État territorial : "patron", "chef d'orchestre", le préfet voit sa place confortée par décret

Au lendemain de sa présentation lors du dernier conseil des ministres, le décret renforçant les pouvoirs du préfet figure au Journal officiel de ce 31 juillet. Et il est accompagné de deux décrets complémentaires consistant en particulier à étendre le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes et à préciser les modalités de consultation du préfet sur la carte scolaire du premier degré. L'ensemble de ces dispositions sont d'application immédiate.

Le texte modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements (que nous décrivions dans notre article du 30 juillet) porte les principaux changements voulus par le gouvernement pour "refonder l'État local", dans la droite ligne des annonces faites par le Premier ministre le 8 juillet à Chartres (voir notre article).

Comme l'indiquait le compte rendu du conseil des ministres du 30 juillet, le décret poursuit deux objectifs : "la cohérence d’ensemble de l’action des services de l’État et la cohérence territoriale des décisions mises en œuvre". Il crée ainsi "un avis du préfet sur les projets d’évolution de la cartographie des services ouverts au public placés sous l’autorité des finances publiques, de l’éducation nationale et des agences régionales de santé". En outre, les pouvoirs des préfets sont renforcés à l'égard des chefs de services déconcentrés et responsables territoriaux des opérateurs de l'État, notamment au niveau départemental. Le représentant de l'État est désormais préalablement consulté ou a minima informé des décisions importantes prises par les opérateurs. Et il peut demander, avec effet suspensif, un réexamen de ces décisions.

Un droit de dérogation aux normes élargi

À noter encore : le décret renforce la participation du préfet au "processus de nomination, à la fixation des objectifs et à l'évaluation des chefs de services de l'administration déconcentrée de l'État et des responsables territoriaux des opérateurs".

En application de ce premier texte, un décret prévoit "l'avis du préfet avant le retrait de certaines autorisations d'activité médicosociale et de soins". Mais surtout, il étend "à toutes les matières" le droit de dérogation préfectoral aux normes arrêtées par l'administration de l'État et n'ayant pas un caractère réglementaire. Inscrite initialement dans le décret du 8 avril 2020 qui a institué le droit de dérogation reconnu au préfet, la limitation de ce pouvoir à sept domaines (subventions, aménagement du territoire, environnement, urbanisme, emploi…) prend donc fin.

Prenant en compte les dispositions du décret renforçant les pouvoirs des préfets, un troisième décret prévoit que le préfet de département est saisi de la proposition de carte scolaire du premier degré "au plus tard quinze jours avant le conseil départemental de l'éducation nationale" et "rend son avis dans un délai de huit jours maximum suivant la réunion de ce conseil". Il prévoit aussi la consultation des préfets en ce qui concerne la nomination et l'évaluation des chef des services départementaux à la jeunesse, à l'engagement et aux sports. "Le gouvernement tient à ce que ces services, placés depuis 2020 sous l’autorité des recteurs, voient leurs liens renforcés avec les préfets", indique la communication faite en conseil des ministres sur la réforme de l'action territoriale de l'État.

Rejet en bloc par les syndicats

Parmi les réactions, celles des représentants des agents publics ont été particulièrement négatives. Saisis les 10 et 18 juillet de ces décrets à l'état de projet (à l'exception de celui qui étend le pouvoir des préfets en matière de dérogation aux normes), les organisations syndicales siégeant au conseil supérieur de la fonction publique de l'État les ont rejetés à l'unanimité.

Les dispositions législatives de la réforme de l'action territoriale de l'État sont portées par la proposition de loi sénatoriale visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation. Le texte adopté en première lecture le 10 juin par le Sénat prévoit notamment de "faire du préfet le délégué territorial de l’ensemble des établissements publics et groupements d’intérêt public de l’État comportant un échelon territorial" (voir notre article).

Références : décret n° 2025-723 du 30 juillet 2025 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ; décret n° 2025-724 du 30 juillet 2025 étendant le pouvoir de dérogation reconnu au préfet et pris pour l'application du décret modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ; décret n° 2025-726 du 30 juillet 2025 renforçant les pouvoirs des préfets à l'égard des autorités académiques.
 

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