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Handicap / Culture - Exception "handicap" au droit d'auteur : tout est à revoir

Un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles sur la mise en oeuvre de l'exception "handicap" au droit d'auteur met en évidence la faiblesse de l'offre de publications accessibles. Pour y remédier, l'Igac préconise la création d'un réseau national de bibliothèques pour la diffusion de ces publications.

Le ministère de la Culture rend public un volumineux rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) consacré à la mise en oeuvre de l'exception "handicap" au droit d'auteur et au développement de l'offre de publications accessibles à l'ère numérique. Cette exception au droit d'auteur a été posée par la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (loi DADVSI). Ce texte s'inscrit lui-même dans le prolongement de la loi Handicap du 11 février 2005, qui a posé le principe de l'accessibilité universelle.

Seulement 3,5% de l'offre grand public est adaptée

La loi de 2006 introduit, dans la liste des exceptions reconnues au droit d'auteur, "la reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia, en vue d'une consultation strictement personnelle de l'oeuvre par des personnes atteintes d'une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques [...]". Simple dans son énoncé, cette exception s'est révélée difficile à mettre en oeuvre. Le rapport constate d'ailleurs que l'objectif de la loi de 2006 - proposer aux personnes en situation de handicap une offre de lecture la plus proche possible de celle offerte au grand public - "est très loin d'être atteint" et l'Igac estime même que "si rien n'est fait, il ne le sera jamais". La production annuelle de publications adaptées ne représente ainsi que 3,5% de l'offre grand public et 10% pour les manuels scolaires.
La mise en oeuvre de l'exception "handicap" au droit d'auteur a d'ailleurs été laborieuse, puisque la plateforme Platon de la Bibliothèque nationale de France (BnF) - qui permet de mettre les fichiers numériques des éditeurs à disposition des associations agréées qui vont les adapter - n'est opérationnelle que depuis juin 2010.
A la liste des obstacles techniques et juridiques qui expliquent ces retards, le rapport ajoute une définition du champ des bénéficiaires de l'exception handicap qui "ne permet pas de répondre aux besoins avérés, en particulier dans le domaine de l'éducation". Ceci vise notamment des critères d'éligibilité inadéquats et l'inadaptation de la référence, dans la loi de 2006, au taux d'invalidité de 80%, qui "exclut du bénéfice de l'exception de nombreuses déficiences cognitives invalidantes pour la lecture et l'écriture".

Sortir d'un constat d'échec

Face à ce qu'il faut bien appeler un constat d'échec, qui place la France en queue de peloton des pays développés, le rapport formule 26 propositions, regroupées en trois grands axes. Le premier consiste à créer les conditions d'un "développement substantiel" de l'offre de publications adaptées, en généralisant la fourniture aux organismes agréés des fichiers en format XML. Ceci passe notamment par l'imposition de ce format et par la création d'une obligation de dépôt légal des livres numériques auprès de la BnF. Plusieurs propositions détaillent les modalités techniques de mise en oeuvre de ces obligations.
Le second axe consiste à "faire entrer les bibliothèques de l'édition adaptée dans l'ère de l'inclusion numérique". Il s'agit notamment de créer une obligation de dépôt sur la plateforme Platon des fichiers des publications adaptées, d'autoriser les échanges de ces fichiers entre organismes agréés, de créer une base de données exhaustive des ouvrages adaptés sur un portail dédié, ou encore de créer un réseau national de bibliothèques publiques, scolaires et universitaires assurant une large diffusion de ces publications adaptées.
Enfin, le troisième axe propose de modifier les critères d'éligibilité, afin d'élargir le bénéfice de l'exception handicap "dans la stricte mesure nécessaire". Ceci consisterait surtout à élargir le bénéfice de l'exception aux personnes dont l'incapacité à lire est causée par une déficience autre que visuelle et à supprimer la référence au taux d'incapacité.
Dans le communiqué qui accompagne la publication du rapport de l'Igac, le ministère de la Culture indique que "dans les prochaines semaines, l'ensemble des propositions fera l'objet d'une concertation entre les différents acteurs de l'édition adaptée : éditeurs, associations, représentants des personnes handicapées, bibliothèques, services de l'Etat...". A l'issue de cette concertation, "les mesures retenues s'inscriront dans le plan interministériel en faveur du handicap, présenté sous l'égide du Premier ministre à l'automne". Reste à connaître la date du prochain comité interministériel sur le handicap, sans cesse annoncé et toujours retardé...

 

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