Pouvoir de dérogation des préfets : le Sénat adopte et élargit la proposition de loi Pointereau

Le Sénat a adopté dans la nuit du 10 au 11 juin la proposition de loi visant à "renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires". Ce texte du sénateur LR Rémy Pointereau a été largement approuvé (241 voix pour, 32 contre) et est désormais transmis à l'Assemblée nationale.

La proposition de loi vient préciser, renforcer ou créer toute une panoplie de "dérogations" accordées aux préfets, qui pourront dès lors autoriser plus facilement certains projets, adapter certaines "normes", "favoriser" l'accès à certaines aides publiques ou "alléger" certaines démarches administratives, sous certaines conditions.

Il s'agit de poursuivre la logique à l'œuvre depuis 2020 par décret, mais actuellement circonscrite à un nombre limité de domaines. En cinq ans, seuls quelque 900 arrêtés de dérogation préfectoraux ont été portés à la connaissance de l'administration centrale.

Le texte traduit certaines des propositions émises lors des "Assises de la simplification" d'avril au Sénat (voir notre article). "Le pouvoir d'interprétation, de mise en place de décisions de bon sens élémentaire doit être rendu au préfet", y avait expliqué François Bayrou, évoquant la "cacophonie" qui règne parfois entre acteurs territoriaux.

La rédaction actuelle de la proposition de loi, très large, a toutefois suscité des réserves du côté du gouvernement et de la gauche. Avec une crainte : voir ce pouvoir de "dérogation" devenir dans certains cas un "pouvoir de substitution", notamment dans la mesure où il confère aux préfets un rôle de "délégué territorial". L'un des amendements adoptés prévoit de "faire du préfet le délégué territorial de l’ensemble des établissements publics et groupements d’intérêt public de l’État comportant un échelon territorial"

"Un principe de dérogation n'est pas une dérogation de principe", s'est ainsi inquiété le socialiste Pierre-Alain Roiron, dont le groupe s'est abstenu. Les écologistes et les communistes ont eux voté contre.

Le gouvernement a profité de ce vecteur législatif pour introduire certaines mesures lancées fin avril lors d'un "Roquelaure de la simplification", à savoir la fin de l'obligation pour les collectivités concernées de créer une caisse des écoles, un conseil citoyen ou un conseil de développement (les CCAS, eux, n'ont finalement pas été concernés – voir notre article de ce jour).

Les sénateurs ont pour leur part prévu, contre l'avis du gouvernement, de permettre aux préfets d'autoriser dans certains cas le versement anticipé du FCTVA : les collectivités "pourront demander au préfet, lorsqu’elles réalisent une opération d’investissement d’un montant particulièrement élevé, l’obtention d’un versement anticipé du montant de FCTVA correspondant", lequel "serait alors intégré au versement annuel dont aurait dû bénéficier la collectivité au titre de l’année en cours". L'objectif étant "d’éviter, en particulier aux petites communes, de faire face à des difficultés de trésorerie".

Autre mesure liée aux finances locales introduite par les sénateurs : un nouveau dispositif spécifique de dérogation à l’obligation de participation minimale financière des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage. En février et mars 2024, les parlementaires avaient déjà adopté – contre l'avis du gouvernement - une proposition de loi "créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales" (abaissement à 5%, au lieu de 20%, de cette participation minimale pour des projets d'investissement "structurants"). Le Sénat a aujourd'hui repris cette idée et proposé "une dérogation automatique au principe d'une participation minimale de 20% pour les communes de moins de 2.000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2.000 habitants".

François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, qui représentait le gouvernement, a globalement jugé la proposition de loi intéressante, estimant qu'il était "urgent de donner aux préfets les moyens d’adapter les règles aux réalités du terrain". Malgré l'expérimentation lancée en 2017 et la généralisation intervenue en 2020, "l’étendue de ce pouvoir de dérogation reste jusqu’ici très restreinte à la fois à un nombre limité de domaines et à des dispositions formelles", a-t-il rappelé. "Donner la possibilité de déroger, c’est aussi apporter aux élus locaux le soutien qu’ils attendent de l’État", a-t-il déclaré.

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis