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Attentats - Etat d'urgence : un dispositif renforcé et prolongé jusqu'à fin février

Le projet de loi prorogeant de trois mois l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et visant à renforcer l'efficacité de ses dispositions a été présenté mercredi 18 novembre en conseil des ministres. Un projet de décret déclarant l'état d'urgence sur le territoire des collectivités d'outre-mer à compter du 19 novembre a été également examiné.

Ainsi que l'avait annoncé le président le République le 16 novembre, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur ont présenté mercredi 18 novembre en conseil des ministres le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Il vise également à renforcer l'efficacité de l'état d'urgence en modifiant plusieurs des dispositions de cette loi.

L'état d'urgence est prolongé jusqu'à fin février
La loi du 3 avril 1955 prévoit que la prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Le projet de loi dispose que l'état d'urgence déclaré à compter du 14 novembre 2015 à zéro heure est prolongé pour trois mois.

Le régime des assignations à résidence est élargi
Le régime des assignations à résidence est élargi à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Il pourra être interdit à la personne assignée à résidence d'entrer directement ou indirectement en contact avec des personnes soupçonnées également de préparer des actes portant atteinte à l'ordre public. Enfin, la commission administrative chargée de donner un avis sur la contestation de l'intéressé est supprimée et remplacée par le recours de droit commun devant la juridiction administrative.

Le régime des perquisitions est encadré
Si l'état d'urgence permet au ministre de l'Intérieur de procéder à des perquisitions administratives sans passer par l'autorité judiciaire, le projet de loi prévoit qu'aucune de ces perquisitions ne pourra viser les locaux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, magistrats ou journalistes. Le procureur de la République sera informé de toute décision de perquisition, qui se déroulera en présence d'un officier de police judiciaire. Lors de ces perquisitions, il pourra être fait copie sur tout support des données stockées dans tout système informatique ou équipement.
Dans le cas des infractions aux dispositions sur ces perquisitions, tout comme pour les assignations à résidence, les peines encourues sont substantiellement accrues.

Le contrôle de la presse et de la radio est supprimé
Le contrôle de la presse et de la radio, prévu dans le texte de 1955 mais jamais utilisé, est supprimé.

Les associations dangereuses pour l'ordre public pourront être dissoutes
Le projet de loi ouvre la possibilité de dissoudre les associations ou groupements qui participent, facilitent ou incitent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public, et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence.

L'état d'urgence est étendu au territoire des collectivités d'outre-mer
Comme annoncé dès mardi, un décret sera publié portant extension outre-mer de l'état d'urgence : plus précisément à compter de jeudi zéro heure, heure locale, sur le territoire des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Réponse de l'exécutif aux attentats

Au cours du conseil des ministres, le ministre de l'Intérieur a également présenté un premier bilan de l'application de l'état d'urgence : ainsi 296 perquisitions administratives ont été effectuées dans les nuits du 15 et du 16 novembre au domicile "d'individus ayant attiré l'attention des services de police et de renseignement", au cours desquelles 40 armes ont été découvertes. 33 personnes ont été placées en garde à vue. Par ailleurs, 114 assignations à résidence ont été d'ores et déjà signées par le ministre.
La prolongation de l'état d'urgence est la première étape de la réponse de l'exécutif aux attentats du 13 novembre, avant une révision de la Constitution visant à inscrire dans la loi fondementale un "régime civil d'état de crise" qui "modernise" l'état d'urgence. Stéphane le Foll, porte-parole du gouvernement a indiqué que le gouvernement souhaitait que cette révision soit finalisée avant le terme de l'état d'urgence, fin février.

Laurent Terrade

Référence : loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

La Ligue des droits de l'homme s'inquiète de l'instauration d'un "état d'urgence en permance"

Dans un communiqué publié mardi 17 novembre, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) s'est inquiétée de l'instauration d'un "état d'urgence en permanence" après le discours de François Hollande devant le Congrès, déplorant une "logique de guerre" néfaste aux libertés individuelles.
"La LDH exprime son inquiétude face à des projets délibérés sur injonction, dans la précipitation et usant de l'émotion provoquée par les attentats commis." Elle déplore également des  mesures qui, "loin d'être limitées dans le temps, vont s'inscrire dans la durée comme l'actuel état d'urgence".
La LDH regrette "la rapidité avec laquelle le Parlement est sommé d'entériner" les mesures annoncées. "La logique de guerre qu'il [le président de la République] a mise en avant conduit à modifier en profondeur plusieurs aspects de l'Etat de droit", estime la LDH, notamment "la Constitution, la procédure pénale ou les règles de la nationalité". "Le pouvoir exécutif entend imposer sa vision d'une démocratie" où lui-même "l'emporte sur les autres pouvoirs et sur les libertés individuelles", ajoute la LDH, qui déplore qu'"une seule alternative" soit proposée, entre "un pouvoir fort ou le terrorisme, sans se préoccuper d'assurer la cohésion sociale et l'égalité des droits".
 

AFP