À Kingersheim, la démocratie participative est entrée dans les mœurs (68)

La commune de Kingersheim pratique la participation citoyenne depuis plus de trente ans. Ses outils et méthodes se sont progressivement améliorés pour associer les habitants aux projets développés par la ville et enrichir la démocratie représentative.

Élu maire de la ville en 1989, Jo Spiegel met aussitôt en place une démarche de mobilisation active des habitants. L’objectif est d’endiguer la transformation de la commune en cité-dortoir et de solliciter en priorité les familles et la jeunesse. Le risque d’une telle évolution était manifeste pour cette ville située à la périphérie nord de Mulhouse, qui avait vu sa population doubler depuis les années 1960. L’action politique avait conduit à l’ouverture d’équipements culturels et sportifs mais aussi « au constat que la citoyenneté active n’était pas au rendez-vous, reconnaît Laurent Riche, à son tour maire de Kingersheim, élu en 2020. Les habitants demeuraient dans une attente passive de solutions émanant d’élus considérés comme des magiciens. »

Les outils de la participation active

Au fil des années et des mandats, Jo Spiegel, qui sera réélu jusqu’en 2020, ne renonce pas à faire des habitants des citoyens acteurs en mesure d’enrichir les débats et les délibérations des élus. Progressivement sont mis en œuvre des outils, une méthode et un principe de gouvernance fondé sur la participation. Ils aboutissent au dispositif participatif en place aujourd’hui à Kingersheim. « Sur chaque projet, nous organisons une séquence démocratique dont l’objectif est d’inscrire les habitants dans une démarche active », précise Laurent Riche. Les habitants sont d’abord invités à une réunion publique au cours de laquelle des intervenants experts du sujet à l’ordre du jour informent les participants afin qu’ils soient en mesure de maîtriser les enjeux. Cette réunion définit également le périmètre des questions sur lesquelles les élus et les habitants vont travailler ensemble. Une fois informés, les habitants volontaires peuvent s’engager dans la participation active. Soit en s’impliquant dans un conseil participatif dédié au sujet quand celui-ci a un début et une fin, soit en prenant part à un comité de pilotage quand le sujet traité se développe sur du long terme. Par exemple, un comité de pilotage sur les mobilités douces - vélo et marche - est en fonction depuis 2017 et signale régulièrement des points d’amélioration. Ces deux instances sont structurées en trois ou quatre collèges : celui des habitants, toujours majoritaire, celui des élus, celui des experts et, le cas échéant, celui d’associations spécialisées dans le sujet. D’autres initiatives, telles que des jurys citoyens, des diagnostics en marchant ou des groupes d’initiatives citoyennes font vivre les séquences démocratiques.

La représentativité des instances de participation

« La mobilisation des habitants dans le conseil participatif et dans le comité de pilotage est variable, selon l’intérêt que portent les habitants au sujet », constate le maire. Il remarque aussi une surreprésentation des retraités et des inactifs parmi les participants. « Les actifs avec lesquels nous échangeons évoquent leur manque de temps dû aux contraintes familiales et professionnelles mais ils apprécient la méthode, même s’ils ne peuvent s’investir. » Autre remarque importante et commune aux dispositifs de participation mis en œuvre dans les autres villes : « on retrouve souvent les mêmes habitants dans les différentes séquences démocratiques ». Mais aux yeux du maire de Kingersheim, ce n’est pas seulement un inconvénient : « C’est aussi un avantage parce que ce sont des personnes intéressées par la vie de la commune et qui par leur présence régulière ont acquis une bonne connaissance du dispositif. Cela nous permet de les associer à l’organisation des réunions de travail. »

Les apports de la participation citoyenne

Ces difficultés à mobiliser un échantillon tout à fait représentatif de la population n’entravent en rien la volonté des élus de la commune de persévérer dans la voie de la participation. Sa vocation n’est pas de se substituer à la démocratie représentative mais de l’enrichir. « Elle nous apporte l’expertise d’usage des habitants et nous aide à réorienter les projets pour mieux prendre en compte leurs réalités vécues. Elle nous pousse aussi à sortir des sentiers battus et à expérimenter des solutions que nous n’aurions pas envisagées sans eux. » La participation amène en outre les habitants à prendre la mesure de ce qui est souhaitable et de ce qui est possible, même si ce n’est pas systématique. « Dans cette perspective, elle apporte beaucoup plus que les budgets participatifs, qui n’éclairent pas les citoyens sur la complexité administrative à laquelle sont confrontés les élus. Donner une enveloppe de X milliers d’euros à un collectif d’habitants n’assure en rien que leur projet va dans le sens de l’intérêt général. » En revanche, la participation au sein d’instances de concertation montre aux citoyens toute la difficulté de construire un projet avec des contraintes réglementaires et budgétaires.

Les séquences démocratiques mises en place à Kingersheim ont-elles un effet sur la participation des habitants aux élections ? La question est souvent posée mais Laurent Riche ne voit pas de lien de cause à effet. Certes, la participation aux élections municipales est bonne à Kingersheim, sauf en 2020 pendant la crise du Covid, « mais le travail que nous menons ne peut pas corriger les travers de la société, comme la défiance des citoyens vis-à-vis de la politique, leur désir de réponses immédiates ou leur sensibilité à l’émotion plutôt qu’à la réflexion », estime-t-il.

Quelle participation aux conseils et comités ?

Le nombre d’habitants participant aux différentes séquences participatives est variable. Parmi ceux qui rencontrent le plus de succès figurent les comités de pilotage « Nature en ville » et « Vélo en ville », qui regroupent une vingtaine de participants réguliers. Le conseil participatif « Poumon Vert » a rassemblé de 25 à 30 participants pendant un peu plus de deux ans sur l’aménagement d’une zone naturelle et d’un cheminement en secteur boisé. Le conseil participatif « Rue Pfastatt » a mobilisé une trentaine de participants réguliers sur une durée de deux mois et s’est structuré autour d’une réunion publique, de trois séances de travail et d’une restitution au conseil municipal.

Commune de Kingersheim

Nombre d'habitants :

13230
place de la Libération
68 262 Kingersheim Cedex

Laurent Riche

Maire

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