelon territorial, le préfet pourra lui adresser "des directives d'action territoriale".
La circulaire appelle par ailleurs les ministères à "finaliser le chantier de la déconcentration en matière de ressources humaines" ouvert par un décret (n° 2025-836) et deux arrêtés (APFF2516307A et APFF2516310A) parus au Journal officiel du 22 août.

Subventions : des enveloppes déconcentrées

Seconde priorité de la réforme, rappelée par la circulaire : il s'agit de faire du préfet "le garant de l'adaptation des politiques publiques aux réalités territoriales". Cela passe par l'application du pouvoir préfectoral de dérogation aux normes, celui-ci étant étendu à toutes les décisions individuelles de son ressort. La logique d'adaptation aux besoins des territoires doit aussi conduire à remettre en cause l'organisation des appels à projets telle qu'elle a été mise en œuvre jusque-là, affirme le Premier ministre encore en exercice au moment de la signature de la circulaire (le 5 septembre). Ce dernier met en avant la pertinence de l'octroi de subventions avec une enveloppe déconcentrée aux préfets. Cette modalité sera déployée plus largement "dès la gestion 2026", avec la fin de la possibilité pour les ministères d'octroyer des subventions d'un montant inférieur à 10.000 euros. En dessous de ce seuil, "l'attribution devra en être déconcentrée".
Enfin, le préfet est le "garant de la visibilité de l'action de l'État dans les territoires", souligne la circulaire. Concrètement, le représentant de l'État veille à la communication sur l'action de l'État dans le territoire et fait attention à ce que ce dernier "ne parle que d'une seule voix". Sauf exception, le préfet sera à l'avenir le seul acteur étatique à prendre la parole en public lors des inaugurations, y compris lorsqu'un opérateur a apporté son soutien financier à la réalisation du projet. C'est un changement qui répond notamment aux attentes d'un certain nombre d'élus locaux.

Référence : circulaire du Premier ministre (n° 6504/SG) du 5 septembre 2025 relative à la réforme de l'action territoriale de l'État et à la relance de la déconcentration.
 

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