Expropriation d'une construction irrégulière : seul un droit juridiquement protégé peut donner lieu à indemnisation

Il n'est plus possible d'être indemnisé pour l'expropriation d'une construction édifiée illégalement à l'origine, sans permis de construire, a tranché la Cour de cassation dans une décision rendue ce 15 février.

En cas d’expropriation, il ne faut pas attendre d’indemnisation s’agissant d'une construction irrégulièrement édifiée et située sur une parcelle inconstructible. Tel vient en substance de trancher la Cour de cassation dans une décision en date du 15 février. En l’espèce, les terrains nécessaires à la réalisation d’un projet d’aménagement d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) ont été déclarés immédiatement cessibles au profit d’une société d’économie mixte, notamment une parcelle sur laquelle était édifié, sans autorisation, un bâtiment de 20 m², et au titre de laquelle le propriétaire exproprié demandait à être indemnisé. En l’absence d’accord sur le montant des indemnités de dépossession, le juge de l’expropriation a donc été saisi. Pour prétendre à indemnisation, le propriétaire, dont le bâtiment a été construit sans permis, sur un terrain inconstructible, excipait de la prescription de l’infraction pénale.

Précédents jurisprudentiels 

"Faute pour son propriétaire de pouvoir invoquer un droit juridiquement protégé au jour de l'expropriation, la dépossession d'une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible, n'ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation", tranche la Cour de Cassation. Aux termes de l’article L.321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. Il est jugé en application de cette disposition, que "seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation", rappelle la Cour s’appuyant sur des précédents jurisprudentiels (3e Civ., 3 décembre 1975, pourvoi n°75-70.061, Bull. n°361 ; 3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n°09-15.183 ; 3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n°21-23.792, publié).

Indemnité de dépossession fixée "par référence à la valeur du terrain nu"

Cette solution est à rapprocher de celle d’une autre décision récente (Civ 3 n°22-18.545, 9 novembre 2023) concernant également le régime d’indemnisation des biens expropriés. La Haute juridiction y a considéré que la prescription de l'action en démolition des constructions irrégulières ne fait pas obstacle à l'application, par le juge de l'expropriation, d'un abattement sur la valeur du terrain délaissé, pour illicéité d'une partie des constructions qui y sont édifiées. 

L'indemnité de dépossession "sera fixée par référence à la valeur du terrain nu", répond par ailleurs la Cour dans cette nouvelle affaire. Est ainsi infirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris fixant pour la dépossession de la parcelle des indemnités alternatives selon que le caractère illégal de la construction sera judiciairement reconnu ou non. 

 
Référence : Cass. Civ 3, 15 février 2024, W 22-16.460. 

 

 

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