Rouen : quand un syndicat mixte crée une Sem pour commercialiser ses produits
Dans le cadre du schéma global d'élimination des déchets de l'arrondissement de Rouen, le Syndicat mixte pour l'élimination des déchets de l'agglomération rouennaise (Smedar) exploite depuis quatre années plusieurs équipements tels que les unités de compostages, des centres de tri du produit de la collecte sélective et l'usine d'incinération et de valorisation énergétique Vesta de Grand-Quevilly. En janvier 2004, le syndicat s'est doté d'une Sem, baptisée Valenseine, afin "de créer un outil souple et réactif qui soit au service du syndicat en optimisant nos installations", comme le souligne son président, Claude Lainé, également président du Smedar. La mission première de Valenseine est commerciale : il s'agit de vendre la production de matières issues des équipements du Smedar et d'assurer l'approvisionnement des installations en prospectant sur le secteur privé pour collecter des déchets industriels, spéciaux ou hospitaliers incinérables. "Conformément à notre plan prévisionnel d'origine, nous disposons d'une capacité de traitement de 50.000 tonnes pour ce type de déchets", rappelle le directeur de la Sem, Philippe Guilliot. Les 60.000 tonnes de mâchefers (scories métalliques) actuellement produites chaque année par Vesta sont proposées aux professionnels du BTP pour réaliser des sous-couches routières et des plates-formes de béton. Quant au compost, garanti de "bonne qualité", il peut être utilisable non seulement dans la grande culture mais aussi par les pépiniéristes.
Rentabiliser les équipements publics
"Nous faisons un acte de commerce que le syndicat mixte aurait des difficultés à mener. La Sem nous permet d'être immédiatement opérationnels en appliquant notamment une politique de prix plus réactive, qui répond aux exigences du marché", explique Philippe Guilliot. En effet, la Sem, société de droit privé, offre la réactivité nécessaire pour ce type d'opérations. Elle peut par exemple disposer d'agents technico-commerciaux qui visitent la clientèle. La structure juridique de la Sem a été préférée d'emblée à la délégation de service public (DSP). Une renégociation des conditions du contrat dans le cadre d'une DSP se révèle souvent difficile, et les élus ne souhaitaient pas "avancer les poings liés". "On ne parle pas toujours d'égal à égal face à des grandes entreprises", confie Claude Lainé. Pour disposer d'une liberté d'action et définir une politique sur le long terme, il a paru indispensable que le Smedar soit le véritable pilote de la structure créée, tout en lui accordant les moyens nécessaires pour évoluer sur le marché privé. Fondée sur un contrat "in house", Valenseine a vocation à travailler prioritairement et presque exclusivement pour le Smedar. "Notre rôle, explique le directeur, n'est pas de dégager une marge bénéficiaire importante mais de rentabiliser le plus efficacement possible les équipements du syndicat, tout en assurant notre autofinancement." En 2004, la Sem devrait atteindre 90 % de son objectif de chiffre d'affaires fixé à 5,2 millions d'euros.
Sur le marché de la concurrence
A terme, l'objectif affiché de Valenseine est de stabiliser, voire de réduire, les coûts de traitement des déchets au bénéfice des habitants. La Sem a également une vocation industrielle qui vise à développer et créer, à l'échelle régionale, des équipements de traitement des déchets complémentaires à ceux du Smedar, notamment dans le traitement des déchets ultimes. "Des solutions existent mais à des coûts trop élevés pour être supportés par les seuls habitants du Smedar", explique-t-on à la Sem. Valenseine, qui peut librement proposer ses prestations à un ensemble de partenaires, qu'ils soient publics ou privés, va travailler en concertation avec les autres syndicats de traitement des déchets de la région. Et d'ajouter : "En élargissant notre périmètre au-delà des frontières du Smedar, nous pouvons traiter des volumes beaucoup plus importants et ainsi profiter d'une économie d'échelle qui réduit la charge de chaque habitant." Certains projets sont en cours de réflexion, comme l'ouverture d'un centre d'enfouissement technique des déchets non incinérables et non polluants pour lequel le Smedar sera apporteur de produits avec d'autres collectivités et également le secteur privé. Lancé courant 2005 dans le cadre d'une délégation de service public, la Sem, qui sera en concurrence avec les opérateurs privés, a bon espoir de prouver qu'elle sera la meilleure, en présentant un véritable projet environnemental de réhabilitation de site. Celui-ci devrait se trouver en bord de Seine afin de privilégier l'utilisation d'un transport des déchets par voie fluviale.
Willy Oriou / Innovapresse Rouen pour Localtis
"Un réservoir de savoir-faire pour une politique à long terme de recherche et développement"
Claude Lainé, président du Smedar, est président directeur général de Valenseine.
Pourquoi avez-vous privilégié la création de la Sem ?
Nous avons dès l'origine eu la volonté d'accéder à l'indépendance vis-à-vis des partenaires, afin de pouvoir être maître de notre stratégie. Dans l'intérêt des habitants et de la collectivité, il est important pour un syndicat de traitement des déchets de contrôler l'ensemble de la chaîne des coûts et les procédures techniques. Il faut pour cela atteindre une taille suffisante qui nécessite d'intervenir sur le marché privé. La Sem est, dans ce cas, l'outil le plus pertinent pour être au service de la collectivité.
C'est aussi une source de rentrées financières supplémentaires ?
C'est une variable d'ajustement importante pour assurer de meilleures conditions de fonctionnement de nos installations. Si le volume de déchets ménagers venait à baisser au risque de remettre en cause notre équilibre financier, nous pouvons compenser en jouant sur le volume de déchets commerciaux. Et au-delà de cet aspect, Valenseine est un réservoir de savoir-faire qui permet d'avoir une politique à long terme de recherche et développement. Nous serons confrontés, dans un proche avenir, à des enjeux écologiques et économiques majeurs qui nécessiteront des réponses innovantes.
A-t-il été facile de convaincre les élus de l'intérêt de la Sem ?
On peut concevoir que la seule vocation du Smedar est de brûler des déchets sans se préoccuper du long terme. Mais après l'étude du dossier par les élus, toutes les décisions ont été prises à l'unanimité. La Sem est un montage juridique que les collectivités connaissent bien et nous l'avons préféré à d'autres formes comme la délégation de service public qui nous a semblé moins fiable pour piloter l'ensemble des opérations.
Le Smedar, "patron" de Valenseine
Valenseine est une société anonyme d'économie mixte locale au capital de 225.000 euros.
Le Smedar (Syndicat mixte pour l'élimination des déchets de l'agglomération rouennaise) détient 75% des actions afin d'être le "patron" des opérations menées par la société et éviter le "vagabondage" précise Claude Lainé : "La Sem est un outil strictement au service du syndicat." Les autres actionnaires ont été choisis en fonction de leur compétence dans le secteur ou de leur capacité à amener un volume d'affaires : la société Chapelle Darblay (recyclage du papier à Grand-Couronne), le Comité d'études des déchets industriels de Haute-Normandie (groupement des gros industriels de la région), Ikos environnement (traitement des déchets fermentescibles), les Sablières Morillon/Corvol (transport fluvial et extractions de granulats), Norval (traitement des matériaux ferreux et non ferreux). L'effectif de sept personnes actuellement employées par la Sem Valenseine devrait rapidement se développer. Le chiffre d'affaires 2004 sera de l'ordre de 4,7 millions d'euros.
Société d'économie mixte Valenseine
Claude Lainé
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