Fermeture du cuivre : les zones d’incertitude de la stratégie d’Orange

Fin juillet 2022, l’Arcep a publié les commentaires des opérateurs, gestionnaires de réseaux et associations d’élus sur le plan d’Orange pour mener à bien la fermeture du réseau cuivre. La possible remise en cause de la complétude FTTH en préalable au décommissionnement du cuivre arrive en tête des préoccupations des contributeurs.

Une dizaine de territoires, d’associations d’élus et de consommateurs, ont répondu, en plus des grands opérateurs, à la consultation de l’Arcep sur la feuille de route que lui avait soumis Orange sur le décommissionnement du cuivre. On rappellera que l’opérateur historique a décidé en 2020 de mettre un terme au réseau cuivre d’ici à 2030, la fibre étant désormais le réseau fixe de référence. Publiées fin juillet 2022, ces contributions convergent pour estimer que la feuille de route d’Orange comporte encore de nombreuses zones d’incertitude.

La complétude et qualité FTTH comme préalable

Avant tout arrêt du cuivre, la nécessité d’une "complétude" des déploiements fait l’unanimité. L’Avicca, la FNCCR et Départements de France, auteurs d’une contribution commune, y ajoutent l’impératif de qualité et la fin des errements dans les raccordements. Une complétude "d’autant plus essentielle qu’Orange, n’étant plus en charge du service universel, n’a plus l’obligation de couvrir l’équipement en cuivre des nouveaux logements", souligne le Sipperec. Faisant état de son réseau d’initiative publique où tout foyer connecté au cuivre peut bénéficier du FTTH, le syndicat Doubs THD réfute de son côté l’idée d’autoriser, comme le souhaiterait Orange, un nombre "résiduel" de logements non raccordés. Bouygues Télécom abonde dans ce sens en pointant un risque de "déclassement numérique" des personnes non raccordées. Quant aux technologies alternatives évoquées pour y suppléer, elles suscitent l’ire de l’association Familles rurales. Celle-ci fustige au passage les piètres performances de la 4G fixe proposées actuellement par les opérateurs dans les zones sans réseau fixe performant.

L’association s’inquiète aussi du coût de raccordement laissé à la charge des foyers les plus difficiles à connecter "alors que le client final n’a rien demandé". Pour Intercommunalités de France, la gratuité du raccordement à la fibre doit être érigé en principe, quelle qu’en soit la complexité. Quant à l’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt), elle souligne l’augmentation des tarifs (5 à 10 euros) qui résulte du passage de l’ADSL à la fibre.

Un service universel à réinventer

Autant de raisons qui conduit l’Avicca et ses homologues à estimer que le préalable au démontage du cuivre est la mise en œuvre du nouveau service universel, aujourd’hui mis entre parenthèse jusqu’à au moins 2023. Un service universel que les trois associations veulent voir intégralement "rénové" en ne le limitant pas à un catalogue d’aides aux personnes à faibles revenus ou habitant des zones blanches. Les associations souhaitent en faire la pierre angulaire d’un fonds de péréquation dont la mission serait d’assurer la complétude du réseau FTTH et d’en garantir la pérennité, équivalent du Face pour l’électricité. "Il n’y aura ni universalité, ni qualité de service dans les territoires ruraux et de montagne sans une action continue de sécurisation, de bouclage, d’enfouissement, d’extension, de modernisation, à l’image de tous les autres réseaux", soulignent les associations.

Accord sur la maille communale

Le choix de la maille communale pour opérer le décommissionnement fait aussi la quasi-unanimité. Intercommunalités de France souhaite cependant que les EPCI soient étroitement associés au projet en "intégrant la gouvernance". Comme le Sipperec et l’Avicca, l’association des intercommunalités s’interroge cependant sur la référence aux "quartiers" comme maille de travail. Une clarification est demandée, Doubs THD pointant les contradictions entre l’Arcep qui évoque les zones arrières des répartiteurs et Orange qui se réfère aux communes et aux quartiers.

Autre point d’interrogation : le processus de choix des communes. Illiade (Free) est particulièrement remonté sur ce sujet. "La gouvernance supposée partagée n’en est pas une : Orange décide, puis éventuellement concerte, et in fine Orange reste seule décisionnaire", dénonce l’opérateur dont aucune des communes proposées en test n’a été jusqu’à présent retenue. "La sélection des communes à fermer techniquement doit répondre à des critères objectifs et transparents", abonde Bouygues Telecom, qui propose un système de notation des communes pour évaluer leur "maturité fibre". Et dans tous les cas les collectivités veulent être étroitement associées, l’Avicca mettant en avant la nécessité d’avoir des responsables de RIP dans les comités techniques.

Une communication nationale et locale

Au-delà du choix des communes, les contributeurs insistent sur la nécessité de communiquer localement pour réussir la transition. Pour les territoires comme pour les associations d’élus, la première condition du succès est d’associer étroitement les territoires à la gouvernance du projet. L’Avicca insiste cependant sur la nécessité de ne pas multiplier les instances, plaidant pour une collaboration technique avec les opérateurs d’infrastructure, une coordination nationale avec les associations d’élu et un relais local au niveau des comités télécom animés par les préfets. Les opérateurs souhaitent pour leur part que le portage de l’État s’affirme davantage. L’idée d’un GIP pour animer la communication autour du projet, à l’image de celui créé pour le passage à la TNT, fait du reste consensus.

Quid du devenir des infrastructures ?

Enfin, "aucune mention n’est faite de l’avenir des infrastructures d’accueil ne supportant plus le cuivre", relève Nouvelle Aquitaine THD. Le sujet préoccupe également Doubs THD qui souligne l’imbrication des responsabilités sur ces ouvrages (câbles, poteaux, fourreaux, chambres…) et la sensibilité du dossier chez les élus ruraux. L’Avicca abonde dans ce sens en invitant à "tracer le futur du génie civil, à court et à long terme". En n’oubliant pas le court terme puisqu’il s’agit d’assurer un service cuivre de qualité jusqu’au bout.

Orange a transmis à l’Arcep une contribution additionnelle annonçant une dizaine de "cahiers thématiques" précisant certains points. Il n’est cependant pas certain qu’ils suffiront à cadrer le chantier. Un texte législatif apparaît en effet nécessaire pour porter le projet, parallèlement à la mise en œuvre du nouveau service universel. L’opérateur historique est du reste le premier à avoir demandé ce texte.